Pensée unique, collège inique. Redonner un avenir au Collège (3 textes)

lundi 23 mai 2011.
 

3) APPEL FSU POUR Redonner un avenir au Collège

SNES, SNEP et snU.pden, lancent un appel solennel pour redonner un autre avenir à un collège clairement identifié entre école élémentaire et lycée, structuré par la culture commune dont les contours et l’ossature doivent être mis en débat, matérialisé en établissements dans lesquels est systématiquement recherchée la mixité sociale.

Appel Collège

Développer, au cours d’une scolarité épanouissante, le plaisir d’apprendre et de confronter des idées, permettre l’accès à une culture commune qui aide à grandir, à se construire en tant qu’individus et citoyens libres et épanouis, dotés de jugement et d’esprit critique, sensibles à l’altérité comme au bien commun, qui ouvre sur des poursuites d’études et donne, à tous, les premiers éléments de connaissance du monde professionnel, faire partager un ensemble de valeurs, savoirs et compétences qui permet le « vivre ensemble », sont les missions que la Nation doit assigner au collège.

Mais aujourd’hui, sous l’effet conjugué des suppressions massives d’emplois, des réformes et des prescriptions autoritaires dont les visées leur semblent souvent en décalage avec leur souhait d’assurer la réussite de tous les jeunes et qui dégradent considérablement leurs conditions de travail, les personnels doutent et souffrent de voir leur travail empêché. Ils aspirent à pouvoir mieux exercer leurs métiers.

Nombre d’élèves ne trouvent pas sens à leur présence en classe ou ne disposent pas des « codes » pour comprendre ce que l’on attend d’eux. Trop de jeunes rejettent à travers le collège le symbole d’une société dans laquelle ils doutent de pouvoir trouver une place. Le fossé se creuse alors avec la grande majorité des collégiennes et collégiens qui, avec plus ou moins d’aisance, parviennent à acquérir une formation initiale leur ouvrant la porte du lycée ou d’une première qualification. Dans un système éducatif de plus en plus soumis aux lois de la performance et de la compétitivité, fracture sociale et fracture scolaire, qui souvent se recoupent, débouchent ainsi sur une société de moins en moins solidaire, de plus en plus individualiste et ségréguée.

On mesure déjà les effets néfastes des réformes engagées aujourd’hui autour du socle commun et de son évaluation problématique, de l’autonomie accrue des établissements, de l’abandon de la carte scolaire : dégradation des conditions de travail de tous ; désarroi et souvent colère des personnels devant l’accumulation de tâches ou d’injonctions dont ils ne partagent pas les objectifs et l’augmentation importante de leur charge de travail ; décalage entre les exigences du socle et celles des programmes ; nouvelles hiérarchies entre les disciplines, voire effacement de certaines d’entre elles ; conflits latents engendrés par la mise en concurrence des personnels. Dans les établissements qui relevaient jusqu’ici de l’éducation prioritaire, les difficultés sont accrues : ils sont abandonnés à des dispositifs ou programmes tous plus chiches en moyens les uns que les autres et toujours plus tournés vers le sécuritaire en lieu et place de l’éducatif, vers le dérogatoire au cadre national et la déréglementation tant pour les élèves que pour les personnels…

Aucun élève n’a à gagner de ces orientations, ni ceux qui ont besoin de plus et mieux d’école, ni ceux qui éprouvent le moins de difficultés et qui sont privés de la richesse du « vivre ensemble ». Cette situation est inacceptable parce qu’injuste et inégalitaire, scandaleuse parce que destructrice de l’avenir de nombreux jeunes, absurde parce que fruit de politiques comptables et qui ont de fait tiré un trait sur la réussite de tous.

D’autres choix pourtant sont possibles pour assurer une véritable démocratisation du collège.

Les syndicats SNES, SNEP et snU.pden de la FSU, lancent un appel solennel pour redonner un autre avenir à un collège clairement identifié entre école élémentaire et lycée, structuré par la culture commune dont les contours et l’ossature doivent être mis en débat, matérialisé en établissements de taille raisonnable dans lesquels est systématiquement recherchée la mixité sociale, et dont le financement assure les conditions de travail, d’étude et de vie scolaire nécessaires à la prise en charge et au suivi de tous les collégiens dans leur diversité.

Ils proposent que soient respectés trois principes :

- ancrage du collège au second degré dont il est la première étape ;

- recherche absolue de la mixité sociale dans tous les établissements ;

- garantie à tous d’une poursuite de la scolarisation au-delà du collège dans le cadre de la prolongation de la scolarité obligatoire à 18 ans.

Réaffirmant ainsi clairement la volonté républicaine d’un collège qui dispense à tous des savoirs exigeants et émancipateurs qui, par leur appropriation, permettent aussi la poursuite d’objectifs éducatifs plus généraux, le SNES, le SNEP et le snU.pden proposent de mettre en débat des axes de réflexion pour faire du collège un lieu de la réussite de tous :

- Repenser une carte scolaire avec l’objectif d’assurer la mixité sociale et scolaire dans tous les établissements.

- Mener une réflexion sur la culture commune scolaire dans le cadre d’une scolarité obligatoire portée à 18 ans, conçue à la fois comme objectif des enseignements et activités scolaires, et comme principe irriguant les programmes scolaires ; cela implique notamment de lutter contre la hiérarchie des disciplines en donnant toute leur place aux enseignements artistiques, la technologie et l’EPS. Ces programmes doivent être pensés en complémentarité, intégrer les allers retours entre les disciplines d’une part et d’autre part entre savoir disciplinaire et contextualisation dans des travaux interdisciplinaires, pour aider à trouver sens aux apprentissages.

- Mener, en lien avec la recherche en sciences de l’éducation, une réflexion sur les pratiques enseignantes et éducatives qui favorisent la démocratisation de l’accès aux savoirs et compétences, et sur les conditions matérielles de leur mise en œuvre qui devront être garanties par l’État.

- Améliorer l’articulation entre premier et second degrés, dans le respect des spécificités de chacun de ces deux ordres d’enseignement : à l’opposé de toute forme de prolongation du premier degré, l’objectif est de permettre de donner à tous, par une meilleure connaissance réciproque des contenus et des pratiques et par l’amélioration des conditions d’accueil et de prise en charge en classe de Sixième, les moyens de vivre cette transition qui peut être redoutable, en particulier pour tous ceux qui éprouvaient des difficultés avant leur entrée au collège.

- Lancer une concertation sur les possibilités de reconnaître et/ou d’intégrer dans les services des enseignants les tâches et missions de concertation, de travail en équipe et d’encadrement d’activités liées à leur enseignement.

- Penser une orientation scolaire accompagnée par les conseillers d’orientation-psychologues, affranchie de l’urgence du choix immédiat et des stéréotypes, prenant en compte le développement psychologique, les dimensions sociales et singulières essentielles dans l’élaboration de projets émancipateurs et la construction d’une estime de soi indispensable à la réussite scolaire.

- Mettre en chantier une concertation sur les conditions d’un fonctionnement démocratique des établissements, garantissant l’expression de tous.

- Permettre aux équipes de construire et de mettre en œuvre collectivement un projet d’établissement qui respecte les définitions nationales des programmes, des obligations de service des personnels, des conditions d’étude et de travail de tous. Ce projet doit pouvoir être financé en tenant compte des situations particulières en abondant les dotations communes à tous les établissements.

- Repenser la formation continue des personnels et remettre à plat la conception de la formation initiale des enseignants et des CPE.

- Mettre en place dans tous les collèges, en lien avec les équipes de direction, des équipes pluriprofessionnelles complètes : personnels d’enseignement, d’éducation, administratifs et de service, de service social et de santé, conseillers d’orientation-psychologues… avec des moyens leur permettant de travailler, ensemble, à la réussite et au bien-être de tous les jeunes.

- Penser des rythmes scolaires permettant d’assurer une scolarité équilibrée et réussie en collège, ce qui ne passe pas par « moins », mais par « plus et mieux d’école », avec alternance des formes de travail, de regroupements et d’activités pédagogiques, la création de temps pour la vie scolaire, des activités culturelles diverses, le maintien de la libération du mercredi après midi, notamment pour le sport scolaire, etc.

- Ouvrir, avec l’État et les Conseils généraux, une négociation en vue de l’établissement d’un cahier des charges des locaux nécessaires et indispensables pour un collège permettant une meilleure intégration scolaire, la réussite et le bien-être de tous.

Les syndicats SNES, SNEP et snU.pden de la FSU alertent solennellement sur l’urgence de redonner au collège les moyens humains et matériels de son fonctionnement. Les dépenses pour l’éducation sont un investissement pour l’avenir de la jeunesse et du pays. Cesser les suppressions de postes, augmenter les recrutements et former les personnels doivent être des priorités traduisant une volonté politique de permettre à tous les jeunes de réussir leur scolarité commune avec les mêmes ambitions et les mêmes perspectives d’avenir.

Relancer l’éducation prioritaire

Le creusement des inégalités sociales, la libéralisation de la carte scolaire et les conséquences des politiques erratiques de la ville depuis des décennies accentuent les difficultés des établissements qui recrutent sur des quartiers urbains ou zones rurales particulièrement défavorisés et qui s’homogénéisent socialement. La volonté de maintenir sur l’ensemble du territoire l’idéal de justice et d’égalité dans l’accès aux savoirs et aux qualifications avait conduit à la mise en place de l’éducation prioritaire. Aujourd’hui, il ne reste plus grand-chose de cet idéal, et la mise en place de dispositifs du type CLAIR risque même de créer une école spécifique pour les plus démunis.

Les syndicats SNES, SNEP et snU.pden de la FSU refusent que s’installe une école dérogatoire pour les plus défavorisés. Ils appellent solennellement à une refondation de l’éducation prioritaire par la tenue de toute urgence d’« assises de l’éducation prioritaire » qui, à l’opposé des « états généraux de la sécurité à l’École », doivent réellement permettre d’aborder la question de l’éducation prioritaire dans toutes ses dimensions : humaines, sociales et scolaires.

2) Pensée unique, collège inique (article de L’Humanité)

Puisque l’on ne peut y aller franchement, alors « expérimentons ». Telle semble être la devise du ministre de l’Éducation nationale. Il est vrai que l’on voit mal Luc Chatel annoncer un beau jour qu’il est pour le travail des enfants, n’a rien à faire de l’échec massif des rejetons des classes populaires et que la seule chose qui lui importe serait de faire entrer à toute force son ministère dans les clous de l’austérité budgétaire voulue par son président pour le compte des grands milieux d’affaires. Pourtant, que ne serait-ce plus véridique. Alors, comme on ne peut s’attaquer de front au collège unique pas plus que de revenir pour l’instant sur l’âge légal de 16 ans pour mettre les enfants au travail, le gouvernement y va par « petites touches ».

Introduire une nouvelle évaluation en fin de 5e. Créer des classes « préparatoires » à l’enseignement professionnel et à l’alternance dès la 3e et dès 14 ans... Tout cela serait « expérimenté » donc, en quelques endroits, dès la rentrée prochaine. Pour « permettre la réussite de chacun ». De parcours « individualisés » en actions « autonomes » des établissements scolaires, c’est bien l’ambition affichée par l’éducation nationale, gratuite, laïque et républicaine de sélection des meilleurs par la promotion de tous qui est minée. Comme pour l’ensemble de la politique menée par l’État UMP, le constat d’une réalité dégradée par cette action même depuis des années sert de prétexte à l’accélération de la casse sociale.

À l’entrée en 6e aujourd’hui, un enfant d’ouvrier a deux fois plus de probabilités de passer par une structure de type Segpa, trois fois si ses parents sont au chômage, que celui d’un cadre ou de professions libérales. Ces derniers voient la représentation de leur progéniture quasiment doublée entre l’entrée au collège et la fin du lycée. La reproduction des inégalités sociales ne date pas d’aujourd’hui mais on assiste à un durcissement de celles-ci, dont un indicateur peut être, depuis 2006, la baisse de la durée moyenne de scolarisation à 18 ans. Comment croire que l’on va lutter contre l’échec scolaire, qui frappe les mêmes couches sociales dès la fin de l’école primaire, lorsque le bilan de la droite ne connaît que la soustraction  : dizaines de milliers de postes d’enseignants supprimés à chaque rentrée, pour cause d’orthodoxie budgétaire néolibérale  ; réseaux d’aide aux élèves en difficulté, les Rased, sacrifiés  ; baisse du nombre d’adultes non enseignants à tous les niveaux  ; recours massifs à des étudiants en CDD, jetés dans les classes sans formation.... On n’en finit pas d’énumérer ce qui s’avère être un jeu de massacre qui se concentre dans les quartiers populaires. Ainsi les écoles et collèges de Seine-Saint-Denis vont accueillir 3 000 enfants en plus à la prochaine rentrée et le ministère supprime 60 postes d’enseignants  !

Face à cette « ambition » d’éjecter le plus tôt possible et le plus d’enfants d’établissements surchargés et en déshérence, les forces de gauche sont face à leurs responsabilités. Dans le débat présidentiel qui s’est désormais ouvert, suivra-t-on peu ou prou cette voie, sous couvert des orientations en vogue de l’OCDE au FMI ? Là comme ailleurs, il s’agit de se doter des moyens, humains, financiers et démocratiques, d’une ambition de formation la plus élevée possible, y compris professionnelle. Pour notre jeunesse, pour le pays et pour peser sur ces choix, onze mois de débats ni l’avis de chacun ne seront de trop.

Michel Guilloux, L’Humanité

1) Construire le collège de demain (texte UNSA Education)

http://www.se-unsa.org/UserFiles/Fi...


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