Plaidoyer pour 
la biodiversité

vendredi 12 mars 2010.
 

Année de la biodiversité oblige, les médias, les politiques, les scientifiques, les citoyens dans une très moindre mesure, se saisissent de l’item « biodiversité », et du déclaratif des obligations qui vont avec, Agenda 21 en tête. Ceux qui savent déjà comment bien définir l’affaire sont un peu plus aguerris que les autres  : la biodiversité se définissant à trois niveaux  : celui des systèmes écologiques composant un paysage (diversité écologique)  ; celui des espèces formant la communauté vivante associée à un système écologique particulier ou à un paysage dans son ensemble (diversité spécifique)  ; enfin, celui des gènes possédés par l’ensemble des individus d’une espèce (diversité génétique).

Pour densifier et complexifier cette définition, un détour par l’ouvrage de Patrick Blandin (1), professeur émérite du Muséum national d’histoire naturelle de Paris, s’impose. D’abord le terme « écologie », qui fut utilisé pour la première fois par Ernst Haeckel pour désigner la science des relations que les organismes vivants ont entre eux et avec leur environnement (1866). Auparavant, on parlait davantage de géographie botanique, notamment avec Alexander von Humbolt et Aimé Bonpland, qui ont articulé ensemble observations naturalistes et caractéristiques du milieu naturel (1799-1804). Un botaniste danois, Warming, (1895) entérine le concept en l’enseignant. Parallèlement, en 1887, Forbes use de la métaphore du microcosme  ; Clements, au début du XIXe siècle, parle quant à lui de superorganisme  ; Phillips, en 1935, lui préfère la notion d’ensemble des micro-organismes et Tansley emporte la mise en choisissant le terme d’écosystème. Quant au terme de biodiversité, qui fait florès depuis le sommet de la Terre en 1992, où la convention internationale sur la diversité biologique a été signée, il est apparu en 1986, lors d’un colloque entre la National Academy of Sciences et la Smithsonian Institution.

Conserver la nature, ce n’est pas en faire une opération de muséologie. Bien au contraire, c’est comprendre son dynamisme interne et améliorer les stratégies adaptatives des systèmes écologiques, en un mot « conserver ses potentialités évolutives ». Conserver la biodiversité, c’est également bien sûr reconnaître la valeur en soi de la « wilderness », soit l’état de la biodiversité hors de tout impact anthropique, mais c’est aussi savoir que ce que nous admirons en termes de biodiversité est souvent le fruit de l’activité culturellement et techniquement très élaborée de l’homme, par exemple la forêt de Fontainebleau, voire la forêt amazonienne, dans la mesure où l’organisation écologique des forêts amazoniennes est inséparable des pratiques des peuples forestiers de cette région.

Penser une éthique pour la biosphère n’est donc pas chose aisée, d’autant, souligne Patrick Blandin, que l’éthique elle-même est évolutive (« evolutionary ethics »). En effet, « notre tendance à élaborer des normes éthiques résulterait de l’évolution de notre espèce  ; autrement dit, dans la mesure où des comportements éthiques seraient favorables au bon fonctionnement des groupes humains, ils auraient été retenus par la sélection naturelle ». L’auteur se fait alors le héraut d’une hypothèse d’une sélection naturelle qui devrait retenir des sociétés humaines ayant pensé et mis en œuvre une solidarité écologique avec leurs milieux spécifiques. Après l’homo sapiens, l’avènement de l’homo ethicus  ?

Cynthia Fleury

(1) Biodiversité. L’avenir du vivant. Éditions Albin Michel, 2010.


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