Chirac dans Le Figaro : Mai 68, Giscard, Mitterrand, Saddam

dimanche 8 novembre 2009.
 

Quel a été le plus grand moment de votre carrière ministérielle ?

Sans doute Mai 68. Il y a eu là un moment d’effervescence nationale, forte et vivifiante comme le peuple français en a le secret parfois. Tout le monde a été pris au dépourvu. J’étais alors secrétaire d’État à l’Emploi et à ce titre, j’ai pris part aux négociations. J’ai notamment rencontré dans le plus grand secret Henri Krasucki au nom de la CGT. On a beaucoup glosé sur le fait que j’y étais allé armé d’un revolver. C’était une période de grande agitation et j’avais intérêt à être armé. Non pas à l’égard de Krasucki, bien entendu, mais compte tenu du climat de tension extrême.

Vous êtes sévère envers Valéry Giscard d’Estaing, dont vous avez été le premier ministre de 1974 à 1976

Il n’est un secret pour personne que nos relations n’étaient pas marquées par un excès d’affection. Elles se sont ensuite dégradées, notamment en raison du rôle négatif d’un homme, Michel Poniatowski, qui ne supportait pas l’idée que quelqu’un d’autre que lui puisse avoir une influence sur le président. Mais au-delà des questions de personnes, c’est sur le fond et sur les choix de politique gouvernementale que nous nous sommes séparés.

Votre regard sur François Mitterrand est beaucoup plus clément

C’était un homme d’une grande culture, d’une grande intelligence. J’ai bien sûr combattu ses idées et son action. Parfois même de façon assez dure. Mais on peut parfaitement reconnaître les qualités humaines et personnelles d’un adversaire politique. Comme beaucoup de Français, j’ai pour François Mitterrand de l’estime.

Comment expliquez-vous votre défaite à la présidentielle de 1988 face à lui ?

Mitterrand a été meilleur. Il a su rassembler davantage. A cette époque, les Français ont eu un besoin de gauche. C’est la démocratie.

Dans votre livre, vous évoquez l’hospitalité de Saddam Hussein qui vous reçoit « à bras ouverts » à Bagdad en 1974 alors que vous étiez premier ministre. Quand vous êtes-vous rendu compte de sa dérive vers un régime dictatorial ?

Je l’ai rencontré quand j’étais premier ministre, et qu’il était chef d’État. Nos deux pays entretenaient des relations diplomatiques. Au départ, l’homme avait des qualités et, aux yeux de beaucoup, il symbolisait une vision moderne et laïque dans cette partie du monde. Il a changé assez rapidement et s’est affirmé chez lui un côté tyrannique que personne n’avait soupçonné.


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