Devons-nous vivre sous la menace de la dette  ?

jeudi 19 juillet 2012.
 

La Cour des comptes vient de rendre son rapport sur l’état des lieux, en insistant sur son caractère désastreux. 
Ce n’est pas une surprise  : ce n’est pas parce qu’il avait mauvais caractère qu’une majorité d’électeurs a viré Sarkozy. On peut en tirer deux conclusions diamétralement opposées.

La première semble être de bon sens pour qui gère ses comptes personnels ou ceux de sa famille  : pour éviter le surendettement, il faut savoir attendre avant de dépenser et de satisfaire ses envies. Mais l’économie ne ressemble pas à la gestion d’un budget familial, l’économie c’est du travail et des transports, de la formation et de la santé, du bien-être, des logements, de la culture et même des loisirs. L’économie, c’est investir, c’est-à-dire d’abord dépenser. Le meilleur exemple que nous ayons connu est la manière dont la société française s’est reconstruite après les désastres de la Seconde Guerre mondiale. Commencer par dépenser. Pour une Sécu qui venait d’être créée alors qu’il y avait moins de cotisants qu’aujourd’hui (moins de femmes salariées)  ; pour des services publics à reconstruire ou à construire. Cela a débouché sur les années d’essor que l’on appelle les Trente Glorieuses.

Évidemment, on pourrait réduire les dépenses d’armement sans dommages. Diminuer les dépenses pour le système de santé ou la formation, réduire le pouvoir d’achat en laissant chacun se dépatouiller pour le logement, le chauffage, la culture, sans solidarité de la part de la société, c’est aggraver le chômage et affaiblir l’économie. C’est le serpent qui se mord la queue. La crise bancaire n’a rien à voir avec les dépenses sociales de l’État mais elle a un rapport avec la spéculation et les placements toxiques. Quand l’État vient ainsi au secours des banques – c’est-à-dire nous, avec nos impôts –, en retour elles prêtent de l’argent à des taux faramineux.

Alors, qui doit payer  ?

Les entreprises du CAC 40 ont versé 44,6 milliards d’euros aux actionnaires en 2011, soit une progression de 15%. Les bénéfices des grandes entreprises ont augmenté de 35%. Les paradis fiscaux abritent 800 milliards d’euros pour la part française. Comme le président de la Cour des comptes affirme qu’il faut trouver 33 milliards pour 2013, sans doute n’est-ce pas très difficile à condition de les prendre où ils se trouvent, mais il s’arrête en chemin  : quelques petits milliards sur les niches fiscales au profit des plus riches, alors que le déficit pourrait être comblé par la fin de ces privilèges.

La Banque centrale européenne prête 1 000 milliards aux banques privées à un taux de 1% et celles-ci prêtent à leur tour aux États à un taux se situant entre 4 et 6%. L’argent immobilisé par la spéculation en France représente plus du double du budget de l’État. Soixante pour cent des bénéfices réalisés par le travail ne sont pas réinvestis dans l’économie réelle. Et comme la spéculation rapporte davantage aux gros actionnaires que l’activité utile, relancer l’activité ne pourra que rétrécir les marges des gros actionnaires  : plus d’argent dans la vie signifie moins d’argent dans les coffres. Les actionnaires font partie de la seule catégorie sociale dont on ne dit pas qu’ils coûtent trop cher et à qui on ne demande pas de faire des « efforts ».

Certaines dépenses comme l’hôpital public sont vitales. Les hôpitaux ou l’école devraient bénéficier de prêts à taux zéro  : on ne doit pas pouvoir se faire de l’argent comme des parasites sur le dos de la santé et de la survie des gens, ni sur celui de leur formation. Les emprunts toxiques et les dettes illégitimes qu’ils subissent devraient être simplement annulés.

Mais cela pose un problème  : comment les actionnaires qui tirent leur fortune du système actuel accepteraient-ils de perdre une partie de leur fortune  ? Autant nous avons besoin de travail, d’intelligence, d’argent pour financer les activités nécessaires, autant nous n’avons pas besoin d’actionnaires. Dans ce cadre, une réforme de la fiscalité demandant aux plus riches, aux entreprises et aux placements spéculatifs de participer au redressement national prend toute sa valeur.

Une fois que l’on a posé ce problème, que fait-on  ? La leçon à tirer de la lutte en faveur des retraites en automne 2010 est que, comme le dit le proverbe  : « On n’est jamais si bien servi que par soi-même. » Nous pouvons faire entendre nous-mêmes, haut et fort, sans attendre le gouvernement, la nécessité de prendre l’argent là où il est.

À l’exécutif… de s’exécuter.

Etienne Adam, Pierre cours-Salies et Pierre zarka


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