Le Comité Confédéral National de la CGT se prononce pour le "Non"

mercredi 20 avril 2005.
 

Le Comité confédéral national (CCN) de la Cgt se prononce le 3 février pour le rejet du traité constitutionnel européen. Bernard Thibault parle alors de décisions prises par ce CCN « en rupture avec nos orientations de congrès sur plusieurs points essentiels ».

Une vraie crise de direction semble secouer la Cgt. Le 8 février, la Commission exécutive (CE) considère que la contribution du CCN « est le bien commun de tous et invite les organisations de la Cgt à la porter dans son intégralité ». Tout rentre dans l’ordre ? Pas si simple !

Un positionnement clair

Aucune grille de lecture simpliste ne permet de comprendre ce qui vient d’agiter la Cgt. Ce n’est pas la « ligne Thibault » de transformation de la Cgt qui a été battue, mais bien la position du bureau confédéral sur la constitution européenne. En effet plusieurs débats se sont entrechoqués. La direction confédérale les a mal maîtrisés. Elle le reconnaît aujourd’hui. Tout d’abord remarquons que les débats de la Cgt ont , en quelques heures, été au centre des débats publics. Cela confirme à la fois le rôle central occupé par la Cgt dans le mouvement syndical français, la montée du non et une victoire possible de ce non au référendum de juin prochain.

Pas si facile que ça pour un syndicat qui cherche à être indépendant de tout parti de mener ce débat sur le Traité constitutionnel européen. Quand une organisation syndicale dit oui, elle est présentée par les principaux médias comme libre de toute attache partisane, comme raisonnable. Si elle dit non, aussitôt elle est montrée du doigt par tous les commentateurs « officiels » comme retournant à ses vieux démons. Pourtant, la Cgt avait pris une décision sage : ne pas se précipiter, prendre le temps du débat dans ses rangs avant de déterminer son positionnement. Alors que le PS était en plein débat, Bernard Thibault disait justement : « le temps syndical n’est pas le temps politique ». Avoir une appréciation syndicale d’un texte comme la constitution européenne est nécessaire. Un syndicat qui se veut de masse rassemble des salariés aux opinions diverses. En son sein, il y a des syndiqués qui voteront non (très majoritaires à la Cgt), d’autres qui voteront oui, d’autres qui s’abstiendront. Et aujourd’hui nombreux sont les salariés qui ne savent pas encore ce qu’ils feront. Alors que la gauche politique est divisée, un syndicat doit être rassembleur. Pour autant, le syndicat peut-il être neutre ? Certainement pas. La partie 3 « constitutionnalise » des politiques économiques et sociales libérales. Ce traité a des conséquences sur les citoyens en tant que salariés. D’où un positionnement syndical clair indispensable. Indépendance ne signifie pas neutralité.

Le poids du non

Le débat a commencé à se tendre lorsque deux responsables de la Cgt, faisant référence à leurs responsabilités à la Ces et au Bit, ont exprimé publiquement une appréciation positive du Tce. La partie 2, la charte des droits fondamentaux, était présentée comme un point d’appui pour le mouvement syndical européen, la partie 3 était passée complètement sous silence. Libre à chacun d’exprimer son point de vue, du moins si le débat est organisé avec des règles explicites. Les fiches confédérales qui devaient servir au débat dans les syndicats sont apparues aux yeux de beaucoup comme trop aseptisées. Les questions qui devaient être débattues n’ont jamais été clairement formulées. Les partisans du oui au lieu de mener le débat sur le fond ont alors surtout pesé pour une stricte neutralité de la Cgt. Ils ont totalement sous-estimé le poids du non à la base de la Cgt. L’incompréhension a monté dans les rangs de nombre d’organisations face aux hésitations, aux tergiversations de la direction confédérale. Ce qui a pu évidemment, dans certains cas, redonner de l’air à quelques nostalgiques d’une Cgt courroie de transmission. Le débat est alors devenu : consigne de vote ou neutralité !

Evolutions du salariat et du syndicalisme

La Cgt a une histoire difficile quant au rapport à la politique. La coupure du cordon ombilical avec le Pcf, comme avec tout autre parti, est positive. Bernard Thibault a su poursuivre cette mutation nécessaire de la Cgt. Il faut parachever cette évolution tant l’indépendance syndicale est une garantie pour construire une organisation syndicale de masse.

La démocratie syndicale est un exercice difficile. Il faut associer les syndiqués aux débats, débattre avec les salariés. Les évolutions qui ont eu lieu dans le salariat, ces trente dernières années, nécessitent une évolution des structures syndicales afin d’accroître l’efficacité et la représentativité de la Cgt. Sur tous ces sujets, la Cgt reconnaît qu’elle avance parfois trop lentement. Le plan de syndicalisation et de déploiement lancé en ce début d’année indique la voie à suivre. Pour autant une crainte existe : les questions posées lors du dernier congrès confédéral pourront-elles être résolues au prochain congrès ? Celui-ci, initialement prévu au premier trimestre 2006, échéance statutaire normale, avait été repoussé à la fin 2006 par crainte de ne pas avoir suffisamment avancé sur des questions comme les cotisations et les structures.

Le congrès de 2006

La direction confédérale plaide maintenant pour un congrès à sa date initiale. Elle pense que l’électrochoc que la Cgt vient de connaître peut permettre d’avancer plus vite sur ces questions d’organisation. Pourquoi pas ? Il faut pour cela bien distinguer ce qui relève de la nécessaire évolution des structures de l’orientation syndicale sur les questions économiques et sociales. Un syndicalisme revendicatif, unitaire, démocratique, ouvert, représentatif de la diversité du salariat est nécessaire. La Cgt en sera le pivot. L’unité syndicale est une obligation pour accroître le rapport de force face aux employeurs. La question de l’unification syndicale ne doit pas être taboue. Tout cela est compatible avec un syndicalisme ferme sur des principes : partir de revendications claires, développer le rapport de force pour négocier et gagner. Compatible mais aussi indispensable car l’évolution des structures de la Cgt doit répondre à l’amélioration de son efficacité, de son développement pour faire face aux défis posés par les attaques du patronat, du gouvernement ou de la Commission européenne. Plus facile à dire qu’à faire, évidemment. Surtout dans un contexte d’offensive libérale généralisée. Sur les retraites, sur la sécu, sur la lutte contre les privatisations, pourquoi un certain nombre de militants syndicaux tirent-ils un bilan mitigé ? Qu’est ce qui relève du rapport de force insuffisant, de la division syndicale, ou d’erreurs éventuelles dans l’orientation du syndicat ? D’une implantation trop faible dans le privé, ou de l’intériorisation du poids et des contraintes du libéralisme ? Nul n’ a à se comporter en donneur de leçon. Seuls le libre débat et la confrontation démocratique des différents points de vue permettront de faire progresser le syndicalisme dans son ensemble. Sans omettre la dimension internationale de ce syndicalisme. Quelles que soient les limites de la Ces, la présence active de la Cgt dans le syndicalisme européen est une bonne chose. La Cgt est intervenue pour la modification d’un tract d’appel de la Ces à la manifestation de Bruxelles du 19 mars. Provocateur et inacceptable, il transformait cette manif en soutien à la constitution européenne. Même chose la participation de la Cgt à la construction d’une nouvelle internationale syndicale, fruit de la fusion possible de la Cisl et de la Cmt, sera positive. L’heure n’est pas au repli. L’action doit être menée à tous les niveaux : dans l’entreprise, au plan national, en Europe et dans le monde. Les salariés ont plus que jamais d’un syndicalisme efficace et en phase avec leurs aspirations.

Denis Déchazes

Quand Bernard (Poignant) veut faire la leçon à Bernard (Thibault)

En voilà un qui aurait mieux fait de se taire ! Bernard Poignant président de la délégation socialiste française au Parlement européen est furieux du rejet par la Cgt du traité constitutionnel européen. Il a adressé une lettre ouverte aux dirigeants de la Cgt en des termes visiblement outranciers. « Vous allez dire non à la charte des droits fondamentaux » explique-t-il tout en précisant : « quand on se souvient de la Stasi et de la Securitate- les polices secrètes de l’ex-Rda et de la Roumanie de Ceausescu-il n’est pas indifférent de voir l’abolition de la torture gravée dans le marbre ». Avec raison, Béatrice Patrie députée socialiste européenne (Nouveau monde) lui a répondu dans un communiqué intitulé : « Oui au non de la Cgt ». Elle se déclare « choquée de ce qu’un membre du Parti socialiste puisse ainsi donner des leçons à un syndicat de travailleurs tel que la Cgt » et « considère »qu’il n’est pas acceptable de ranger dans le camp des ennemis du progrès tous ceux qui en disant non à ce projet mène ainsi un combat contre l’Europe libérale ».

Les votes du CCN

Le Comité confédéral national rassemble les représentants des Unions départementales et des fédérations. La phrase « le Ccn se prononce pour le rejet de ce traité constitutionnel » a été adoptée par 74 pour, 37 contre, 5 abstentions . Elle a été insérée à la suite de : « la Cgt se prononce contre la construction européenne actuelle marquée par un assujettissement des droits sociaux aux logiques de la rentabilité et de la concurrence dont les principales dimensions se retrouvent dans le projet de traité constitutionnel. ». le texte final a été approuvé par : 81 pour, 18 contre,17 abstentions.


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