Notre parti s’est voulu dès sa création fin 2008 un creuset rassemblant des courants politiques d’origines différentes sur de grands objectifs communs. Du 28 au 30 août 2009, le remue-méninges de Clermont Ferrand a permis de vérifier que nous étions déjà un parti creuset comprenant une composante écologiste forte ; Martine Billard, Corinne Morel-Darleux et d’autres ont argumenté clairement et chaleureusement leurs convictions.
Plusieurs préoccupations justifient de donner une importance majeure à la question écologique :
* accroissement considérable de la pollution (air, eau courante, océans, sols...)
* épuisement progressif des sources d’énergie pétrolière
* disparition d’espèces végétales et animales ; menaces sur la biodiversité et les écosystèmes
* aspiration de tout humain à vivre dans un environnement agréable et le moins pollué possible...
En ce début septembre 2009, le réchauffement de l’Arctique attire un peu l’attention des médias :
* le réchauffement climatique entraîne une fonte des glaces
* la fonte des glaces entraîne une élévation du niveau des océans. Ce phénomène accélère le réchauffement climatique car les zones foncées (océan, terre) pompent plus d’énergie solaire que les glaciers de l’Arctique.
* jusqu’à ce jour, la communauté scientifique craignait une hausse du niveau des océans d’environ 50 centimètres d’ici 2100. La rapidité de fonte des glaces en cet été 2009 lui fait redouter à présent une hausse atteignant un mètre qui menacerait l’habitat d’un quart de l’humanité.
* les gaz à effet de serre accélèrent le réchauffement climatique qui accélère lui-même la fonte des glaces ; cette fonte des glaces libère de grandes quantités de méthane qui accélèrent à leur tour le réchauffement climatique. Pour l’association WWF, il faudrait que les pays industrialisés réduisent d’au moins 40% leurs émissions de CO2 d’ici 2020 ; sans préjuger des résultats de Copenhague, cet objectif ne pourra être atteint dans le cadre du mode de production capitaliste.
L’action soutenue des écologistes depuis 40 ans a bousculé la gauche et l’extrême gauche. Aujourd’hui, l’évolution menaçante de l’environnement confirme la justesse de leur combat, imposant l’écologie parmi les grandes priorités du combat socialiste et plus simplement parmi les grandes questions posées à l’humanité entière.
A titre personnel, cette possibilité de militantisme commun avec des écologistes historiques me fait chaud au coeur. La certitude que le capitalisme menaçait notre environnement et même notre planète fut en Aveyron un grand sujet de radicalisation puis de conscientisation pour une partie du mouvement de 1968 ; dans mon établissement j’ai participé en 67 68à un club nature qui réalisait chaque jour une revue de presse sur deux panneaux en liège apposés dans le foyer de l’établissement. Dans les années 1970 et 1980 j’ai contribué à l’animation de plusieurs luttes (déchets nucléaires, qualité des eaux...) qui induisaient le caractère insoutenable de la croissance économique actuelle. Depuis trente ans, je participe à l’animation d’une association locale de protection de l’environnement qui me prend beaucoup de temps et d’énergie.
Je m’excuse auprès du lecteur pour la petite autobiographie ci-dessus mais elle donne le contexte des remarques ci-dessous.
Si nous croyons vraiment que la logique actuelle de la croissance capitaliste menace la planète, la propagande politique sur les questions d’environnement doit être relayée par des luttes concrètes, par des victoires concrètes.
Or, le combat militant sur les questions d’environnement reste très difficile.
Les luttes sont sans cesse menacées de minorisation et d’échec pour plusieurs raisons :
* moyens considérables des entreprises affrontées sur ces questions
* beaucoup de baratin sur l’environnement mais faible prise en compte réelle par l’appareil d’état, en particulier les préfectures
* faiblesse du droit sur ce terrain
* associations écologistes éclatées, rarement coordonnées localement comme nationalement à part sur le nucléaire
* intégration par beaucoup de citoyens de l’argument "c’est ça ou rien ; on ne va pas en revenir à la bougie et à la diligence".
Convaincre nos concitoyens du danger inhérent à la religion de la croissance est devenu indispensable.
Comme pour les luttes sur le terrain social, c’est à partir de la dégradation concrète des conditions de vie et d’environnement que nous pourrons faire progresser cette prise de conscience.
Le mouvement ouvrier a connu des aspects soit économistes (repli sur les seules revendications par entreprise), soit propagandistes (dénonciation du capitalisme et mirage d’une société plus égalitaire déconnectés de la réalité présente ). Le mouvement écologiste me paraît aujourd’hui devoir naviguer entre les mêmes écueils. Certaines luttes locales, par exemple sur les lieux de récupération des déchets, peuvent présenter des aspects seulement locaux contradictoires avec l’intérêt public.
Construire un parti à la fois socialiste, écologiste et républicain m’apparaît aujourd’hui comme l’objectif politique du Parti de Gauche. Cependant, chacune de ces trois références est héritière d’une histoire, d’une base sociale et d’une conception du monde particulières.
B1) Quelle histoire partagée ?
Pour la tradition républicaine et socialiste, la Renaissance du 16ème siècle représente un moment très important dans le processus d’émancipation vis à vis de la féodalité cléricale (projet humaniste, scientifique, libéral). Il est facile de rencontrer des écologistes considérant cette Renaissance, au contraire, comme un moment très important dans la volonté des hommes de dominer la nature. J’avais pointé cette contradiction durant les présidentielles de 2007.
Des cléricalo boudhistes unis avec Bové pour les présidentielles (article du 10 février 2007)
B2) Quel rôle d’une base sociale ouvrière et syndicale dans le parti, d’une intervention en soutien des luttes ouvrières ?
Pour des socialistes, les salariés représentent la base sociale fondamentale de la lutte anticapitaliste. Les militants républicains comme écologistes se recrutent généralement dans des milieux ne subissant pas directement le poids du despotisme d’usine, d’où la définition d’autres priorités, plus politiciennes ou plus sociétales.
B3) Quel parti ?
Depuis la création du PG je l’estime comme présentant des ressemblances fortes avec le défunt PSU des années 1960 et 1970 en terme de base sociale qu’il attire. Au risque de me répéter, je redis que des des milieux ne subissant pas directement le poids du despotisme d’usine ont tendance à privilégier la coordination des groupes locaux à l’efficacité politique nécessitant une direction y compris dans chaque département, à privilégier la confrontation d’idées et de carrières à la construction du parti et à la définition d’une réelle cohérence politique.
B4) Décroissance, un débat dont le PG ne peut faire l’économie.
L’avantage de ce concept, c’est qu’il porte le fer au coeur de la logique du mode de production capitaliste : l’accumulation du capital et sa reproduction élargie. Cette accumulation implique une croissance permanente du PIB, indicateur de la valeur ajoutée au capital.
La décroissance est-elle le nouveau concept central autour duquel articuler une nouvelle pensée anticapitaliste et émancipatrice ? Je ne le pense pas.
Premièrement, les courants de la décroissance sont divers ;
* certains s’attaquent à la fois au capitalisme, à la technique et à la science qu’ils posent comme synonymes. Nous ne pouvons être d’accord avec cela.
* Cohn Bendit s’est posé en partisan du capitalisme, en porte parole de la décroissance, en meilleur artisan du traité de Lisbonne... La décroissance apparaît dans son cas comme la nouvelle tarte à la crème pour appâter les nigauds. Parmi les adhérents "Verts", au moins un tiers se situe sur cette longueur d’onde.
* Il est évident que des secteurs du capitalisme européen ne sont absolument pas gênés aujourd’hui par certaines élucubrations sur le développement durable car ils poussent à des "industries propres et services" en Europe, délocalisant la production industrielle sale vers les pays du Sud
* La cohérence idéologique de Paul Ariès par exemple, est beaucoup plus intéressante et devrait permettre d’engager des débats clarificateurs et utiles. Ceci dit, se réclamer de la décroissance obligerait le Parti de Gauche à répondre sans cesse à des procès d’intention de tous nos adversaires politiques
Deuxièmement, dans le contexte mondial actuel, je préfère un concept comme celui d’altercroissance à condition d’en préciser les axes programmatiques. Ce serait trop long à développer ici.
B5) Désaccord pour faire de "l’écologie" le paradigme théorique du Parti de Gauche
Il est évident que l’écologie politique nous oblige à interroger plusieurs fondements du "socialisme historique" pour reprendre le terme de Jean Luc Mélenchon. Ceci dit, les fondements théoriques de ce "socialisme historique" (ne serait-ce que la compréhension du capitalisme) et son histoire riche d’expériences ne peuvent être jetés aux poubelles de l’histoire en trois mots et deux sourires. Ils renvoient à l’épopée de l’émancipation humaine depuis deux siècles, de la Révolution française aux expériences latino-américaines actuelles en passant par la Révolution russe, de Marx à Guevara en passant par Gramsci et Trotsky.
Les concepts fondamentaux du socialisme demandent à être redéfinis mais pas abandonnés sans réflexion, au moins pour deux raisons
D’une part, dans nos alliances, nous rencontrons essentiellement trois courants politiques se référant au marxisme : Parti Communiste Français, Nouveau Parti Anticapitaliste, Gauche Unitaire, Communistes unitaires...
D’autre part un parti creuset explosera un jour ou l’autre sans une certaine cohérence théorique. Actuellement, l’ensemble des adhérents du PG est uni par un triple refus du capitalisme financier transnational, de l’UMP MEDEF, de la dérive social libérale de la gauche et un triple projet politique (unité de la gauche de transformation sociale, perspective programmatique majoritaire, république sociale). Au hasard des interventions prononcées lors du congrès de fondation comme lors du remue méninges de Clermont, six grandes trajectoires militantes m’ont cependant paru cohabiter au sein du PG :
* des militants d’origine "républicaine" détectables par leurs interventions
* un courant socialiste jauressien particulièrement venu de la gauche du PS
* des militants issus de la deuxième gauche radicale se référant aux courants gauche du PSU et assez proches des Alternatifs,
* des militants aux références marxisantes et jauressiennes issus du PC ou d’un syndicalisme porteur du même type de formation.
* des militants aux références marxisantes issus de l’extrême gauche des années 68 ou d’après, passés en particulier par des organisations trotskistes
* enfin des écologistes venus essentiellement de la gauche des Verts (localement et nationalement).
Je soutiens à fond l’objectif de construire un parti creuset fondant ses six origines militantes. Cristalliser des "courants" aujourd’hui ne présenterait aucun intérêt, serait même dangereux ; d’autant plus que, par exemple, la conclusion du remue méninges de Clermont par Jean-Luc Mélenchon a paru faire l’unanimité.
Il faudrait réfléchir à une façon de débattre plus sereine, plus approfondie, plus précise dans des commissions, des sortes de tables rondes, sans éliminer les assemblées plénières du type remue-méninges de Clermont.
Ceci dit, la fusion de traditions militantes et théoriques différentes se réussira ou ne réussira pas au feu du combat politique quotidien. Sans directions nationale, régionales et départementales cela ne peut réussir.
Jacques Serieys
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