Chômage, prime... l’évolution de la situation sociale tourne à la caricature

vendredi 13 mai 2011.
 

Le gouvernement s’est réjoui de la « baisse du nombre des chômeurs ». Il fallait chercher attentivement la réplique. En fait, il s’agit d’une baisse des inscrits de catégorie A. Dans la réalité, la situation continue de se dégrader. D’abord le nombre total de chômeurs toutes catégories (A, B et C) continue d’augmenter : il y a, à présent, 4,3 millions de chômeurs. Le chômage de longue durée, celui qui détruit ou déstructure le plus profondément les individus et les familles, poursuit son augmentation. Enfin le chômage des plus de 50 ans continue de s’envoler. Progression de 13 % en un an. Le contraire de ce qu’avait annoncé le gouvernement au moment de la réforme des retraites. Mais qui s’en souvient ? Qui le lui dira ? Il est vrai que parler de madame Le Pen est tellement plus excitant !

Ces derniers temps on voit le pouvoir fondre à vue d’œil dès qu’il touche aux choses sérieuses. Il est frappant d’observer comment l’autorité du chef de l’Etat est aujourd’hui instantanément diluée sitôt qu’il touche si peu que ce soit à l’argent des puissants. Ainsi à l’occasion de la prime pour les ouvriers dans les entreprises « qui vont mieux ». Une promesse de Sarkozy faite à la hussarde et comme à l’étourdi ! Sarkozy a d’abord promis d’imposer aux entreprises qui versent des dividendes de donner des primes aux salariés. Avec cette annonce, cela ne concernait déjà que 3 millions de personnes, soit seulement 12 % des salariés. "S’il y a une prime pour les actionnaires, il faut avoir une prime pour les salariés" avait déclaré le chef de l’Etat. "Je voudrais qu’on imagine un système qui fait qu’au moment où on augmente ce qu’on donne aux actionnaires (…) les salariés, ils en aient une partie aussi". Oh là ! Tout doux je vous prie ! Le Medef a étendu les pattes. Pas touche au grisbi ! Et la mesure a été vidée de sa substance par le gouvernement. Le ministre du budget François Baroin, l’ami de la « fille ainée de l’église » a d’abord annoncé une prime de 1 000 euros. Seulement dans les entreprises d’une certaine taille. Et surtout à condition que leur dividende distribué ait augmenté ! Grosse blague ! Une entreprise comme Total n’en aurait déjà payé aucune !

Après quelques jours accordés au dégonflage de la baudruche, finalement le gouvernement a fait une nouvelle précision. Il a arbitré en faveur d’une prime « exceptionnelle ». Mais « sans montant minimum ». Génial. « Salut Marcel, ce mois-ci tu as droit à une prime de 10 euros ; alors heureux ? » Cette nouvelle version de la prime Sarkozy ne concerne qu’une toute petite minorité d’entreprises. Elle ne sera en effet obligatoire que pour les entreprises de plus de 50 salariés. Et seulement celles qui « augmentent » les dividendes versés aux actionnaires. Par exemple, Total et France Télécom ne sont pas concernés alors qu’ils enregistrent des superprofits. En effet les dividendes versés sont déjà tellement élevés qu’ils seront stables en 2011. C’est ainsi dire que la prime ne s’applique pratiquement plus nulle part. Bien joué le Medef ! Mais l’autorité de l’Etat là dedans ? Le crédit de la parole présidentielle ?

La spirale dépressive du pouvoir en place est tout entière dans cet épisode. Etranglé par les plans euro plus et autres politiques de contingentement radical de la dépense publique d’une part, coincé par la dictature de la concurrence libre et non faussée et son dumping social, le pouvoir est condamné à des fuites en avant « sociétales ». Il n’a pas fini d’en faire et faire encore des messes et des démonstrations de xénophobies.

On en a eu une lamentable démonstration avec la fumeuse polémique sur la prétendue remise en cause des accords de Schengen. Avec leur sommet extraordinaire sur les flux migratoires, Sarkozy et Berlusconi n’ont fait que de l’affichage et de l’agitation. Du spectacle ! Car les possibilités de limitation de la libre circulation des personnes existent déjà dans les règles de Schengen. Faisons juste un rappel pour ceux qui ne connaissent pas ces accords. « L’espace Schengen » est un espace de libre circulation des personnes sans frontières intérieures. Il comporte une intégration de la délivrance des visas. Cela signifie qu’un visa donné par un pays membre donne droit de circulation dans tous les Etats de l’espaceSchengen. Dans l’accord qui organise cet espace, existe déjà une clause de suspension permettant à un Etat, « en cas de menace grave pour l’ordre public et la sécurité intérieure », de réintroduire le contrôle à ses frontières intérieures. Cette possibilité est ouverte pour une période « maximale de trente jours ou pour la durée prévisible de la menace grave si elle est supérieure à trente jours ». Ce n’est pas rien. Ce que propose l’Elysée : "aller jusqu’à, en dernière extrémité, une clause de suspension en cas de nécessité lorsqu’il y a une défaillance systémique à une frontière extérieure de l’UE ». C’est-à-dire en cas de porosité trop grande face à l’afflux d’immigrants à une frontière extérieure de l’Union européenne. Cette proposition est donc parfaitement inutile. De toute façon, les restrictions à la libre circulation sont illégales quand elles visent des réfugiés. En tant que membres de l’ONU et Etats parties à la Convention 1951 et au Protocole 1967 sur la protection internationale, les Etats de l’Union Européenne sont dans l’obligation de "prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger les réfugiés, les demandeurs d’asile et autres personnes relevant de la compétence (de l’HCR), qui se trouvent sur leur territoire ou qui cherchent à y être admis". C’est le principe de non refoulement. Ce qui n’est plus refoulé par conséquent c’est seulement le besoin de faire de l’agitation xénophobe pour se donner le rôle en compétition avec l’extrême droite.


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