25-28 décembre 2009 : Dans chaque foyer, nous préparons un petit repas et quelques cadeaux pour les enfants. A Paris, deux syndicalistes courageux poursuivent leur grève de la faim pour la réintégration d’un salarié licencié suite aux grèves du printemps ; leur vie est à présent en danger d’après les médecins. Notre solidarité est totale ; Nicolas Sarkozy et ses semblables devraient savoir qu’une corde trop tirée peut soudain casser.
Jacques Serieys
La direction régionale de GRDF a reçu hier après-midi l’intersyndicale, alors que deux syndicalistes de SUD-Energie entrent dans leur 16e jour de grève de la faim pour réclamer la réintégration de Nordine Mahroug, injustement licencié à leurs yeux.
Cela ressemble à une lumière au bout du tunnel. Hier, la direction régionale de GRDF (la filiale distribution de GDF) a annoncé qu’elle rencontrerait cet après-midi à 16 heures une délégation de l’intersyndicale (CGT-SUD-CFTC-CFDT-FO), pour trouver une issue à la grève de la faim que suivent deux responsables de SUD-Energie, Yann Cochin et René-Michel Millambourg, depuis le 14 décembre, rue Pétrelle et face au siège social de GDF (Paris 9e).
Enjeu des discussions : la réintégration de Nordine Mahroug, agent gazier du site de la rue Pétrelle licencié pour « faute professionnelle » le 14 décembre. Selon René-Michel Millambourg, qui l’a défendu au conseil de discipline, « son dossier est monté de toutes pièces ». Le licenciement de Nordine Mahroug, père de deux enfants, implique la perte du logement qu’il habite. Ce cas, qui rappelle celui de Rodolphe Barres, à Toulouse, est lié selon les syndicats à une vague de sanctions qui toucherait près de 240 agents, impliqués à des degrés divers dans la grève d’avril-mai à ERDF-GRDF.
Outre la réintégration de Nordine Mahroug, Yann Cochin et René-Michel Millambourg réclament « la levée des sanctions » à l’encontre des grévistes du printemps dernier. Mais le déblocage de la situation pourrait être permis par la réintégration de Nordine, que la direction muterait dans une autre structure du groupe en Ile-de-France.
Le temps est désormais compté et les deux grévistes mettent leur santé en péril. Yann Cochin m’a semblé, lundi 28 décembre, nettement affaibli. Un autre gréviste de la faim a arrêté le mouvement. Aujourd’hui, la direction fait un geste d’ouverture, mais rendez-vous est pris demain matin au tribunal de grande instance de Paris, car elle assigne toujours en justice les grévistes de la faim afin qu’ils soient expulsés du local de la rue Pétrelle. Ce qui fait douter René-Michel Millambourg quant à l’issue de la réunion.
de MM. Yann Cochin et René-Michel Millambourg, grévistes de la faim
Paris le 28 décembre 2009
Docteur Patrick Silberstein 4 rue des Écluses Saint-Martin, 75010 Paris
Docteur Laurent Lecoin 7 rue de l’Atlas, 75019 Paris
MM. Yann Cochin et René-Michel Millambourg nous ont demandé d’assurer leur suivi médical au cours de la grève de la faim qu’ils ont entreprise le 14 décembre 2009.
Ce jour, au 14e jour de leur jeûne, nous avons procédé à un nouvel examen médical.
Les deux hommes nous sont apparus à la fois très affaiblis sur le plan physique et parfaitement conscients des risques encourus – que nous leur avons rappelés – par la poursuite de leur refus de s’alimenter. Ils nous sont aussi apparus très déterminés à obtenir l’ouverture de négociations avec la direction de leur entreprise.
En tant que médecins, nous ne nous prononcerons pas sur les motivations de leurs actions, mais la situation nous a paru suffisamment grave pour rendre publics, avec leur accord (seule condition pour que soit levé le secret médical), les éléments suivants.
M. Yann Cochin (âgé de 59 ans) est actuellement installé dans un local chauffé de la rue Pétrelle (Paris 75009).
Son poids est de 60 kilos pour un poids de départ de 71 kg, soit une perte de 11 kilos en 14 jours.
Il se plaint de vertiges, d’asthénie importante, de crampes musculaires, d’insomnies nocturnes et de somnolences diurnes, de sueurs et de quelques céphalées.
L’interrogatoire auquel nous avons procédé ne montre aucun trouble de la conscience, ni de désorientation. La conversation est fluide bien que ralentie. L’examen clinique montre un homme aux traits tirés, au teint grisâtre. L’auscultation cardiaque relève quelques extra-systoles, le pouls est à 62/mn, la TA est à 120/60 mm de Hg pour un patient qui poursuit son traitement anti-hypertenseur habituel. La diurèse est abondante, il n’y a aucun œdème. La BU révèle la présence de corps cétoniques dans les urines. Le reste de l’examen est sans particularité. La station debout lui est extrêmement pénible.
M. René-Michel Millambourg (âgé de 48 ans) est actuellement installé sous une tente dans la rue de Maubeuge (Paris 75009). La tente est chauffée, mais l’installation rudimentaire l’expose au froid (à noter que l’installation d’un chauffage à pétrole pourrait être la cause d’émanations toxiques).
Il se plaint de troubles de l’équilibre, de douleurs musculaires, d’asthénie et de céphalées importantes.
Son poids est de 82 kilos pour un poids de départ de 91 kg, soit une perte de 9 kilos.
L’interrogatoire auquel nous avons procédé ne montre aucun trouble de la conscience, ni de désorientation. La conversation est fluide. L’examen clinique montre un homme amaigri, pâle, avec un subictère conjonctival. L’auscultation cardiaque montre un pouls rapide à 90/mn, sans trouble du rythme perceptible. La TA est à 100/60 mm de Hg et M. Millambourg présente des épisodes de lipothymies aggravées par la station debout. La diurèse est abondante, il n’y a aucun œdème. La BU révèle la présence de corps cétoniques dans les urines. Le reste de l’examen est sans particularité.
Au stade où nous en sommes, chacun doit savoir qu’il est extrêmement difficile sur la base de simples examens cliniques de faire des pronostics fiables. Nous ajouterons que l’âge des deux grévistes de la faim et les traitements médicamenteux associés compliquent encore plus la surveillance et les prévisions médicales.
Sans nous immiscer, nous le répétons à nouveau, dans le confit en cours, nous nous sentons obligés d’attirer l’attention sur le fait que, à ce stade d’une grève de la faim, chaque jour pèse très lourd.
Au terme de cet examen, nous pouvons donc conclure qu’il y a à notre sens une urgence particulière à ce que MM. Yann Cochin et René-Michel Millambourg puissent se réalimenter dans les délais les plus brefs avant que des complications graves ainsi que des séquelles irréversibles ne surviennent.
Nous avons évidemment informé MM. Yann Cochin et René-Michel Millambourg de l’ensemble de nos conclusions.
Dr Laurent Lecoin et Dr Patrick Silberstein
SILBERSTEIN Patrick, LECOIN Laurent
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