Gauche de Gauche : brouilles et brouillard (par Velveth, Mediapart)

samedi 19 décembre 2009.
 

Il y a dix-huit mois, mon premier billet sur mon blog de Médiapart s’aventurait à « débrouiller » l’arc de forces, atomisées, tentant d’ébaucher une recomposition politique, à la gauche du PS, à partir du « non de gauche », européen, de mai 2005. Décembre 2009 : où en est cette gauche cimentée, alors, par le seul refus d’une Europe cédant au « tout libéral » que le traité de Lisbonne a entériné, cette semaine, contre la volonté populaire.

Retour sur l’ébullition en cours au cœur de la gauche de gauche qui l’ont vue multiplier ses « rencontres unitaires » en vue des « régionales ». A priori, en vain.

La douche froide de 2007

Sous la poussée de centaines de comités unitaires créés pour porter le « non au TCE », une longue phase de débats réunit toutes les formations politiques se situant « à la gauche du social-libéralisme », qualificatif dont est définitivement agrémenté le PS voire ses alliés.

Censés aboutir à une candidature unitaire commune pour l’élection présidentielle de 2007, des groupes de travail, pluralistes, avancent des propositions programmatiques anti-libérales ratifiées lors de réunions nationales auxquelles sont conviés des délégués des collectifs unitaires. Chaude ambiance, avancées majeures, synthèses de couloirs, engueulades, votes, consensus à l’arraché. Coups fourrés. Rupture.

Olivier Besancenot, Marie-George Buffet et José Bové, tous plus « unitaires » les uns que les autres, se lancèrent séparément dans « la course présidentielle »…

Seul Besancenot, avec 1.5 million de suffrages, s’en tira sans trop de dégât.

La guerre des trois se met en quatre

* La direction du PC, sonnée par l’inconcevable score de sa candidate, entre dans un nouveau cycle d’introspection sous les vives critiques d’un contingent limité de ses membres se revendiquant « communistes unitaires » et l’exaspération des rangs, bien fournis, des nostalgiques d’un PC à l’ancienne dont André Gérin, maire de Vénissieux, se fait volontiers le porte-parole. A de rares exceptions près, toutes ces « tendances » (le terme est tabou au PCF) se retrouvent néanmoins pour s’allier, sans moufter, avec le PS au premier ou au deuxième tour selon les régions. Objectif de ce « petit monde » : conserver au maximum le capital d’élus communistes ou apparentés.

* La « sortie spectaculaire » de Jean-Luc Mélenchon du PS pour créer le PG (Parti de Gauche) en l’associant, de suite, au PCF sous l’appellation électorale de Front de Gauche (1), permit, au grand soulagement de la direction communiste de reproduire son score de 2004 lors du scrutin européen. Merci Mélenchon !

* Quelques dizaines d’ex-LCR dont un ancien dirigeant, Christian Picquet, ont rejoint cet attelage sous le nom de Gauche Unitaire (GU) en se disjoignant du NPA lors de son congrès de fondation

* La LCR, quant à elle, stimulée par l’honorable résultat obtenu par Olivier Besancenot en 2007 et le capital de sympathie dont le facteur jouit dans l’opinion, avait rondement lancé l’idée d’une auto-dissolution dont le fantasme la travaillait depuis longtemps. Objectif : sortir de la marginalité en créant un parti-mouvement qui, sans renier son histoire, ouvrirait les pages inédites d’un « éco-socialisme du XXIème siècle ».

Depuis février 2009, plus de 500 comités NPA (Nouveau Parti Anticapitaliste ) se sont donc substitués aux sections de feue « la Ligue » sans réussir à s’extraire franchement de son image élitiste ni, d’ailleurs, franchir la barre symbolique des 10 000 militants. Le pari d’un mouvement large et puissant est loin d’être gagné et les débats internes, avec certains raidissements, peuvent réserver des surprises y compris quant aux résultats de la consultation militante organisée en vue des « régionales »…

* Reste ce qui reste des collectifs antilibéraux, orphelins de la campagne (désastreuse) menée par José Bové, préempté, depuis, par la galaxie d’Europe Ecologie. Sont-ils 50 ou 100 collectifs sous la houlette d’une « fédération »(1) dont les Alternatifs, petite organisation « verte et rouge », assure la colonne vertébrale ? Nul ne le sait vraiment y compris les membres d’une structure vaporeuse de laquelle ressortent les noms de Clémentine Autain et…de Patrick Braouezec qui a toujours un pied au PC et un pied dans ce type « d’assemblage ».

Nombreuses sont les chapelles y trouvant place mais bien limité est le nombre de militants.

Si tenté que l’on puisse y ranger le PCF, la gauche de gauche est donc éparpillée en petites « familles « (2) plus nombreuses encore qu’auparavant donnant à voir des stratégies radicalement divergentes entre le pôle NPA et celui du tandem PC - PG.

Un nouveau panorama avec Europe Ecologie à l’affût

Cette dissémination ne permet évidemment pas, sauf sursaut unitaire, de disputer l’hégémonie du PS sur la gauche. D’autant qu’Europe Ecologie (rejoint par des personnalités en provenance de la gauche comme de la droite et, parfois, animé par des militants expérimentés venant de la LCR des seventies) draine médias et électeurs potentiels soucieux d’en finir avec la domination d’un PS exaspérant de par ses démêlés internes et sa léthargie.

Les prochaines élections régionales ont donc donné lieu, sur initiative du NPA, à de nombreuses et longues réunions « unitaires » entre ces « partenaires » auxquels se sont joints, entre autres mouvements, les Objecteurs de croissance (OC) et le Forum Social des Quartiers Populaires (FSQP). Délégations du NPA et du PCF – rejoint notamment par le PG voire par d’autres acteurs – se sont opposés, dès le début des discussions, tant sur les questions programmatiques que sur le point clé de la participation aux exécutifs régionaux quand ils sont dominés par le PS et ses alliés d’EE voire…du MoDem.

Sauf rebondissement bien improbable (3), ces « négociations » nationales sont closes et seuls, des accords régionaux peuvent encore sauver la gauche de gauche du ridicule.

L’enjeu dépasse le prochain scrutin

Face à une droite extrême, autoritaire et sécuritaire, néo-libérale et xénophobe, les divergences – respectables en elles-mêmes – auraient dû être levées. PCF comme NPA portent une extrême responsabilité partagée.

Les « échappées belles » du PS et d’EE vers le centre-droit offrent pourtant un ample espace pour une gauche de gauche où cohabitent contestation de l’ordre établi et propositions programmatiques qui rompent avec l’incantation.

La radicalité peut-elle s’illustrer autant dans la proposition que dans la dénonciation ? Eternelle question posée, au premier chef, au NPA.

La radicalité peut-elle s’inscrire dans les sempiternels compromis avec une gauche et des écologistes soumis aux lois de la marchandisation capitaliste ? Interrogation transmise, en premier lieu, au PCF et à son allié, le PG.

NOTES

(1) Fédération pour une Alternative Sociale et Ecologique (FASE)

(2) Lutte Ouvrière et le POI (Parti Ouvrier Internationaliste, anciennement Parti des Travailleurs), tout comme les organisations libertaires, ont été volontairement écartés de ce « tableau ». Ils jouent un rôle marginal et, d’ailleurs, ne souhaitent pas être mêlés à quelconque recomposition politique.

(3) A cette heure, il est impossible de dire quels seront les résultats de la consultation militante au sein du NPA sur la base de trois textes. Il semble, au vu des premiers résultats, que la volonté unitaire de la base contrarie l’actuelle majorité de l’exécutif du NPA. A suivre.

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