Hassi-Messaoud en Algérie : Islamisme = barbarie. NON AU LYNCHAGE DES FEMMES !

mercredi 21 avril 2010.
 

1) Algérie. Hassi Messaoud : la chasse aux femmes vivant seules

Dans cette ville pétrolière du Sud algérien, les femmes venues travailler ici dans l’espoir de faire vivre leur famille sont agressées par des hommes. Influencés par les intégristes, ils se livrent à une soi-disant « expédition d’épuration ».

Hassi Messaoud, envoyée spéciale 
d’El Watan

Depuis deux semaines, chaque soir, le scénario de l’horreur se répète, face à l’impuissance ou l’inertie des services de police, alors qu’un commissariat se trouve à quelques centaines de mètres du lieu des exactions dans Hassi Messaoud, cette ville pétrolière censée être la plus surveillée du pays. Les maisons ne sont pas choisies au hasard. Elles sont repérées dans la journée, puis mises à sac la nuit. La plupart sont habitées par des femmes originaires du Nord, qui vivent loin de leur famille. Rares sont celles qui déposent plainte, car les plus téméraires ont payé cher leur acte. Elles ont fini par abandonner leur domicile, errant d’un quartier à un autre à la recherche d’un lieu plus sûr. Les témoignages de certaines d’entre elles font froid dans le dos. Terrorisées, les victimes refusent toutes de révéler leur identité. « C’est la misère qui nous a fait faire des centaines de kilomètres à la recherche d’un emploi pour nourrir nos familles. Nous ne voulons pas perdre le pain de nos enfants. Nous voulons juste gagner notre vie avec dignité et dans la sécurité. Nous sommes des citoyennes au même titre que les autres, et nous avons le droit d’aller n’importe où pour travailler », déclare Souad, âgée d’une trentaine d’années. Lorsque nous lui avons rendu visite, dans sa maison du quartier des 36 Logements, elle a mis du temps à nous ouvrir la porte. Notre identité déclinée, elle exprime son « grand soulagement ».

Torturées, violées, enterrées vivantes

Cela fait plus d’une semaine que sa sœur et elle vivent un « vrai cauchemar ». Une bande de cinq à six jeunes enturbannés ont fait irruption chez elles au milieu de la nuit. « On nous avait déjà parlé de femmes ayant été agressées dans leur maison, mais je n’y ai pas cru. Je ne pensais pas qu’un jour je serais une des victimes », raconte Souad, l’aînée d’une famille de trois filles et un garçon. Cela fait dix ans qu’elle travaille à Hassi Messaoud. Sa sœur cadette, avec laquelle elle partage le logement en parpaings constitué d’une pièce cuisine, semble très fatiguée. Elle vient de subir une opération chirurgicale. En cette nuit de jeudi, les deux filles, leur jeune frère et leur mère venus leur rendre visite de très loin, ignoraient que le pire les attendait. Tous dormaient profondément lorsqu’ils ont brusquement été réveillés par de violents coups donnés à la porte d’entrée métallique. Avant même que Souad ait le temps de se mettre debout, trois hommes encagoulés surgissaient dans la pièce.

« J’étais terrorisée. Ma sœur criait et ma mère suppliait les assaillants de ne pas nous toucher. L’un d’eux m’a bloquée contre le mur en m’enfonçant un tournevis dans le ventre. Il m’a enlevé ma chaîne en or, mes bagues et mes boucles d’oreilles. Ils avaient tous un accent du Sud-Ouest. Il m’a interdit de crier et j’étais comme paralysée, jusqu’au moment où il a commencé à relever ma jupe. Je le suppliais, mais il était comme drogué. Il puait l’alcool, tout comme ceux qui étaient avec lui. Ma sœur malade n’arrivait pas à se lever, ils lui ont demandé son téléphone portable, alors que ma mère a été délestée de sa bague en or avec violence. Son agresseur l’a obligée à l’enlever en maintenant le couteau collé à sa main, laissant une bonne entaille. Nous avons crié de toutes nos forces et l’un d’eux, dans sa fuite, a laissé tomber la serviette qui recouvrait son visage. Un visage que je garderai en mémoire toute ma vie. Les cinq ont pris la fuite lorsque les voisins ont ouvert leurs portes en entendant nos cris », témoigne Souad. Elle dénude son abdomen pour nous montrer la cicatrice, longue de quelques centimètres, laissée par le tournevis.

Les femmes en sont à leur deuxième tragédie, après celle vécue à El Haïcha, qui porte bien son nom  : la bête. Un quartier situé à quelques encablures de leur cité où, en juillet 2001, plusieurs dizaines d’entre elles ont été torturées, lapidées, violées, enterrées vivantes par une horde de jeunes chauffés à blanc par un imam, en plein milieu de la nuit. Blessées physiquement et touchées dans leur dignité, les victimes n’ont, à ce jour, pas obtenu leur droit à la justice. De nombreux agresseurs vivent tranquillement chez eux, protégés par les leurs, souvent des notables aux traditions très conservatrices qui n’acceptent pas que des femmes habitent seules au milieu des leurs ou qu’elles « arrachent le travail des hommes ». Les assauts répétés contre les maisons sont pour eux « une expédition d’épuration ». Une réalité qui se confirme sur le terrain.

Souad raconte que les voisins disent tous n’avoir reconnu aucun des agresseurs, mais elle sait, au fond d’elle-même, qu’ils ne peuvent être étrangers au quartier. Toute la famille a couru vers le commissariat. Fermé. Il a fallu insister pour que les portes s’ouvrent et qu’un procès-verbal soit enregistré. « Une photo de ma blessure a été également prise. Le lendemain, les policiers sont venus à la maison pour constater le vol. Quand j’ai dit que le montant du vol était de plus de 100 000 dinars l’officier m’a déclaré  : ”Estimez-vous heureuse. La femme qu’ils ont volée il y a quelques jours est à l’hôpital. Ils l’ont violée à cinq.” Il nous a fait comprendre qu’il ne pouvait rien faire », révèle la sœur de Souad.

Les auteurs de ces crimes n’ont jamais été arrêtés

« Ici, la police est absente et nos plaintes sont toujours restées sans suite », dit Souad, montrant un couteau de boucherie acheté pour se défendre. Selon elle, de nombreuses femmes sont allées se plaindre au commissariat. « Elles ont toutes subi le même sort que nous. Elles ont été volées, tabassées et humiliées par le même groupe de voyous. Plusieurs d’entre elles étaient blessées. Et c’est là que j’ai entendu parler de deux jeunes femmes assassinées, il y a quelques mois et il y a trois ans. Les auteurs de ces crimes n’ont jamais été arrêtés. » Hadda, la trentaine passée, habitante du quartier des 40 Logements, a elle aussi été victime de ceux qu’elle appelle des « terroristes ». Quand elle est allée porter plainte au commissariat, elle n’était pas seule. « Il y avait là de nombreuses femmes. Certaines dans un état lamentable. Quand j’ai demandé aux policiers pourquoi ils n’arrêtaient pas les auteurs de ces agressions, l’officier m’a répondu  : “Savez-vous qui sont ces jeunes  ? Qui vous dit que moi, le policier, je ne suis pas avec eux  ? Le matin, je mets ma tenue pour aller travailler et le soir je mets un turban autour de mon visage et j’agresse les femmes qui résident seules.’’ J’ai compris que je n’avais rien à faire au commissariat. Je travaille pour faire vivre mes enfants. Si j’avais trouvé un emploi dans ma wilaya, je ne me serais jamais exilée. Pensez-vous que c’est facile de vivre loin de sa famille  ? Pourquoi une femme qui travaille dérange-t-elle  ? À Hassi Messaoud, les policiers ne protègent pas les femmes. » Depuis près d’un mois, les femmes des quartiers des 36 et 40 Logements vivent l’enfer. L’inertie des services de police fait craindre le pire en ces lieux livrés à des bandes organisées de délinquants aux visages masqués. À ce rythme, si les pouvoirs publics n’interviennent pas, un autre drame beaucoup plus grave que celui d’El Haïcha pourrait avoir lieu. Et là, l’entière responsabilité incombera aux autorités dont la mission principale est d’assurer la sécurité des biens et des personnes, des citoyens et citoyennes algériens, et non pas uniquement celle des étrangers, très nombreux dans cette région du pays.

Pour El Watan, Salima Tlemçani a enquêté auprès des victimes. Avec son accord, nous reproduisons l’essentiel de son article

2) APPEL

Nous sommes révoltées devant la folie meurtrière des intégristes islamistes qui a fait une nouvelle fois rage dans le quartier « d’El Haicha » à Hassi-Messaoud, ville pétrolifère du Sud de l’Algérie. Nous n’avons pas oublié la nuit funèbre du 13 juillet 2001 au cours de laquelle près de cinquante femmes ont vécu le martyre dans ce même quartier. En effet, cette nuit là, plusieurs centaines d’individus déchaînés suite au prêche d’un imam s’étaient armés de matraques, de couteaux et de sabres pour s’attaquer aux travailleuses et à leurs enfants.

Jusqu’où ira la barbarie ? Près de dix ans après l’expédition punitive de 2001 le scénario de l’horreur se reproduit encore ! A nouveau le sabre, le couteau, la hache et le bâton contre des femmes sans défense. Elles sont agressées, torturées, violées, assassinées. Depuis plusieurs semaines, le terrorisme fait de nouveau rage et les femmes, toujours et encore elles sont les boucs émissaires d’agresseurs qui tentent d’imposer leur ordre à la société.

Malgré les dépôts de plainte au commissariat, la police s’est figée dans une inertie totale. Les plaintes sont classées sans suite. Aucune mesure n’est prise pour juguler le climat de violence. Dans cette zone sous haute protection, cela signifie-t-il qu’aux yeux des pouvoirs publics algériens la sécurité des bases pétrolières est plus précieuse que les vies humaines !!

Evidemment, cette situation gravissime est le corollaire de toutes les dérives scandaleusement baptisées « rahma », « concorde civile », « réconciliation nationale » mais qui en fait, au nom de « l’amnistie nationale » banalisent voire légalisent le crime, le viol, le kidnapping et menacent l’avenir de l’Algérie sur l’autel du compromis avec l’islamisme politique.

Ces dispositifs n’ont jamais assuré la protection des victimes de la terreur islamiste, elles n’ont pas rendu justice aux familles des victimes, ni aux victimes elles-mêmes et en particulier les survivantes des massacres de HASSI MESSAOUD. Au contraire, ce sont les victimes qui doivent se cacher, se taire, se résoudre à la fuite, au silence, quand ce n’est pas à l’exil.

Ces évènements tragiques mettent une nouvelle fois à l’ordre du jour la nécessité d’abroger le Code de la famille qui ravale les femmes au statut de sous-citoyennes et cultive dans les esprits un obscurantisme d’un autre âge.

L’Etat algérien a failli à sa première mission qui est d’assurer la sécurité de ses citoyens et citoyennes.

L’Initiative Féministe Européenne IFE-EFI est aux cotés des féministes algériennes pour appeler toutes les forces démocratiques à manifester leur solidarité avec les femmes de Hassi-Messaoud et exiger :

la cessation de la terreur qui règne contre les femmes à Hassi-Messaoud et la fin de toutes les exactions,

la mise en place d’une protection immédiate et exceptionnelle pour garantir la sécurité, l’intégrité physique de ces femmes et leur droit au travail,

la reconnaissance publique par les autorités locales et territoriales des actes de terrorisme dont elles sont victimes,

la mise en place de poursuites judiciaires contre tous ceux qui ont été confondus de crimes à leur encontre,

la mise en œuvre d’une procédure de justice destinée à mettre un terme à l’impunité des actes de vandalisme et de terrorisme.

La Coordination Européenne de l’IFE-EFI

15 avril 2010

Premières organisations signataires :

. Initiative Féministe Européenne IFE-EFI (Europe) France, Pays d’Aubagne, Italie, Pologne, Suède, Angleterre, Croatie….

. FEMMES SOLIDAIRES

. UNION DES FAMILLES LAIQUES (UFAL)

. Collectif Femmes PARTI POUR LA LAICITE ET LA DEMOCRATIE-Algérie

. Organisation for Women’s Liberation-Iran

. Secularism is a women’s issue (SIAWI)

. Ligue du Droit International des Femmes

Premières personnalités signataires :

Wassyla TAMZALI, écrivaine

Anne Marie LIZIN, sénatrice honoraire belge

Marieme HELIELUCAS, Coordinatrice réseau SIAWI

André GOMAR, président association laïque de Saint-Denis

Hakim ARABDIOU, militant laïque algérien

* source : IFE-EFI Initiative Féministe Européenne pour une autre Europe- European Feminist Initiative for another Europe

ife VFL efi-europa.org

3) Algérie « Il faut amplifier 
la mobilisation »

Entretien avec Soad Baba-Aïssa, coordinatrice de l’initiative féministe européenne

Comment réagissez-vous aux exactions subies par les femmes de Hassi Messaoud  ?

Soad Baba-Aïssa. Nous sommes révoltées que des femmes puissent être lynchées sans que cela ne suscite de réaction de la part du gouvernement algérien. Malgré les dépôts de plaintes au commissariat, la police s’est figée dans une inertie totale. Les plaintes sont classées sans suite. Aucune mesure n’est prise pour juguler le climat de violence. Dans cette zone sous haute protection, cela signifie-t-il qu’aux yeux des pouvoirs publics, la sécurité des bases pétrolières est plus précieuse que les vies humaines  ?

Comment expliquez-vous cette situation  ?

Soad Baba-Aïssa. Elle est le corollaire de toutes les dérives scandaleusement baptisées « concorde civile » ou « réconciliation nationale », mais qui, en fait, au nom de « l’amnistie nationale », banalisent le crime, le viol, le kidnapping, et menacent l’avenir de l’Algérie sur l’autel du compromis avec l’islamisme politique. Ces dispositifs n’ont pas rendu justice, en tout cas pas aux survivantes de Hassi Messaoud qui avaient échappé aux exactions de l’été 2001. Au contraire, ce sont elles qui doivent se cacher, se taire ou se résoudre à la fuite.

Que faire contre ces violences sexistes  ?

Soad Baba-Aïssa. Ces événements mettent une nouvelle fois à l’ordre du jour la nécessité d’abroger le Code de la famille qui ravale les femmes au statut de sous-citoyennes et cultive l’obscurantisme. Notre association appelle à élargir la mobilisation pour soutenir ces victimes et exiger une protection immédiate afin d’assurer leur intégrité physique et leur droit au travail.

Entretien réalisé par Mina Kaci

* Source : L’Humanité du 17 avril 2010


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message