Philippe Séguin : consensus et contre-sens... sur la vie d’un homme de droite

dimanche 17 janvier 2010.
 

Un mot sur le décès de Philippe Séguin. La mort brutale d’un homme est une triste nouvelle. Et celui-ci avait une sacrée trempe, il laissera sans doute une trace. Il faisait partie de ces grandes figures de la droite française, qui enrichissaient le débat national. Tous les médias répètent qu’il avait voulu, (mais cela existe-t-il en réalité ?) continuer à faire vivre l’idéal du « gaullisme social », sans que les mêmes médias définissent de quoi il s’agit exactement. Compréhensible. A part un concours de circonstances historiques, moi je ne sais pas.

Après avoir été parlementaire dans les Vosges, Maire d’Epinal et Président de l’Assemblée nationale (celle qui s’est terminée par la dissolution de 1997), Philippe Séguin fut Conseiller de Paris de 2001 à 2002, après avoir conduit les listes RPR qui furent pour la première fois battues par la gauche. Je ne l’ai pas connu, je ne connais aucune anecdote à son sujet, et je ne lui ai jamais adressé la parole, bien sûr. Mais je garde en mémoire nombre d’arguments, assez pertinents, qu’il avait développé en 1992 pour le « Non » au Traité de Maastricht, notamment ceux qui refusaient les pertes de souveraineté populaire pour le compte d’instances non démocratiques. Ceci dit, la majorité d’entre eux n’étaient pas, et non jamais été, ceux de la gauche contre la Construction libérale de l’Europe. Je n’oublie pas non plus sa campagne aux cotés de Philippe de Villiers, qui lui laissait entendre une musique clairement xénophobe.

Mais, laissons cela. En pensant à Philippe Séguin, il me revient une phrase utilisée à propos d’autres par François Mitterrand dans les années 70. Il faisait alors la distinction entre « les gaullistes de légende et les gaullistes de brocante ».

La phrase était mordante, comme Mitterrand savait le faire, et l’on peut, le temps d’un hommage, se dire que Séguin, durant sa vie politique, a cherché à se rattacher à cette première catégorie. J’ai toutefois bien conscience de l’exagération de la comparaison, mais il est finalement le dernier dont le nom vient à l’esprit si l’on voulait illustrer ces gaullistes là. Par contre, concernant les « gaullistes de brocante », à l’inverse, beaucoup plus de noms viennent à l’esprit. Et particulièrement celui qui occupe le poste de Premier Ministre et qui a rendu un hommage ému à celui qui fut, paraît-il, son mentor.

Bon, mais à force, l’unanimité des hommages a fini par m’agacer. Et je lis parfois, ici ou là, des hommages d’élus de gauche qui m’irritent. Je découvre par exemple, que Martine Aubry "aimait ses colères (..) les écoutait, car elles tombaient justes". Ah bon ? Lesquelles ? Sur l’Europe ? Certainement pas, en 1992 Aubry a défendu le "Oui" à Maastricht. Sur le reste ? Soyez précise Mme Aubry, cela m’intéresse. Car, de grâce, et ne serait ce que par respect pour la mémoire de Philippe Séguin, ne l’oublions pas, c’était un homme de droite. Et un vrai. Dur avec la gauche, demandez-le aux conseillers municipaux de gauche d’Epinal quand il était Maire. Pas un homme consensuel. De plus, l’utilisation systématique du mot « républicain » me déplaît. Car, si l’on affirme que le parcours politique d’un républicain c’est cela, on risque de désorienter beaucoup de gens… qui ne verront dans la République que des formules ronflantes accompagnant des politiques antisociales. Fait révélateur, un de ses modèles était Napoléon III. Pour moi, ce dernier fut à l’inverse un fossoyeur de la République. A chacun ses modèles.

Il disait « j’ai choisi le gaullisme parce que c’était autre chose que la droite ». Bon. Mais, même dans le gaullisme « à la séguin », une fois en responsabilité, on a du mal à voir la différence avec la droite. Ministre du travail du gouvernement Chirac de 1986 à 1988, c’est notamment lui qui va mettre en place les premiers décrets qui vont affaiblir la sécurité sociale. Je pense particulièrement à un décret du 31 décembre 1987 qui avait supprimé la possibilité pour 643 000 malades (qui ne faisaient pas partie des 25 maladies prises en charge à 100%) de voir leurs traitements pris en charge par la « Sécu ». C’est lui aussi qui va supprimer l’autorisation administrative de licenciements, mesure qui prétendait aider l’emploi, mais qui mis un sacré coup d’accélérateur aux plans de licenciements.

Plus récemment, à la présidence de la Cour des comptes, plusieurs de ses rapports sur l’Hôpital public, ont insisté sur le fait que les difficultés des hôpitaux n’étaient pas dues à une insuffisance de moyens financiers, mais à une mauvaise gestion financière des établissements. Les personnels qui luttent contre les suppressions de postes apprécieront.

Sur un autre sujet, concernant les stades de football français, le rapport qu’il avait rédigé pour la Ligue de football professionnel se prononce clairement pour une « privatisation » des équipements sportifs. Proposant, mesure emblématique, que les stades portent les noms de l’investisseur privé.

Bon, j’arrête. Le but de ce court billet n’est pas de s’en prendre à un homme qui vient de s’éteindre. Je souligne une fois de plus que je n’ai aucun mépris pour cet homme cultivé et batailleur, au contraire, il n’était pas fait du même bois que les petits marquis, faux durs, et obligés du grand capital, qui dirigent notre pays désormais.

Mais, je le répète, pas de consensus, et pas de récupération. Lui rendre un véritable hommage exige de dire qu’une des familles de la droite française a perdu l’une de ses grandes voix, et que la gauche voit disparaître un de ses plus beaux adversaires.

Alors, pas de captation d’héritage, pas de récupération de cadavre, s’il vous plaît. Je suis sûr que Philippe Séguin, qui était un honnête homme, n’aurait pas aimé cela. Même dans les hommages, les contradictions entre les classes sociales restent une réalité.


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