4 février 1992 : Hugo Chavez tente de renverser le président assassin social-démocrate pro-américain Carlos Andrès Pérez

mardi 6 février 2024.
 

Histoire du Vénézuéla au 20ème siècle : USA, classes profiteuses, gauche et mobilisations populaires

1) Un siècle d’’intervention des Etats Unis au Vénézuéla

2) Les alliés vénézuéliens des Etats Unis : grands propriétaires, patronat, social-démocratie, Eglise, armée

3) La gauche vénézuélienne : guerrilla, gauche radicale, militaires bolivariens et syndicalistes

Dans les années 1960, 1970, 1980, malgré des hauts et des bas, des liens se développent au Vénézuéla entre la gauche radicale, des militaires "bolivariens", des syndicalistes "lutte de classe" (qui ont créé le parti Cause Radicale).

Hugo Chavez est partie prenante de ce processus dés les années 1970 développant au sein des forces armées un réseau qui deviendra le MBR (Mouvement Bolivarien Révolutionnaire).

4) La montée en puissance de la gauche anti-libérale et d’’Hugo Chavez. Le caracazo du 27 février 1989

Lieutenant colonel de l’armée, Hugo Chavez fonde en 1983 une loge militaire clandestine, l’Armée bolivarienne de libération, qui devient le Mouvement Bolivarien Révolutionnaire

En 1988, le gouvernement d’’Action Démocratique engage une politique libérale féroce en parfait accord avec le FMI. Cela provoque une telle vague de précarité et de misère qu’’une insurrection populaire massive éclate le 27 février 1989. Le pouvoir politique du social démocrate Carlos Andres Perez donne ordre à l’’armée de tirer sur la foule. Le mouvement social est écrasé (plusieurs milliers de morts).

Les militaires progressistes du MBR-200 ont refusé de participer au bain de sang.

27 février 1989 (Caracazo) le peuple du Vénézuéla se soulève, est écrasé mais lève un espoir de changement en Amérique latine

5) La tentative du 4 février 1992

Les conditions de vie des milieux populaires s’’effondrent sous la présidence de Carlos Andrès Pérez. Le MBR s’’allie à la gauche anti-libérale (surtout Causa Radical). Sous la direction du lieutenant-colonel parachutiste Hugo Chávez, ils tentent le 4 février 1992 une insurrection civilo-militaire "contre l’’incompétence du pouvoir", "contre la corruption et la misère" sur Caracas et en province.

Le putsch prend pour nom « opération Ezequiel Zamora » du nom d’’un dirigeant historique de la gauche latino-américaine.

La tentative de révolution échoue mais Chavez passe 10 secondes à la télé vénézuelienne, assume la responsabilité de l’’insurrection et de son échec. Il affirme que les objectifs ne sont pas atteints "por ahora" (« pour l’instant ») . Ce mot résonne dans la tête de tous les meurtris du Caracazo. La crise sociale liée à l’’application du programme économique libéral concocté par le FMI et appliqué par la social-démocratie depuis 1989 a créé un tel malaise dans le pays que le peuple attend une alternative ; même une partie importante de l’’armée y est sensible.

Chávez écope d’’une peine de 30 ans de prison. Il réussit alors le tour de force très rare de transformer la défaite militaire (19 morts, un millier de militaires arrêtés) d’’une insurrection en victoire politique. Ainsi, il gagne en détention une popularité considérable, son portrait fleurissant sans cesse sur les murs des quartiers populaires.

A partir du 4 février 1992, Hugo Chavez apparaît comme une direction politique alternative et révolutionnaire. Ce message va travailler en profondeur le peuple vénézuélien dans les années suivantes.

Lors de son séjour carcéral, Chavez enregistre aussi une vidéocassette dans laquelle il appelle à l’’insurrection. Elle est diffusée vers 4 heures du matin dans la nuit du 26 au 27 novembre 1992, lors d’’un deuxième coup d’’État préparé par le MBR-200. La deuxième tentative (28 novembre 1992) avorte également (200morts), bien que les membres du MBR-200 aient tout de même pris le contrôle du pays pendant quelques minutes.

Le 20 mai 1993, la Cour suprême ouvre une action judiciaire contre le président Carlos Andrès Pérez, social-démocrate, au sujet d’’un détournement de fonds publics d’’un montant de 17 millions de dollars. Le 21, le Sénat, dominé par l’’opposition, vote sa suspension.

La nouvelle élection présidentielle donne la victoire au candidat de Causa Radical, syndicaliste de la métallurgie qui a promis la libération de Chavez s’’il est élu. Les Etats Unis et la droite, appuyés sur diverses institutions d’’Etat, empêchent sa proclamation. La majorité de Causa Radical refuse d’’en appeler à des manifestations de rue.

L’’aile gauche de Causa Radical scissionne et crée Patria Para Todos qui connaît un développement fulgurant.

Le 26 mars 1994, le président Rafael Caldera amnistie Chávez.

En 1998, Hugo Chavez est élu président de la république avec 56% des voix.

6) La journée du 4 février 1992 (par Gabriel García Márquez, prix nobel de littérature)

" A la tombée du jour, Carlos Andrés Pérez descendit de l’avion qui l’amenait de Davos, en Suisse, et fut surpris de trouver, pour l’accueillir, le général Fernando Ochoa Antich, son ministre de la défense. « Qu’y a-t-il ? » demanda le président, intrigué. Le ministre usa d’arguments si efficaces pour le rassurer que le président ne se rendit pas au palais de Miraflores, au coeur de Caracas, mais à sa résidence de La Casona. Il commençait à s’endormir lorsque le même ministre le réveilla au téléphone pour l’informer qu’un soulèvement militaire avait lieu dans la région de Maracay. Il regagnait à peine Miraflores quand éclatèrent les premières décharges d’artillerie.

" C’était le 4 février 1992. Le colonel Hugo Chávez Frías, avec son culte liturgique pour les dates historiques, dirigeait le soulèvement depuis son quartier général improvisé dans les locaux du Musée historique de La Planicie. Le président comprit alors que son unique recours était le soutien populaire et gagna les studios de télévision pour parler au pays. Deux heures plus tard, le coup d’Etat avait échoué. Chávez se rendit, à condition qu’on lui permette de s’adresser, lui aussi, au peuple.

" Le jeune colonel créole, avec son béret rouge de parachutiste et son admirable aisance d’élocution, assuma l’entière responsabilité du mouvement. Son allocution à la télévision fut un triomphe politique. Il passa deux années en prison avant d’être amnistié par le président Rafael Caldera. Cependant, nombre de ses partisans - et de ses adversaires - avaient compris que son discours, au moment de la défaite, était le premier d’une campagne électorale qui allait le conduire à la présidence de la République qu’il assumera en 1999".

7) 6 décembre 1998 : depuis ce jour, Hugo Chavez occupe la tranchée de 1ère ligne face aux USA et au capitalisme international. Solidarité !

8) Suite : Hugo Chavez au pouvoir (article de Politis)

" L’’homme rayonne en Argentine, au Sommet des Amériques, début novembre, à la tête de 40 000 manifestants anti-Bush ; il vitupère contre le Président mexicain Vicente Fox, libéral qualifié de « toutou de l’’Empire » ; il appelle le pays à ne plus livrer une goutte de son pétrole aux États-Unis s’’ils mettent à exécution le projet supposé de le faire assassiner, et promet un baril à 100 dollars ; il prépare le pays à repousser une invasion des « US Marines » ; il lance une armée de médecins cubains dans les quartiers pauvres, engage la réforme agraire, et distribue les énormes revenus pétroliers par ses programmes sociaux ; il vend l’’or noir à tarif préférentiel à des pays latino-américains, et propose même du combustible de chauffage aux Étasuniens pauvres qui risqueraient d’’en manquer cet hiver ; il remporte toutes les élections depuis sept ans, sans fraude avérée...

Figure récente de la politique vénézuélienne, émergente au plan international et d’’abord latino-américain, Hugo Chávez, le bouillant président du Venezuela, élu à la tête du pays en 1998, est l’’un des dirigeants les plus déroutants du moment, mais aussi l’’un des plus fascinants, aux yeux des observateurs étrangers en tout cas. Est-il un populiste de gauche, nostalgique de références révolutionnaires dévaluées, comme le continent en a déjà produit par le passé ? Ou un visionnaire audacieux et charismatique qui a choisi la voie étroite d’’une lutte frontale contre l’’oligarchie pour rétablir la justice sociale dans un pays profondément inégalitaire ?

Le 4 décembre, les élections législatives se sont conclues par un résultat parodique (voir Politis n° 879) : 100 % des sièges de l’’Assemblée nationale ont été enlevés par des partisans de Chávez ­ à son corps défenant, puisque cette razzia est largement due au boycott du scrutin par l’’opposition. Ce cadeau empoisonné des pleins pouvoirs législatifs sonne néanmoins pour le Président comme le point final d’’une longue guérilla intérieure, qui l’’a vu mettre en jeu son mandat à plusieurs reprises, notamment à l’’occasion d’’un référendum demandant son départ, en août 2004, et dont l’’échec a soldé les derniers espoirs de l’’unique projet de l’’opposition ­ renverser Chávez, coûte que coûte.

La fin de cette longue et usante bataille de légitimation, pour laquelle Chávez a reçu le soutien indéfectible du « petit peuple », laisse désormais un peu mieux entrevoir les premiers éléments de bilan d’’une politique pompeusement baptisée Révolution bolivarienne. Et il est indéniable qu’’Hugo Chávez, tribun à la parole facile et enflammée, agit.

Le fer de lance de l’’action du gouvernement, ce sont les « missions bolivariennes », vastes programmes sociaux au profit des plus démunis, engagés dans les secteurs de la santé, de la réforme agraire, de l’’alphabétisation et de l’’éducation (avec la création d’’une Université Bolivar), de l’’approvisionnement en produits de base à prix subventionnés (mission Mercal), etc. Une irruption spectaculaire de l’’État providence là où la population, dont une bonne moitié vit en dessous du seuil de pauvreté, désespérait de le voir un jour intervenir, avec le projet affirmé d’’une redistribution des richesses dans un pays marqué par une très forte corruption.

« Populisme » et « révolution » faisant rarement bon ménage avec le respect des droits humains, dans l’’imagerie historique, on attendait aussi Hugo Chávez sur ce chapitre. Force est de reconnaître que le dossier à charge est plutôt mince : pas de prisonniers politiques, des élections dont la sincérité a été vérifiée par des observateurs internationaux, liberté syndicale et d’’opinion, etc."


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