Abracadabrantesquissime ! (PRS national)

dimanche 2 avril 2006.
 

La pathétique allocution télévisée de Jacques Chirac vendredi 31 mars avait des airs de fin de régime. Cela pourrait être une bonne nouvelle pour la République car elle peut annoncer la faillite irréversible d’un pouvoir autoritaire et brutal entièrement mis au service d’une idéologie libérale, cherchant la destruction d’un modèle social conquis au cours du 20ème siècle... mais c’est une bonne nouvelle à la condition impérative que la gauche soit en mesure de proposer au peuple une issue politique pour remettre la République dans le sens du progrès social. Le Président de la République a donc choisi de promulguer le CPE. Oui, mais pas tout à fait. Il le promulgue, mais demande de ne pas l’appliquer, en attendant quelques aménagements, en annonçant quelques négociations !... Grotesque figure d’un exécutif à la dérive, cherchant à tâtons l’issue politique d’une situation politique et sociale presque insurrectionnelle qu’il a lui-même provoquée.

Pour expliquer le maintien du CPE, Jacques Chirac n’a rien trouvé de mieux que de reprendre les arguties intransigeantes que De Villepin assène depuis près de deux mois, restant aveugle et sourd face à l’immense mobilisation des millions de jeunes et de salariés, face au front unanime de l’ensemble des organisations syndicales, en dépit des avertissements de toute l’opposition de gauche réunie, et en dépit des fissures qui se multiplient à droite, au sein de son propre camp ...

Les deux aménagements proposés par Jacques Chirac ne changent en rien la nature du CPE et sont inacceptables.

Ramener la période probatoire de deux à un an maintient intégralement pour les jeunes de moins de 26 ans le principe d’un statut professionnel dérogatoire au code du travail ajoutant une nouvelle forme de précarité.

Introduire l’obligation pour l’employeur d’expliquer la rupture du contrat avant deux ans ne change rien à l’affaire : « expliquer » au jeune la rupture du contrat, cela n’a rien à voir avec les obligations du CDI contenues dans le code du travail contraignant l’employeur à fournir avec précisions les causes réelles de la rupture sur la base desquelles c’est le juge qui peut être amené à apprécier le caractère réel et sérieux du licenciement.

Enfin, il faut rappeler que le CPE n’est qu’un aspect de la Loi sur l’égalité des chances qui contient d’autres régressions sociales inadmissibles comme l’apprentissage à 14 ans, l’autorisation du travail de nuit pour les jeunes de 15 ans, etc...

Ce qu’il fallait faire, c’était retirer la loi. Un point c’est tout !

Au-delà de la nouvelle provocation que représente le maintien du CPE et de l’intégralité de la Loi sur l’égalité des chances par Jacques Chirac, il faut s’inquiéter de l’impression donnée par l’intervention elle-même. Le Président de la République a ouvert son discours télévisé en cherchant à s’appuyer sur la seule forme d’autorité qui lui reste : celle que lui confère le système constitutionnel de la 5ème République. « Le Parlement, a-t-il dit, les élus de la nation, ont voté la loi » sans préciser que le gouvernement a eu recours à l’article 49.3 pour passer en force, comme il avait eu recours aux ordonnances l’été dernier pour imposer le CNE, « et le Conseil constitutionnel, a-t-il poursuivi, vient de juger cette loi en tout point conforme aux principes et aux valeurs de la République » alors que chacun a pu mesurer à quel point ce conseil a été verrouillé politiquement par l’UMP et les nominations faites par Chirac depuis 10 ans...

Il existait pourtant, avec l’article 10 de la Constitution qui permet de remettre une loi adoptée en débat parlementaire, une issue institutionnelle qui aurait peut-être permis au Président d’émettre un signe fort et de renouer le dialogue avec la Nation qui manifeste tellement massivement depuis plusieurs semaines son hostilité au projet du gouvernement.

Le roi est nu

Mais cette légitimité constitutionnelle aussi échappe à Jacques Chirac. Puisque la légitimité démocratique dont le régime a besoin pour obtenir le consentement du peuple à son autorité est anéantie depuis longtemps. En effet, le peuple se souvient des conditions exceptionnelles de l’élection de Jacques Chirac au deuxième tour de la présidentielle de mai 2002. Il se souvient aussi que le 21 avril 2002, moins de 20% de l’électorat avait validé son programme politique. Il sait aussi qu’à quatre reprises depuis deux ans, la politique libérale qu’il mène a été démocratiquement sanctionnée (lors des régionales, des cantonales, des européennes et du référendum sur la Constitution Européenne). Le peuple enfin est en train de prendre pleinement conscience de l’étendue du désastre social que la droite libérale à imposé par la force sous les gouvernements Raffarin et Villepin, avec la démolition du système de retraites, de la sécurité sociale, de l’école, de la politique de la ville, du code du travail, etc...

Confrontés à l’état d’urgence : poursuivre la mobilisation, s’unir et proposer...

L’entêtement de Jacques Chirac annonce une mobilisation encore plus massive pour la journée d’action, de grève et de manifestation du 4 avril prochain. Le front unitaire se retrouve en effet conforté, l’indignation est unanime et la réaction spontanée des jeunes réunis sur les places publiques des villes de France dès les minutes qui ont suivi vendredi soir l’annonce de la promulgation montre une détermination encore plus forte. Il est encore possible d’imposer le retrait du CPE.

Mais il faut déjà penser à ce qui suivra. Le constat de la situation d’urgence sociale, politique et institutionnelle qui ne cesse de se vérifier, et que certains avait fait dès le 21 avril 2002, est à l’origine dès 2003 de la création du mouvement Pour la République Sociale.

Après les événements de novembre dans les quartiers populaires, ce constat est aujourd’hui une évidence pour toute la gauche, et celle-ci a le devoir de définir et de proposer au peuple une issue politique à ce mouvement social qui s’est mis marche aujourd’hui, et qui a massivement choisi la voie civique et responsable de la grève et des manifestations pacifiques.

Le 8 avril prochain, en Seine-Saint-Denis, à Montreuil, une réunion importante aura lieu pour trouver ces réponses à l’état d’urgence, avec la participation de Marie-Georges Buffet et de Jean-Luc Mélenchon.


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