La gauche a-t-elle besoin d’une morale ?

dimanche 16 janvier 2011.
 

1) Rappel des faits

Alors que la crise fragilise le « vivre ensemble », la gauche est traversée par des débats à résonance morale, comme ceux sur le port du voile.

Avec la crise, de vieilles recettes idéologiques ont resurgi. Ainsi, Nicolas Sarkozy s’est mis à prêcher la « moralisation du capitalisme », comme si la quête permanente de nouveaux profits pouvait être compatible avec le bien commun. Évidemment, lorsqu’il parle du capitalisme, le président de la République flatte « l’entrepreneur », le petit patron paternaliste... Bref, il ressuscite des figures patronales d’avant la contre-révolution néolibérale des années 1970, quand la classe des possédants n’osait pas encore attaquer de front le « compromis » social issu de la Résistance. Mis en scène, ce déni de réalité participe d’une tentative de court-circuiter toute opposition au système lui-même.

Démasquer cette manipulation ne suffit pourtant pas à unir la gauche. Elle-même se trouve traversée par des questionnements moraux, alors que la crise conduit à chercher de nouveaux repères pour le « vivre ensemble ». Les débats sur le voile révèlent ainsi les difficultés à proposer une définition claire et positive de la liberté. À un autre niveau, la montée des préoccupations environnementales s’accompagne d’un retour de la notion de « postmatérialisme ».

L’été dernier, la première secrétaire socialiste, Martine Aubry, avait ainsi invité son parti à se mobiliser pour le « bien-être et le bien-vivre ensemble », en dissociant étrangement ces notions de ce qu’elle a appelé le « bien-avoir ». Ce type de discours, inspiré des « européo-écologistes », ne conduit-il pas à dénigrer les revendications matérielles de ceux qui ne vivent que de leur travail, à culpabiliser les plus modestes par rapport à leur consommation  ? À rebours de cette logique moralisatrice, la dimension environnementale de la crise actuelle ne met-elle pas au premier plan la nécessité de s’interroger sur l’usage des produits du travail, donc sur les finalités de la production  ?

Réfléchir en ce sens, c’est réhabiliter le politique face à un économisme étroit, et donc en un sens, assumer une posture morale. Il faut encore veiller à ce que celle-ci ne se retourne pas en une simple éthique, ne connaissant que le «  libre arbitre  » de l’individu désirant. Finalement, l’imposture du sarkozysme et du capitalisme vert n’est-elle pas de promouvoir, en lieu et place d’une morale universelle, un discours de responsabilisation individuelle indifférent aux réalités sociales  ?

Laurent Etre


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