Politique dure, croissance molle, chômage fort. Quelles perspectives (dont Claude Debons, SN du PG) ?

mardi 30 mars 2010.
 

Douche froide pour l’Élysée et Matignon ! L’Insee annonce un tassement de la croissance début 2010. Le taux de chômage atteindrait 9,8 %, avec une poursuite du recul de l’emploi. Pour une véritable reprise, il faut changer de cap.

L’Institut national de la statistique (Insee), dans la note présentée hier, annonce pour la France « un climat conjoncturel qui marque le pas », « une reprise sans tonus », avec un taux de croissance de l’économie de seulement 0,2 % au premier trimestre 2010 et de 0,3 % au deuxième trimestre, après un dernier trimestre 2009 à + 0,6 %. L’Institut décèle certes, dans la conjoncture, des « éléments d’amélioration lents » tels que l’investissement des entreprises ou « la situation du marché du travail » , qui « enregistre une dégradation moins forte ». Il n’en reste pas moins que l’investissement « ne rebondirait qu’au deuxième trimestre » et encore, « modestement », et que le taux de chômage passerait de 9,6 % à fin 2009 à 9,8 à fin juin 2010 avec une poursuite « de la baisse du nombre de salariés dans les secteurs marchands », l’emploi y « reculant de 80 500 postes au premier semestre 2010 après avoir reculé de 100 200 postes au second semestre 2009 ».

La perte de 81 000 emplois

Comment expliquer ce manque de tonus  ? L’Insee note « un ralentissement des exportations » et une demande intérieure qui « manque de ressort » en raison du « redémarrage hésitant de l’investissement », d’une consommation des ménages qui « fléchit ». Au cœur de cette morosité, le chômage et le pouvoir d’achat des ménages, qui « ralentirait sensiblement début 2010 ». Après une année 2009 où, selon l’Institut, celui-ci aurait « accéléré nettement » en raison du recul des prix, il connaîtrait une croissance très faible : + 0,3 % sur le premier semestre. Au cœur de cette quasi-stagnation, « des salaires nominaux qui ralentiraient fortement », des prestations sociales au ralenti et des prélèvements obligatoires qui « repartiraient à la hausse » sous l’effet du « redressement des impôts ».Le tableau n’est cependant pas gris pour tout le monde. L’Institut relève ainsi une hausse de la part des profits des entreprises dans la valeur ajoutée. Ce que l’on appelle le taux de marge « progresserait nettement » au premier semestre 2010. « Au deuxième trimestre, il serait supérieur de 1,4 point à son niveau de la fin 2009. Il bénéficierait du redressement de la productivité du travail et de la suppression de la taxe professionnelle. » « Merci, Monsieur le président », pourraient dire les directions des groupes à l’adresse du chef de l’État. Derrière cela, il y a une politique. En France, celle du pouvoir et du patronat. Mais une politique également contrainte par les choix européens de la droite. La réduction de la dépense publique, la hausse des prélèvements sur les ménages sont en ligne avec le projet de se conformer au pacte européen de stabilité, destiné à soutenir l’euro et à relancer les marchés financiers.

La droite confrontée au désaveu populaire

La note de conjoncture de l’Insee montre qu’à ce jeu-là, la France perd du terrain. Dans un paysage mondial marqué par une croissance plus modérée que fin 2009, avec un commerce mondial en souffrance, des décalages entre zones se feraient jour. Ainsi, « à la demande sans tonus en zone euro » s’opposerait le « dynamisme » des États-Unis, pays du dollar roi et où le plan de relance du gouvernement « continue de soutenir la consommation ». Il y a aussi un décalage à l’intérieur des zones. En Europe, si « l’Allemagne avance, l’Espagne reste à la traîne », note l’Institut, et la France stagne, pourrait-on ajouter. Cela explique le reproche adressé par la ministre française de l’Économie à l’Allemagne, récemment, de ne pas assez développer sa demande intérieure. Confrontée au désaveu populaire de sa politique, la droite française craint les réactions à ses mesures d’austérité et se tourne vers Berlin pour quémander un supplément de croissance. Mais même l’Insee ne semble pas croire aux vertus d’une telle démarche. Sa note souligne, en effet, d’une part, que la croissance outre-Rhin serait soutenue à la fois par le redémarrage des exportations et aussi par une demande intérieure fortement portée par les mesures de relance et, d’autre part, que « la demande étrangère adressée à la France » ralentirait. Point de salut, donc, de ce côté-là. On peut penser cependant que la note de conjoncture de l’Institut sous-estime la gravité de la crise de la zone euro. Ainsi, elle y prévoit une stabilisation des taux d’intérêt des obligations publiques et considère que, même si ces « émissions de titres publics sont de grande ampleur en raison du niveau élevé des déficits publics », elles « continueraient d’être absorbées » par les marchés financiers. Les risques autour de la dette grecque sont relativisés mais insuffisamment mis en relation avec les difficultés d’autres pays, notamment l’Espagne et le Portugal. Les divisions au sein de la zone euro montrent que le ciel n’est pas si serein.

Pierre Ivorra

Croissance molle. Points de vue. Yves Dimicoli, ClaudeDebons, Liem Hoang Ngoc

Yves Dimicoli, 
section économique du PCF

« Ce qui est en cause aujourd’hui, c’est le type de réponse apportée à la crise financière et à la récession de 2009. La Banque centrale européenne (BCE) et les États ont mobilisé des milliards d’euros. Cela n’a servi qu’à relancer les mêmes pratiques qui ont conduit à l’explosion. Pourquoi  ? Parce que ces aides ont été données sans que soient changés les critères du crédit et sans aucune contrepartie de la part des banques. D’où la faible croissance des activités et des emplois, l’insuffisance des recettes publiques et la spéculation en prime. Il ne suffit pas de dire, à gauche, qu’il faut un peu moins de cadeaux fiscaux aux riches et un plus de dépenses sociales. Ça ne fait pas le compte face à l’ampleur des besoins. Nous proposons de mobiliser un autre type de crédit bancaire en le plaçant au service de l’emploi, de la formation, des salaires et des services publics. Sans attendre, après la victoire de la gauche, on peut commencer à le faire au niveau régional en créant des fonds publics régionaux saisissables par les salariés et les élus au service de ces objectifs. On peut continuer avec la création, au plan national, d’un pôle financier public et en exigeant, au plan européen, une réorientation de la politique de crédit de la BCE. »

Claude Debons, secrétaire national du Parti de gauche

« La Grèce illustre les recettes d’une sortie libérale de la crise  : faire payer les citoyens pendant que les fauteurs de crise restaurent à marche forcée leurs profits. Sarkozy ne veut rien changer à sa politique de régression sociale pour le plus grand nombre et de cadeaux à une minorité privilégiée. Pour le Parti de gauche, c’est aux capitalistes de payer leur crise  ! Les richesses existent, c’est leur répartition qu’il faut profondément modifier  ! La sortie de crise appelle une nouvelle logique économique avec des mesures fortes  : – le Smic à 1 600 euros, l’interdiction des licenciements boursiers, le retour aux 35 heures sans perte de salaire, une sécurité sociale professionnelle ; – un plan d’investissement public pour relancer l’emploi, satisfaire les besoins sociaux, opérer une réorientation écologique de notre mode de production et d’échange ; – une réforme fiscale rétablissant la progressivité de l’impôt pour permettre la redistribution sociale et une maîtrise publique du secteur bancaire et financier. »

Liem Hoang Ngoc, 
député (PS) européen

« La Commission, le Conseil européen et la Banque centrale incitent prématurément les États membres à adopter des politiques de sortie – qui sont des plans d’austérité – qui vont tuer la reprise dans l’œuf et n’atteindront même pas leurs objectifs de réduction des déficits. De mon point de vue, la suspension des mesures de relance est une erreur. Il aurait au contraire fallu les amplifier et les réorienter. La Banque centrale aurait dû, comme aux États-Unis, intervenir pour financer la dette souveraine des États victimes d’une attaque spéculative. Là-bas, les taux sur les emprunts d’État se sont tendus également parce qu’il a fallu financer des plans de relance. Dans ce cadre-là, la Banque centrale a racheté une partie de la dette américaine à des taux quasi nuls. En Europe, si on veut faire franchir la spéculation des marchés, on pourrait invoquer des circonstances exceptionnelles, et invoquer l’article 122-2 du traité et demander à la Banque centrale de financer les dettes publiques. Ça éviterait aux États de se tourner vers les marchés qui demandent des primes de risque. On ne peut exclure que ce qui est arrivé à la Grèce arrive demain à l’Espagne, au Portugal et à l’Irlande. »

Propos recueillis par Mina Kaci, Lina Sankari et Max Staat

Le Conseil Economique et Social préconise des mesures salariales pour soutenir le pouvoir d’achat

Dans un « projet d’avis » sur la conjoncture remis cette semaine, le Conseil économique, social et environnemental énonce ses préconisations pour la France. Il faut, selon lui, « donner la priorité à l’emploi ». Pour intensifier la lutte contre le chômage, 
il s’interroge « sur le maintien des subventions accordées aux heures supplémentaires dans un contexte de chômage de masse ». Et il préconise une « action déterminée pour faire face à la montée des fins de droits ». Il appelle à soutenir le pouvoir d’achat, notamment en conciliant « mesures salariales et compétitivité 
des entreprises ». Selon lui, cela passe par le respect 
de l’obligation des négociations annuelles et « une meilleure sécurité des parcours professionnels ». Le Cese préconise également de « construire massivement des logements adaptés aux besoins des Français et à des prix abordables ».


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