par RAQUEL GARRIDO
Porte-parole internationale du Parti de Gauche
Article publié sur Médiapart le 21 mars 2011
L’édition 2011 du Left Forum a battu des records d’audience, avec plus de 4000 participants par jour, 700 panels, et 200 panelistes. Organisé chaque printemps à New York, le Left Forum est le plus grand rassemblement de la gauche aux Etats-Unis. Animé par des universitaires, il s’agit d’un événement où intellectuels, militants syndicalistes ou associatifs se réunissent alors que la vie politique des USA est surplombée par le système bi-partisan qui voit tout le pouvoir partagé entre Républicains et Démocrates. Cette chape de plomb a semblé toutefois être ébranlée cette année car les nouvelles sont bonnes du côté du Mid-West, où se déroule un soulèvement populaire extraordinaire depuis le 14 février dernier, dans la continuité -assumée comme telle- de l’occupation victorieuse de la Place Tahrir au Caire. Invités d’honneur au Left Forum, les militants syndicalistes et politiques du Wisconsin ont raconté leur lutte à un amphithéâtre galvanisé de la PACE University, juste en face de l’Hotel de Ville de New York.
Le 11 février, le Gouverneur du Wisconsin, le Républicain Scott Walker a annoncé une série de mesures drastiques contre les services publics et notamment la fin du droit à la négociation collective pour les syndicats du secteur public. Prenant prétexte de la crise, le Gouverneur a par ailleurs pour objectif de réduire brutalement les subventions aux écoles publiques, à l’Université de Madison (UW Madison), et de couper bien des programmes de soutien aux familles les plus pauvres comme en matière de couverture maladie.
L’élection étant récente, le Parti démocrate qui est représenté dans le Parlement de l’Etat avait bien l’intention de s’opposer mais, étant minoritaire, il savait qu’il perdrait et ne proposa rien d’autre, finalement, que d’attendre la prochaine élection pour changer de majorité. C’était sans compter sur la force propulsive venue directement de la Place Tahrir, en Egypte, où, la veille, les Cairotes ont renversé pacifiquement Moubarak après 18 jours d’occupation. C’est ainsi que le rassemblement du 14 février, prévu originellement par le syndicat étudiant de l’Université du Wisconsin pour protester contre les mesures du Gouverneur Scott (et notamment celle qui consiste à ne plus reconnaître ce syndicat !) s’est transformée en énorme manifestation où des milliers de « Wisconsinites » sont montés au Capitole pour déposer des pétitions en forme de cœur au Gouverneur. Et puis, n’ayant pas obtenu satisfaction, ils sont revenus le lendemain, puis le lendemain, puis le lendemain. Le jour du vote, 50 000 personnes étaient amassées devant le Capitole, lui-même occupé par 10 000 personnes. Les sénateurs démocrates ont décidé de ne pas siéger, pour ne pas donner le quorum. Et, craignant d’être contraints de siéger par les forces de l’ordre, ils ont fuit l’Etat du Wisonsin vers l’Illinois voisin !
Le Gouverneur Scott a mis en place des mesures de sécurité dignes de la lutte anti-terroriste pour tenir une session et même en l’absence des démocrates, et en violation de la loi, il a fait voter la mesure anti-syndicale. L’occupation de la place du Capitole n’a fait que grossir depuis. Une chaîne de solidarité sans faille s’est mise en place, la nourriture afflue, le peuple s’active, la vie n’est qu’une longue conversation politique qui commence avec un inconnu et continue avec le suivant et ainsi de suite.
La Constitution de l’Etat prévoit une clause de révocation (comme au Venezuela !) et les signatures sont d’ores et déjà réunies pour provoquer une nouvelle élection (recall) dans les circonscriptions des républicains et probablement de certains démocrates. Parallèlement, la lutte continue et l’entrée en jeu des fermiers a provoqué une manifestation en tracteurs où certains ont parcouru des heures de route au travers de la campagne pour soutenir le peuple mobilisé à hauteur de 150 000 manifestants place du Capitole.
Les occupants n’ont aucune intention de reculer, et ils n’ont pas l’intention de s’en tenir à la revendication syndicale concernant la négociation collective. Ils veulent en finir avec toutes les politiques d’austérité du Gouverneur Scott et veulent mettre en place une taxe sur les riches et sur les corporations pour faire face à la crise. Déjà, leur lutte a fait tâche d’huile dans les Etats voisins du Michigan et de l’Ohio. A New York, au Left Forum, une militante de Madison disait que c’était la fin de l’exception américaine. Comment ne pas lui donner raison, après ce que nous avons vu dans les pays arabes ? Avant la révolution citoyenne en Tunisie, il était de bon ton de considérer que les arabes avaient une inaptitude culturelle à la démocratie. Qu’ils n’en voulaient pas ou alors qu’il ne fallait pas la leur donner par crainte d’une victoire « inéluctable » des islamistes. Les faits prouvent à quel point ce relativisme culturel n’est que fadaises. Tous les peuples ont une égale aspiration à la liberté et à la démocratie.
Car c’est bien de démocratie et de pouvoir qu’il s’agit. Un point commun jaillit comme une évidence entre les révolutions citoyennes dans tous les coins du monde ces douze dernières années : la volonté du peuple de recouvrer le pouvoir politique. Venezuela, Bolivie, Equateur, Islande, Tunisie. Dans tous ces pays la révolution s’est faite via la convocation d’une assemblée constituante. Ce n’est pas un hasard. Partout, le renversement de l’oligarchie implique le retour du pouvoir au peuple lui-même, seul souverain légitime. C’est exactement dans ces termes que les habitants de Wisconsin réfléchissent. Ce n’est pas un hasard si aux dernières élections au Gouvernorat, Ben Manski, candidat de gauche indépendant, a obtenu le meilleur score pour un 3ème parti depuis 1940. Il avait une réponse à la crise : il faut taxer les riches.. et il faut refonder la constitution.
Le Parti de Gauche, invité au Left Forum pour faire le récit de sa propre construction en vue du lancement d’une formation de gauche aux Etats-Unis, s’appuie sur ce même raisonnement et voilà pourquoi nous revendiquons l’assemblée constituante en France. Le bon résultat du Front de Gauche aux cantonales a été reçue comme une excellente nouvelle par l’Autre Gauche américaine. Avec Ben Manski du Wisconsin, nous envisageons de nous retrouver le 24 juillet à Tunis pour l’élection de l’Assemblée Constituante, évènement d’importance universelle s’il en est.
Raquel Garrido
Lorsqu’à la tribune Mahlon Mitchell, le président du syndicat des pompiers, pose à la foule la question devenue slogan ici : « À quoi ça ressemble, la démocratie ? », des milliers de poings fermés se lèvent, au cri de : « À ça ! ». Électrisés par le discours enflammé de Dennis Kucinich, le député de l’Ohio depuis longtemps surnommé « l’élu le plus courageux des États-Unis », les manifestants ont tout compris : que les grandes compagnies, les milliardaires, Wall Street, sont en train de leur voler tous leurs droits, qu’ils sont en train de leur voler leurs vies, leurs enfants, leur pays. Les orateurs ont un public parfaitement au courant des tenants et des aboutissants politiques de la situation. Il suffit d’écouter sur le site de Democracy Now ! les réponses données par les hommes et les femmes interrogés dans la rue. Et puis, ils ne sont pas seuls, on les aide en leur écrivant des paroles de soutien et en leur envoyant à manger : des bagels arrivent de New York, mais aussi des pizzas d’Egypte, et même le Malawi et Haïti ont apporté leur contribution. Plus près, au Canada, on cite désormais ensemble les luttes d’Egypte et du Wisconsin, dont on escompte qu’elles inspireront les leurs…
Car, depuis l’élection d’Obama, le « capitalisme du désastre » montre son vrai visage encore plus clairement qu’à l’époque Bush-Cheney. D’abord dans sa guerre sans merci contre toute couverture sociale, dans la résistible ascension du Tea Party, dans les quasi-appels au meurtre d’élus démocrates, « ciblés » par Sarah Palin et Fox News, menant à la tuerie de Tucson. Et maintenant dans les lois scélérates qui sont en train de passer en Ohio, au Michigan, en Floride, au Tennessee, dans le Maine, et l’Idaho, au Texas et ailleurs. Sous couvert d’assainissement des finances publiques, encore et toujours on fait payer les classes moyennes, les plus vieux, les plus pauvres, les enfants, et on donne de plus en plus aux financiers. Les protestataires de Madison ont tout compris : les puissances de l’argent font voter des lois qui enchaînent les générations à venir : des salaires plus bas, moins d’écoles, moins de soins, moins d’emplois, moins de sécurité sociale, moins de paix, comme dit Kucinich, et surtout moins de droits, toujours moins de droits. Partout, malgré le silence quasi total des médias « de référence », la solidarité s’organise. Vendredi après-midi, à 14h, les lycéens sont descendus dans la rue pour soutenir leurs enseignants – pas seulement au Wisconsin, non, mais en Alaska, en Californie, au Colorado, dans l’Idaho, l’Illinois, le Kentucky, le Massachusetts, le Maryland, le Michigan, le Minnesota, la Caroline du Nord, le New Jersey, l’Etat de New York, l’Ohio, l’Oregon, le Texas, et le Washington ! Il faut dire que l’école est très gravement attaquée : si dans le Wisconsin on en est à prévoir des effectifs de 60 élèves par classe, dans le Maine, il n’y a plus d’argent pour le ramassage scolaire et en Floride, le gouverneur retire 1,7 millions de dollars à l’enseignement et offre aux plus riches des réductions d’impôts de 1,8 millions de dollars. Réduire le déficit, dites-vous ?
La « stratégie du choc » de Naomi Klein, le Wisconsin l’a comprise dans l’expérience concrète de l’état des choses. Le gouverneur s’est donné le pouvoir de vendre à l’acheteur de son choix des biens publics, bâtis ou espaces naturels, sans appel d’offres, sans consultation aucune de la population. Dans le Michigan voisin, le gouverneur Rick Snyder vient lui aussi d’intégrer à sa loi budgétaire une clause lui donnant pouvoir de nommer une « personne ou compagnie » chargée d’estimer la situation financière de conseils municipaux, d’école, ou de région. En cas de « mauvaise gestion », il aura les mains libres pour limoger les élus et confier leurs charges à des sociétés privées. Ainsi, des villes entières pourront être soustraites à la gestion normale en démocratie. C’est, poussée à l’extrême, la logique de la soumission aux agences d’évaluation. Le secteur public devient complètement subordonné à l’autorisation privée : le contrat social et les institutions sont dissous. L’un des récents articles du prix Nobel d’économie Paul Krugman, dans le New York Times, a pour titre : « Shock Doctrine, USA ».
Face à cette vaste offensive de la droite, à Madison, on continue, on prépare les étapes suivantes : faire annuler la loi pour inconstitutionnalité ; lancer une pétition qui aboutira à destituer huit sénateurs républicains ; rassembler toutes les informations possibles sur les agissements des frères Koch. Le boycott des magasins et des produits de tous ceux qui ont financé la campagne du gouverneur a déjà commencé. Et le 5 avril, on ira en masse voter en toute connaissance de cause, les yeux grands ouverts, aux élections à la Cour suprême de l’Etat. Tout cela est encore légal. Pour combien de temps ?
Les Américains ont compris que le fascisme est à la porte. La lutte, la guerre des classes a un sens ici, au Wisconsin, et pour le reste du monde.
(1) Naomi Klein, La Stratégie du choc : la montée d’un capitalisme du désastre [2007], Trad. fr. Arles : Actes Sud, 2008.
Le sénat du Wisconsin qui est contrôlé par les Républicains a voté mercredi soir une loi dépouillant les fonctionnaires de leurs droits de négocier une convention collective et les obligeant à payer beaucoup plus pour l’assurance santé et la retraite. La loi a été adoptée malgré l’absence de 14 sénateurs démocrates qui avaient fui l’Etat, privant juridiquement les Républicains de quorum et de la majorité requise des deux-tiers pour entamer la procédure de vote.
La loi devrait être votée jeudi à l’assemblée de l’Etat de Wisconsin et promulguée par le gouverneur Scott Walker d’ici la fin de la semaine.
Les Républicains ont fait valoir un fondement juridique pour la démarche en retirant provisoirement du soi-disant « projet de loi de réparation budgétaire » ses éléments fiscaux. Ce faisant, les Républicains ont dit que la législation n’était plus un projet de loi de finance et donc nullement soumise au quorum requis. C’était un moment de mensonge évident pour Walker et les dirigeants républicains du sénat qui, dans chaque déclaration publique, avaient assuré que l’attaque contre les droits de négociation salariale était du ressort fiscal.
Le projet de loi a été adopté, sans discussion ou débat, vers 18 heures 30 par une commission spéciale hâtivement formée qui se réunit normalement pour régler des divergences entre des projets de loi concurrents.
« Ce soir, le sénat adoptera les dispositions du projet de loi de réparation budgétaire susceptibles d’être votés avec les 19 membres [présents], » a dit dans un commentaire le sénateur Scott Fitzgerald, le président du groupe républicain à l’annonce de la décision.
Le vote a été une violation flagrante de la Loi de la Liberté de réunion au Wisconsin qui stipule que toute réunion publique doit faire l’objet d’une déclaration publique « 24 heures avant le début de telles réunions à moins que, pour des raisons valables, une telle déclaration soit impossible ou peu pratique. »
Des milliers de personnes ont afflué vers le Capitole à l’annonce de l’adoption du projet de loi. La foule s’est ruée vers les portes du bâtiment du Capitole en criant « vous êtes des lâches » et « laissez nous entrer. » Le slogan « grève générale ! » a résonné à l’intérieur et à l’extérieur du bâtiment.
Une équipe du Socialist Equality Party (SEP, Parti de l’Egalité socialiste, USA) était présente sur les lieux. Andre Damon, journaliste du World Socialist Web Site, a pu parler à des milliers de manifestants tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du bâtiment du Capitole. Il a appelé à la formation de comités indépendants sur les lieux de travail afin de planifier une grève générale et faire partir Walker. Ces revendications ont été accueillies avec enthousiasme par les travailleurs présents. (Voir : « Walker doit partir ! Grève générale au Wisconsin ! »)
Les responsables syndicaux et leurs partisans ont aussi essayé de s’adresser à la manifestation spontanée, dont John Nichols du journal The Nation. Ils ont désespérément cherché à nourrir les illusions dans le Parti démocrate en louant les agissements des « Wisconsin 14 » qui avaient fui l’Etat de Wisconsin.
En fait, l’adoption du projet de loi révèle les conséquences de l’assujettissement de la lutte de masse des travailleurs et des jeunes de Wisconsin au Parti démocrate et aux syndicats. Depuis le début, la fuite des sénateurs démocrates dans l’Illinois avait pour but d’arracher l’initiative des mains des employés du public, des étudiants et des enseignants qui avaient les jours précédents lancé une vague de grève « d’arrêt de maladie » (« sick-in ») contre le projet de loi en impliquant des dizaines de milliers d’entre eux.
La manoeuvre juridique des Républicains a pris les Démocrates par surprise. Les sénateurs démocrates croyaient que leurs discussions avec Walker étaient à un stade avancé pour pouvoir amoindrir le coup contre les finances des syndicats tout en maintenant intacte la réduction des prestations sociales et des droits des travailleurs sur le lieu de travail. Des échanges de courriels entre le bureau de Walker et des sénateurs démocrates, que le gouverneur a révélés à la presse, ont laissé entrevoir qu’un accord était sur le point de se faire qui aurait nécessité, entre autres, des élections pour la reconnaissance automatique des syndicats tous les trois ans au lieu de chaque année. Les Démocrates espéraient que ceci fournirait un certain alibi politique à leur capitulation – qui était imminente selon plusieurs articles de presse.
Hier encore, le sénateur Bob Jauch, destinataire de ces courriels, a salué l’échange de points de vue comme étant « le type de point de départ que l’on peut avoir pour arriver à un compromis. » L’ensemble de la stratégie des Démocrates et des syndicats – selon laquelle des Républicains soi-disant « hésitants » pourraient être influencés sous la pression – a été démasquée. Les Républicains étaient bien plus déterminés que les Démocrates de « Wisconsin 14 » qui en principe ont toujours accepté le projet de loi, en ne se distinguant que sur la question de priver les syndicats du revenu des cotisations.
Après l’adoption du projet de loi au sénat de l’Etat, les efforts entrepris pour renforcer les illusions dans les Démocrates seront canalisés vers la campagne des primaires visant un certain nombre de sénateurs républicains. Quelle que soit l’issue de ces élections, cela n’aura aucune incidence pour contrer l’assaut contre les travailleurs prévu dans le « projet de loi de réparation budgétaire » de Walker ou contre son budget draconien pour les deux prochaines années qui réduit drastiquement Medicaid et l’éducation publique, en préparant la privatisation de l’université de Wisconsin.
Le Duluth News Tribune a rapporté qu’en réponse au vote, Jauch a « encouragé des adversaires au projet de loi pour qu’ils intensifient leurs efforts pour un rappel des législateurs qui l’ont soutenu, » en ajoutant que « personnellement, il n’approuverait pas » une grève générale. « Vous n’allez pas me pousser dans ce sens, » a-t-il dit.
Le WSWS a parlé à quelques personnes qui s’étaient rassemblées mercredi soir devant le Capitole. Kim, professeur d’art, a dit, « Il n’y aura bientôt plus d’enseignement d’art et de musique à cause de ce budget. »
Quant au rôle du Parti démocrate, Kim a dit, « Les Démocrates devaient savoir que ce que Walker a fait était une possibilité. Il avait un bâton et il n’a cessé de nous cogner dessus. Il a cassé le contrat social. »
Les enseignants ont fait grève pendant quatre jours, a-t-elle dit. « Nous sommes retournés à l’école en pensant qu’on allait trouver une solution. J’ai le sentiment qu’on m’a piétiné le coeur. »
Beth, une ingénieur de système-réseau, chargée de la résolution des problèmes, était d’accord. « Voilà à quoi ressemble la ploutocratie. C’est le capitalisme extrême. Ils me prennent mon argent pour payer Wall Street. »
« Ils veulent que tous les bons travailleurs partent pour pouvoir dire qu’ils n’ont pas réussi et pour les privatiser. Je suis pour une grève générale. Nous ne pouvons pas accepter cela. »
Confusion à Madison, Wisconsin, dans la soirée d’hier, alors que des rumeurs annonçaient que le gouverneur Walker allait forcer un vote en faveur de sa loi limitant, entre autres choses, les droits des syndicats des services publics. La chose semble avoir été faite dans la nuit et l’atmosphère générale, dans une très grande tension, semble orientée vers une épreuve de force majeure.
Des protestataires ont envahi mercredi soir le Capitole de Madison, qui avait été évacué quelques jours auparavant après plusieurs semaines d’occupation. Les syndicats eux-mêmes, qu’on disait prêts au compromis, parlent désormais d’une grève générale. Le comportement de la police a été très ambigu, puisqu’elle semble ne pas s’être opposée à l’entrée des protestataires dans le Capitole.
Voici un résumé de quelques extraits du discours de Michael Moore à Madison , le 5 mars .
Je n’ai pas eu le temps de le traduire en entier . Le texte complet et la vidéo sont sur le Huffington Post du 7 mars 11.
http://www.huffingtonpost.com/micha...
« …La nation n’est pas en faillite, mes amis . Le Wisconsin n’est pas en faillite . Cela fait partie du Grand Mensonge . C’est l’un des trois plus grands mensonges de la décennie. L’Amérique /le Wisconsin n’ont plus d’argent, l’Irak a des ADM et les Packers peuvent gagner la Super Bowl sans Brett Favre…
...Pour empêcher que le peuple ne vienne exiger un jour qu’on lui rende son pays, les riches ont fait deux choses très futées :
1 Ils contrôlent les médias …
2 Ils ont créé une pilule empoisonnée tout en sachant que vous ne voudriez pas la prendre . C’est leur version de la destruction mutuelle… :
…Wall Street a lancé cette menace . Ou bien vous nous refilez 1 000 000 000 000 dollars pris chez les contribuables américains ou bien nous réduirons l’économie en miettes . Aboulez le fric ou c’est adieu l épargne, adieu les retraites, adieu les finances publiques américaines, adieu les emplois, les maisons , l’avenir …
…vous avez réveillé le géant endormi connu sous le nom de Travailleurs des Etats-Unis d’Amérique. Maintenant la terre tremble et le sol se dérobe sous les pieds de ceux qui nous dirigent. Votre message inspire les habitants des 50 états, et ce message , c’est, C’EST A NOUS !
Nous envoyons paître celui qui vient nous dire que l’Amérique est fauchée et brisée . C’est exactement le contraire . Nous sommes riches de notre talent, de nos idées, de notre dur labeur et …eh oui, de notre amour …l’amour et la compassion pour ceux qui , bien que ce ne soit pas de leur faute, finissent par être les plus faibles d’entre nous . Mais ils aspirent encore à la même chose que nous : Qu’on nous rende notre pays, qu’on nous rende notre démocratie ! Qu’on nous rende notre vrai nom, Les Etats-Unis d’Amérique et non pas la Société Etats-Unis ! Les Etats-Unis d’Amérique !
…Comment y arriver ? Eh bien, avec un petit peu d’Egypte par-ci et un petit peu de Madison par-là . Et arrêtons-nous un instant pour nous souvenir que c’est un pauvre homme qui tenait un petit stand de fruits en Tunisie qui a donné sa vie pour que le monde entier concentre son attention sur la raison pour laquelle un gouvernement de milliardaires qui oeuvre pour les milliardaires est un affront à la liberté, à la moralité et à l’humanité .
Merci , citoyens du Wisconsin ! Vous avez fait comprendre aux gens que c’était notre ultime chance de saisir le dernier petit fil de ce qui reste de nous en tant qu’Américains . Pendant trois semaines, vous êtes restés debout au froid, vous avez dormi à même le sol, vous êtes allés jusqu’en Illinois –tout ce qu’il fallait faire, vous l’avez fait et vous pouvez être sûrs d’une chose : Madison n’est que le début… »
Pastourelle sur bellaciao
Article NPA
Depuis plus d’une semaine, des dizaines de milliers de fonctionnaires syndiqués de l’État du Wisconsin déferlent sur Madison, la capitale, et entourent et occupent le Capitole. Des milliers de syndicalistes et d’étudiants se sont joints à eux. Ce mouvement entre dans sa deuxième semaine et ne montre aucun signe d’affaiblissement. Qu’est-ce qui a provoqué ce véritable tremblement de terre politique, un de ces moments rares aux États-Unis où la notion presque taboue de classe sociale apparaît au grand jour et où les employés revendiquent leurs droits en faisant grève, en manifestant ?
C’est le projet de loi du gouverneur républicain du Wisconsin, Scott Walker, qui prévoit entre autres de réduire drastiquement les droits des syndicats à représenter les travailleurs et de diminuer de 10 % les salaires des fonctionnaires. Les syndicats seraient légalement cantonnés aux négociations salariales, toute autre activité serait hors la loi. Cela équivaut à la destruction des syndicats du secteur public au Wisconsin et potentiellement de tous les syndicats aux États-Unis.
Le Parti républicain contrôle la Chambre et le Sénat – porté en novembre par la vague électorale du Tea Party – mais la loi reste bloquée au Sénat. Les quatorze sénateurs démocrates se sont réfugiés dans l’Illinois pour ne pas avoir à la voter, ce qui rend son passage impossible. Il va sans dire que l’importance de la mobilisation et sa popularité dans l’opinion au Wisconsin ont contraint les sénateurs démocrates à quitter l’État.
Un combat sans merci s’engage donc : Walker met la pression, d’abord sur les sénateurs en faisant passer une loi qui requiert leur présence pour toucher leur salaire, mais surtout sur les employés du Wisconsin. Plus de 5 000 d’entre eux devraient ainsi recevoir une lettre annonçant leur licenciement imminent s’ils ne retournent pas au travail. Il y a aussi l’opinion publique : dans la presse nationale et sur les chaînes d’information câblée (CNN, Fox, MSNBC), les éditorialistes des think-tank conservateurs se mettent au diapason, dénoncent les prétendus privilèges des syndiqués et expliquent doctement que tout le monde doit faire des sacrifices pour tenter de combler le déficit budgétaire, tout en occultant bien entendu ses causes.
Mais la sauce ne prend pas aussi bien qu’avant : au Wisconsin le déficit était relativement faible et a été accentué par des coupes massives d’impôts octroyées aux grandes entreprises par le gouverneur Walker. C’est donc clair : les travailleurs doivent payer pour les cadeaux fiscaux au patronat ! Par ailleurs la loi permettrait aussi la privatisation de toutes les entreprises publiques de l’État sur simple décret du gouverneur.
L’enjeu du mouvement au Wisconsin est donc de taille : le fonctionnement des États-Unis comme une oligarchie où les institutions prétendues démocratiques (médias, Sénat, Chambre, gouvernement) sont une véritable courroie de transmission pour le grand patronat, est mis en cause. Car ce projet de loi est proposé dans beaucoup d’autres législatures du pays. En Indiana et en Ohio, la mobilisation a déjà commencé avec manifestations et occupations pour défendre les droits des syndicats à combattre pour les travailleurs.
Pourtant, dans cette bataille de portée au moins nationale, le président Obama n’a pas eu un mot de soutien pour les employés en lutte et n’a pas pris de position publique sur le mouvement populaire au Wisconsin. Motivé par sa réélection, Obama est soucieux de ne pas s’aliéner des grands contributeurs. Il vise à occuper le centre politique et à se placer « au-dessus de la mêlée ». Le président a donc récemment proposé pour le budget fédéral l’arrêt des subventions pour l’achat de gasole pour chauffer le logement des familles les plus démunies.
Les travailleurs ne peuvent donc compter que sur eux-mêmes dans cette lutte contre le patronat qui s’acharne à détruire la possibilité même de se syndiquer. Des manifestations de solidarité ont eu lieu ce week-end dans toutes les capitales des 50 États pour montrer la détermination des employés et la nouvelle émergence d’une conscience de classe. En cela, le mouvement au Wisconsin n’est qu’un début.
Olivier Gloag, depuis le Wisconsin
http://www.npa2009.org/content/usa-...
Dans cet état du nord des États-Unis des dizaines de milliers de manifestants se relaient contre des coupes sociales et dans le droit syndical alors que les électeurs viennent de porter une majorité ultra-réactionnaire aux affaires.
Depuis un demi-siècle on n’avait pas vécu cela à Madison, la capitale du Wisconsin, un État du nord-est des États-Unis. Depuis un mois, des dizaines de milliers de manifestants demandent l’abolition de la loi prétendant réduire le déficit de l’État en 2015, au prix de licenciements d’enseignants, d’infirmières, de fermeture de classes, de la baisse des salaires et de la couverture maladie, des retraites de tous les fonctionnaires, à la légère, à l’exception des pompiers et des policiers. Et à ces attaques antisociales s’ajoute l’interdiction des conventions collectives et pratiquement des syndicats dans les services publics. 170 000 salariés, un sur trois, sont visés.
Le nouveau gouverneur, Scott Walker, fraîchement élu en novembre dernier a décidé de frapper fort et de montrer l’exemple de l’application du programme des ultra-conservateurs républicains, les membres de la secte du Tea Party qui est à la tête de ce combat rétrograde.
Le Wisconsin sert de champ d’expérimentation. Scott Walker a pris les commandes du congrès local le 3 janvier soutenu par la majorité républicaine dans les deux Chambres. Au centre de son argumentation, un mensonge déjà utilisé par Reagan pour se faire élire président dans les années quatre-vingt : les fonctionnaires ont des traitements plus élevés que les salariés du privé. Classique, mais démenti par tous les chercheurs. À travail égal, à formation égale, les salaires du public sont au-dessous de ceux du privé. Seul avantage, la retraite est garantie par l’État et ne dépend donc pas des spéculations à haut risque bien souvent pratiquées par les fonds de pension. Scott Walker et son parti ont joué sur la peur d’une nouvelle catastrophe financière aggravant le chômage si le déficit n’était pas comblé.
Le coup est rude, si rude que, dès janvier, les manifestations ont commencé avec les enseignants, les étudiants, bientôt accompagnés par tous les fonctionnaires et les syndicats menacés de disparition par l’application de la loi. Selon le système américain, pour qu’un syndicat existe, il faut que plus de 50 % des salariés d’une entreprise se prononcent en faveur de sa création et que tous les salariés paient des cotisations exonérées d’impôts. Et ces conditions drastiques d’exercice du syndicalisme seraient considérablement renforcées par la nouvelle loi.
Au départ, le Capitole a été occupé jour et nuit pour empêcher le vote de la loi sur le déficit. Et jusqu’à aujourd’hui une délégation est présente vingt-quatre heures sur vingt-quatre sous la coupole du Parlement. Sacs de couchage, pizzas livrées gratuitement par un restaurant local, les protestataires ont reçu des renforts venus de toutes les couches de la société et des syndiqués du privé. L’équipe de base-ball des Packers vainqueurs du Super Bowl, les pompiers en tenue et casque sur la tête, les militants de l’Association pour l’émancipation des gens de couleurs (NAACP) du révérend Jesse Jackson, héritier du pasteur Martin Luther King, tous sont venus apporter leur soutien. Michael Moore s’est rendu également sur place dénonçant fortement les méfaits de Wall Street. « Quatre cents Américains détiennent plus que la moitié des citoyens des États-Unis », a-t-il lancé, ajoutant que le Wisconsin n’était « pas en déficit ». (Lire dans humanite.fr.)
Les sénateurs démocrates, qui avaient quitté le Parlement, empêchent ainsi Walker d’atteindre le quorum nécessaire à l’adoption de son projet. Mais le gouverneur a fait retirer de son texte tout le dispositif financier et a pu ainsi éviter cet obstacle du quorum. Scott Walter et ses amis ont cherché par tous les moyens à torpiller le mouvement. Au point de se faire piéger par un faux David Loch, le milliardaire, qui, avec son frère, a largement rempli les caisses du Tea Party ; lequel entendait faire venir des fauteurs de trouble pour discréditer les manifestants. L’anecdote est passée dans son intégralité sur Internet, évidemment démentie par le gouverneur. Mais suscitant une demande d’explication publique du chef de la police…
La manifestation de samedi dernier fut la plus grande manifestation jamais vue à Madison. Ils étaient cent mille. Avec à leur côté un cortège de tracteurs des paysans du Wisconsin en faveur des services publics. Cortège paradoxal au pays qui a donné il y a quatre mois une majorité aux Républicains ? Une enquête menée par le Pew Center avance une explication. La majorité des électeurs interrogés sont en principe favorables à toutes les mesures réduisant le coupable déficit. Mais lorsqu’on les interroge un peu précisément sur la nécessité de sa résorption et les suppressions d’écoles, d’hôpitaux, la réduction des salaires et des indemnités maladie… la majorité se prononce alors en faveur des acquis sociaux. Le mouvement a entraîné le réveil des deux grandes centrales syndicales unies au Wisconsin.
La Maison-Blanche, elle, reste à l’écart. Elle se contente de se déclarer opposée aux atteintes à la liberté de négocier tout en relevant qu’il serait nécessaire de baisser les salaires. Comme l’a fait d’ailleurs Barack Obama, à la recherche d’un compromis avec les républicains pour faire adopter son budget fédéral. Mais la « reprise » proclamée urbi et orbi est bien loin de faire sentir ses effets sur l’emploi. Et ce dernier est le premier sujet d’angoisse au cœur des Américains. N’est-ce pas là qu’il faut chercher la principale raison du paradoxe de Madison. Personne ne peut dire comment évoluera le mouvement social surgi à un moment où on ne l’attendait plus. Une seule chose est sûre : il comptera à un peu plus d’un an de l’élection présidentielle.
Jacques Coubard
Le budget présenté mardi par le gouverneur du Wisconsin, Scott Walker, a profondément choqué et indigné les travailleurs dans l’ensemble de cet Etat. Pour des centaines de milliers de travailleurs du Wisconsin et leurs familles, il est à présent évident qu’ils sont confrontés à une tentative impitoyable de réduire radicalement leur niveau de vie, de vider de leur contenu les prestations et les services sociaux vitaux et de leur retirer leurs droits démocratiques.
Walker exige des coupes sociales d’au moins 1,5 milliards de dollars pour réduire le déficit budgétaire qui a été créé en grande partie par sa propre réduction massive et récente des impôts pour les grandes sociétés.
Ces coupes comprennent :
La suppression de 1,25 milliards de dollars de subventions accordées aux écoles et au gouvernement local, dont une réduction de plus de 900 millions de dollars sur le financement de l’éducation dans tout l’Etat, ce qui revient à la suppression d’environ 500 dollars par élève.
Des coupes de 500 millions de dollars dans Medicaid qui finance les programmes de couverture médicale pour plus d’un million d’habitants du Wisconsin. L’impact sur les revenus faibles, les adultes et les familles avec enfants qui n’ont pas d’assurance médicale sera dévastateur.
250 millions de dollars seront éliminés du financement des universités du Wisconsin. De plus, comme partie intégrante du programme de privatisation qui servira les intérêts de riches investisseurs, la division de Madison de l’université du Wisconsin sera retirée du système public. Ceci résultera dans la suppression d’au moins 17.000 postes pour les travailleurs de l’université du Wisconsin, entraînant aussi une forte augmentation des frais d’inscription sur les deux prochaines années.
La loi budgétaire de Walker est une déclaration de guerre. Son insertion d’exigences supplémentaires pour l’élimination de la négociation salariale découle logiquement de ses propositions budgétaires. Les coupes qu’il réclame bafouent la « négociation » parce que ses propositions budgétaires demandent, par leur nature même, la totale capitulation des travailleurs à ses exigences unilatérales.
L’argument souvent répété par les responsables syndicaux – qu’ils sont prêts à accepter les coupes budgétaires de Walker si seulement il abandonne sa revendication de mettre fin à la négociation salariale – n’est pas seulement lâche, elle représente une fuite dangereuse devant la réalité politique qui existe au Wisconsin.
Le terme « négociation salariale » ne signifie absolument rien si les syndicats sont prêts à accepter les dictats de gouvernements régionaux qui agissent dans l’intérêt des grands capitalistes de la banque et de l’industrie. La négociation salariale n’est pas apparue sous la forme d’une permission écrite accordée par des entreprises généreuses à leurs travailleurs. Elle a été arrachée à la classe capitaliste au cours de décennies d’âpres conflits pour des droits sociaux et démocratiques au cours desquels des milliers de travailleurs ont perdu leur vie. En fin de compte, la négociation des salaires n’a existé que dans la mesure où les travailleurs ont recouru à l’arme de la grève pour faire échec à l’intransigeance de la classe capitaliste et de son personnel politique dans les gouvernements locaux, les gouvernements d’Etat et le gouvernement fédéral.
Le budget de Walker signifie en pratique, même s’il n’est pas encore en vigueur, l’effondrement de la négociation salariale. Son gouvernement impose de force aux travailleurs du Wisconsin et à leurs familles un budget brutal et socialement destructeur.
Comment la classe ouvrière au Wisconsin devrait-elle répondre à cette réalité politique ?
Ces derniers jours, il y a eu une reconnaissance grandissante de la part des travailleurs partout au Wisconsin que des protestations dans la capitale de l’Etat étaient insuffisantes et qu’ils devaient intensifier leur lutte.
Un sentiment se développe en faveur d’une grève générale de la classe ouvrière. Les travailleurs du Wisconsin commencent, de plus en plus massivement, à réaliser que rien de moins qu’une mobilisation massive de leur force collective suffira à refouler l’attaque du gouvernement Walker.
Ce sentiment est justifié et correspond à la réalité politique qui existe au Wisconsin et, de plus en plus, à travers les Etats-Unis. L’effondrement de la négociation salariale – c’est-à-dire la tentative de l’Etat d’imposer, par la menace implicite de la force, des exigences intolérables et inacceptables aux travailleurs – a une profonde signification objective. La classe dirigeante est en train de dire aux travailleurs : « Nous ne négocions pas. Nous exigeons. Vous devez accepter nos conditions. »
Ceci signifie en réalité la fin du compromis entre les classes. La reconnaissance grandissante de cette réalité politique parmi les travailleurs est sous-jacente au sentiment croissant pour une grève générale.
Il est nécessaire pour les travailleurs qui ont tiré cette conclusion de développer la dynamique pour une grève générale. Les discussions au sujet d’une grève générale doivent s’orienter vers la préparation de celle-ci.
Sur chaque lieu de travail, des réunions doivent être organisées pour discuter, débattre et voter une résolution pour une grève générale. Partout où un soutien substantiel existe pour une grève générale, des comités de travailleurs, indépendants des responsables syndicaux, doivent être formés pour préparer cette action.
Ce mouvement devrait se fonder sur l’appel à la grève générale pour les revendications suivantes :
* Rejet total de toutes les concessions économiques réclamées aux travailleurs du Wisconsin. Les dépenses sociales doivent au contraire être augmentées afin de répondre aux problèmes urgents créés par trois années de récession causée par les activités spéculatives criminelles des banques.
* Rejet sans équivoque de toute restriction du droit légal des travailleurs de négocier et, s’ils le décident, de faire grève pour défendre et améliorer leur niveau de vie.
* Pour une augmentation substantielle des impôts sur les profits des entreprises et des très riches pour couvrir les déficits budgétaires et le coût des dépenses nouvelles et essentielles.
* Pour la démission immédiate du gouverneur Walker et de son gouvernement réactionnaire. Walker s’est délibérément fait le fer de lance politique de l’attaque patronale contre la classe ouvrière et du recours à des méthodes dictatoriales. La revendication pour sa révocation naît de la reconnaissance que la lutte des travailleurs au Wisconsin contre ce budget est, en substance, une lutte politique.
L’appel à la démission de Walker n’implique pas un vote de confiance au Parti démocrate. Au-delà des frontières du Wisconsin il y a des gouverneurs et des maires du Parti démocrate qui réclament des coupes budgétaires pas moins draconiennes que celle que veut Walker. Le gouvernement Obama collabore avec les gouverneurs d’Etat et le Congrès à Washington à la mise en application des coupes budgétaires qui causeront des ravages dans la vie des travailleurs partout dans le pays.
Toutefois, inspirée par l’exemple donné par les travailleurs au Wisconsin, la lutte contre les attaques à l’encontre des droits des travailleurs s’étendra d’un Etat à l’autre et à travers le pays en général, en opposition à tous les représentants politiques de la classe capitaliste.
Ainsi, la revendication exigeant l’éviction de Walker soulève la question la plus importante de toutes – la nécessité des travailleurs de créer leur propre alternative socialiste indépendante aux partis Républicain et Démocrate contrôlés par le patronat.
Le Parti de l’Egalité socialiste (Socialist Equaltiy Party, SEP) soutient et encourage le mouvement en faveur d’une grève générale contre le gouvernement Walker et son budget réactionnaire. Le sentiment croissant parmi les travailleurs qu’une telle action est nécessaire témoigne de l’intensité du conflit social régnant aux Etats-Unis. Nous pressons cependant les travailleurs de réaliser qu’ils ne luttent pas seulement contre un seul gouverneur mais contre la classe capitaliste tout entière et le système de profit sur lequel s’appuie sa domination.
Par David North le 3 mars 2011
Source : http://www.wsws.org/francais/News/2...
Les protestations de masse de plus en plus importantes contre les attaques tous azimuts sur les conditions de travail et les droits démocratiques dans l’Etat du Wisconsin, auxquelles participent des dizaines de milliers d’employés de la fonction publique, d’enseignants, d’étudiants et ceux qui les soutiennent, marquent un tournant dans la vie politique aux Etats-Unis, et dans le monde.
Le récent renversement des présidents tunisien et égyptien par des mouvements de protestation de masse signifie la réémergence de la lutte révolutionnaire de la classe ouvrière. Les conditions qui ont créé ces luttes sont universelles : le chômage de masse, des niveaux stupéfiants d’inégalité sociale et un système politique totalement indifférent aux revendications et aux intérêts de la vaste majorité de la population. L’éruption de protestations de masse au Wisconsin est la première manifestation d’une nouvelle ère de lutte de classe dans le pays qui a pendant longtemps fonctionné comme le centre du système capitaliste mondial, les Etats-Unis.
Après les années 1980, qui ont connu l’écrasement de la grève des contrôleurs aériens du syndicat professionnel PATCO et la défaite de grèves militantes chez Hormel, Greyhound et Phelps Dodge – la lutte de classe aux Etats-Unis avait été artificiellement jugulée. Ceci avait été possible en raison du rôle totalement réactionnaire joué par le syndicat américain AFL-CIO qui a systématiquement isolé et étouffé toute lutte de la classe ouvrière tout en s’intégrant lui-même de plus en plus fortement à l’establishment patronal et politique.
Tout particulièrement après la liquidation de l’Union soviétique et de la bureaucratie stalinienne, lorsque les dénonciations triomphalistes du socialisme par la bourgeoisie avaient atteint leur paroxysme, d’aucuns avaient été jusqu’à nier l’existence même de la classe ouvrière. L’histoire, comme le dit la fameuse phrase du Manifeste communiste - « l’histoire de toute société jusqu’à nos jours n’a été que l’histoire de luttes de classes » - avait été déclarée finie.
Deux ans et demi après la crise économique mondiale ayant commencé avec l’effondrement financier à Wall Street à la fin de 2008, la classe ouvrière américaine est en train de lancer ses premières grandes contre-attaques contre la politique de l’aristocratie financière. On commence à réaliser de plus en plus que le système politique et économique a failli et qu’un nouvel ordre social doit émerger.
Au Wisconsin, les manifestants ont invoqué le soulèvement de masse des travailleurs dans le monde arabe, comparant Madison au Caire et le gouverneur du Wisconsin, Scott Walker, à Hosni Moubarak. A New York City, les étudiants ont protesté contre les fermetures d’école en scandant « New York c’est l’Egypte. » Ceci est tout à fait pertinent et témoigne d’une perception grandissante parmi les travailleurs de chaque pays qu’ils sont confrontés à une lutte commune et à un ennemi commun.
L’aristocratie financière qui gouverne l’Amérique est tout aussi éloignée des masses travailleuses et hostile à leur égard que le régime dictatorial dirigé par le président Hosni Moubarak en Egypte. Face à la pire crise économique depuis des générations – au moment où des millions de personnes perdent leur emploi, leur maison et leur revenu – pas la moindre mesure n’avait été prise pour aider les travailleurs. Au lieu de cela, des milliers de milliards de dollars d’argent public ont été versés, sans poser de questions, à Wall Street et à une élite financière dont les spéculations irresponsables avaient déclenché la crise à l’origine.
A tous les niveaux gouvernementaux l’on réclame à présent que la classe ouvrière fasse des sacrifices. Le gouvernement Obama vient de proposer cette semaine un budget réduisant en premier lieu et à hauteur de mille milliards de dollars les programmes sociaux dont bénéficie la classe ouvrière. Pour leur part, Walker et ses homologues des chambres parlementaires dominées par les Démocrates et les Républicains détruisent les emplois et suppriment les programmes sociaux sans s’occuper le moins du monde de la très vaste opposition populaire et de la misère sociale que créera une telle politique.
Le républicain Walker a décidé de supprimer les conventions collectives en dictant les conditions de recrutement des employés de la fonction publique, en imposant des attaques drastiques contre les retraites, les soins de santé et les conditions de travail tout en maintenant les augmentations de salaire au-dessous de l’augmentation du coût de la vie. Une série d’autres mesures proposées dans tout le pays sont les suivantes :
* En Caroline du Nord, le gouverneur démocrate Bev Purdue a présenté un budget supprimant plus de 10.000 postes dans les services publics tout en réduisant davantage les impôts sur les entreprises qui figurent déjà parmi les plus bas du pays.
* Au Michigan, le gouverneur républicain, Rick Snyder a proposé des coupes drastiques dans les dépenses publiques pour le financement des écoles, des communes et des universités ce qui entraînera des coupes sévères dans les services et les emplois. Tout en cherchant à imposer le revenu des retraités, Snyder propose de supprimer 1,8 milliards de dollars d’impôt sur le revenu des collectivités.
* Et à New York, le maire « indépendant » Michael Bloomberg a présenté un budget municipal prévoyant le licenciement de 4.666 enseignants et l’élimination de 1.500 postes supplémentaires d’enseignants grâce aux départs volontaires. Ce maire milliardaire est déterminé à appliquer les coupes même si une forte augmentation des profits à Wall Street procure à la ville un revenu supplémentaire de 2 milliards de dollars.
Qu’une telle politique soit proposée, sans parler de son application, témoigne du caractère sclérosé de la politique officielle et des tensions sociales immenses qui sont en train de se former en dehors de celle-ci.
En promettant de réagir à toute résistance par le recours à la garde nationale, le gouverneur du Wisconsin a fourni l’expression la plus frappante du véritable état actuel des rapports de classe aux Etats-Unis. La dernière fois qu’on s’était servi de la garde nationale à cette fin au Wisconsin avait été en 1886, après le massacre de Haymarket à Chicago, lorsque la milice d’Etat fut appelée pour ouvrir le feu sur des métallurgistes en grève à Milwaukee.
La menace de Walker n’est pas vaine. Les tensions de classe sont aujourd’hui plus prononcées qu’à n’importe quel moment durant les derniers trois quarts de siècle. L’inégalité sociale et la concentration de la richesse dans les mains du un pour cent le plus riche – qui contrôle à présent bien plus d’un tiers de la richesse du pays – sont plus extrêmes aujourd’hui qu’à n’importe quel moment depuis le soi-disant « âge d’or », lorsque la violence d’Etat contre le mouvement ouvrier était chose courante.
Les événements du Wisconsin sont un signe clair que les Etats-Unis sont entrés dans une nouvelle période de soulèvement social. La classe ouvrière est poussée à mener la lutte par la crise objective du capitalisme et par la détermination de la classe dirigeante à défendre sa richesse au moyen d’une attaque impitoyable contre tous les droits des travailleurs – le droit à un emploi, à un salaire décent, à l’éducation, aux soins de santé et à une retraite sûre.
Une nouvelle perspective politique est nécessaire pour faire avancer ces luttes. D’abord, absolument aucune confiance ne doit être accordée aux syndicats qui ont tout fait pour renforcer le Parti démocrate et réprimer tout mouvement indépendant des travailleurs. Au Wisconsin, les responsables syndicaux disent qu’ils reconnaissent la nécessité des coupes mais ne veulent pas renoncer à leur place à la table de négociation. En fait, leur principal objectif est de préserver leur base financière qui repose sur le système de retenue de la cotisation syndicale à la source.
Les travailleurs doivent catégoriquement rejeter les concessions réclamées par les dirigeants syndicaux et l’ensemble de l’establishment politique. Le déficit budgétaire au Wisconsin représente une infime fraction de la richesse des milliardaires du pays. En fait, les déficits budgétaires totaux des 50 Etats représentent environ un dixième de la richesse nette détenue par les 400 Américains les plus riches seulement. Il faut exiger le retour de cette richesse et des milliers de milliards de dollars dépensés pour renflouer les banques pour satisfaire les besoins sociaux de base de la vaste majorité de la population.
Une lutte contre les coupes budgétaires requiert l’unification de l’ensemble de la classe ouvrière et des jeunes au Wisconsin et partout dans le pays. Des organisations indépendantes des syndicats doivent être construites – des comités de travailleurs et d’étudiants doivent être formés pour unir les travailleurs du secteur public à ceux du secteur privé ainsi qu’aux jeunes, sur les lieux de travail, dans les écoles et dans les quartiers des villes, au Wisconsin et au-delà. Des préparatifs devraient être faits maintenant pour une grève générale de tous les travailleurs contre les coupes budgétaires.
Mais avant tout une lutte politique est nécessaire qui part de la compréhension du fait que rien ne peut être défendu tant que la classe ouvrière est subordonnée au Parti démocrate et au système capitaliste bipartite. Les représentants de la classe capitaliste, en proclamant que le maintien du capitalisme requiert la destruction des emplois et des niveaux de vie d’une vaste majorité de la population, reconnaissent en fait la faillite historique du système qu’ils défendent.
La réémergence de la lutte de classe sera accompagnée de la renaissance de la lutte pour le socialisme. Alors que la classe ouvrière américaine entre dans une nouvelle ère de soulèvement social, la tâche cruciale est à présent la construction d’un parti socialiste révolutionnaire pour mener ces luttes.
Bill Van Auken
Source : http://www.wsws.org/francais/News/2...
On en parle peu en Europe, mais depuis le 14 Février dernier, l’Etat du Wisconsin est le théâtre d’un grand mouvement social farouchement hostile aux mesures d’austérité engagées par le gouverneur républicain, Scott Walker. Celles-ci visent le secteur public et plus particulièrement l’enseignement.
Syndicats, fonctionnaires, étudiants, et parents d’élèves manifestent quotidiennement sur la place du Capitole à Madison, capitale de l’Etat, à l’instar des égyptiens de la Place du Tahrir au Caire. Les pancartes titrées « From Cairo to Madison : Workers Unite » en solidarité avec les luttes citoyennes d’Egypte y fleurissent d’ailleurs.
Scott Walker a malgré tout annoncé qu’il ne céderait pas, en conséquence de quoi pas moins de 70 000 manifestants ont envahi la la place du Capitole. Un record. Et ce ne sont pas les menaces du gouverneur d’envoyer la Garde nationale (l’armée) pour déloger les manifestants du Capitole alors que les forces de police soutiennent ces derniers qui vont arrêter cette détermination militante inspirée de la Méditerranée.
Le président Obama, fidèle à sa conception bipartisane de la vie politique, soutient officiellement les sénateurs démocrates du Wisconsin opposé à la loi. Mais il ne dupe personne : la loi de Walker est en tout point conforme aux coupes budgétaires fédérales et au refus du gouvernement de venir en aide aux Etats surendettés.
Selon Noam Chomsky le Wisconsin pourrait bien être l’étincelle d’une révolte plus générale dans tout le pays. On observe des mouvements similaires dans les Etats du Montana, Ohio et Indiana. Là aussi, c’est le secteur public qui se révolte contre les coupes budgétaires et les événements du Wisconsin font référence.
Le Parti de Gauche soutient les manifestants du Capitole de Madison et adhère à leur référence aux Egyptiens qui tinrent la Place de Tahrir jusqu’à obtenir satisfaction.
ANNE SAÏDI
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