3 décembre 1984 : Bhopal, la plus grande catastrophe chimique de l’histoire humaine

mardi 12 décembre 2023.
 

- 1) 3 décembre 2004 : les faits

- 2) Union Carbide Corporation : multinationale typique (mépris de la sécurité, licenciements, achat d’élus, irresponsabilité pénale...)

- 3)Dans la "mondialisation capitaliste", seul le critère du profit compte

- 4) 20 ans après

- 5) 25 ans après (L’Humanité)

- 6) 30 ans après... Crimes sans châtiment (Le Monde)

1) 3 décembre 2004 : les faits

La réduction des coûts salariaux à leur minimum explique les effectifs trop réduits cette nuit-là de même que la formation insuffisante du personnel présent aux risques chimiques. Lors d’une opération de lavage, une valve reste ouverte en dépit des consignes de sécurité. Durant plusieurs heures, 1000 mètres cubes d’eau se déversent dans un réservoir dont le couvercle de béton explose sous une pression devenue trop forte.

La valve de sécurité saute alors permettant à un énorme nuage empoisonné (particulièrement à l’isocyanate de méthyle), comprenant de milliers des tonnes de pesticides, des solvants, des catalyseurs chimiques et des sous-produits, de se répandre sur 25 kilomètres carrés comprenant la ville même de Bhopal (800000 habitants), au centre de l’Inde.

Plusieurs milliers de personnes perdent la vie par suffocation en quelques heures ce 3 décembre 2004. Ceux qui tentent de fuir en courant s’effondrent au bout de quelques mètres, succombant aux inhalations de gaz toxique. D’autres, qui espèrent survivre en se recouvrant le visage d’un mouchoir humide, meurent aussi asphyxiés. Il faudra des jours aux militaires pour ramasser les milliers de corps dans les rues, les chambres à coucher, les trains qui passaient par Bhopal cette nuit-là.

Bilan de la tragédie : 3500 morts dès la première nuit, 7575 bientôt selon les chiffres officiels du gouvernement indien (1995), et près de 25 000 au total selon les associations de défense des victimes. Environ 800 000 personnes ont été atteintes d’une manière ou d’une autre par cet accident ; aussi, les malformations natales et cancers continuent leurs ravages.

Même si, comme souvent, une erreur humaine est à l’origine de la catastrophe, tous les ingrédients étaient réunis pour que celle-ci survienne : collusion d’intérêts, primauté des critères financiers sur la sécurité, mépris des population riveraines, infrastructures défaillantes, personnel peu ou non formé.

2) Union Carbide Corporation : multinationale typique (mépris de la sécurité, personnel réduit au minimum, achat d’élus, irresponsabilité pénale)

L’usine chimique de Bhopal produisant des pesticides appartenait à l’Union Carbide Corporation (UCC), une société américaine.

Dès 1978, elle fait parler d’elle car on y signale des accidents et un immense incendie. Entre 1981 et 1983, 5 importantes fuites de gaz provoqueront 1 mort, 47 blessés et 670 000 dollars de dommages. En 1982, une inspection détaillée fait apparaître 10 déficiences sérieuses dans le système de sécurité de l’usine (2) entraînant plusieurs fermetures temporaires. Mais tout cela est passé sous silence en raison des relations étroites entre l’entreprise et les politiciens locaux. Outre les prébendes et réceptions somptueuses dont bénéficie l’establishment local, on note que l’avocat de l’usine est un ancien responsable du Parti du Congrès d’Indira Gandhi, que le contrat de surveillance et de protection est revenu à l’ancien chef local de la police ou que l’un des neveux de l’ancien ministre de l’éducation est responsable des relations publiques.

A partir de 1982, l’usine devient largement déficitaire. Sa situation comptable réelle n’a jamais été établie ; il est vrai que ses produits se vendaient moins ; il est vrai aussi que la société mère UCC facturait des biens et services bien au-delà de leur valeur réelle, le bilan financier déficitaire annuel permettant de sous-évaluer le montant des impôts.

Afin de rééquilibrer les comptes, la société va donc réduire les charges de personnel et licencier progressivement une bonne partie du personnel qualifié pour le remplacer par du personnel moins qualifié ou carrément réduire les effectifs. L’usine fonctionne donc en permanence avec des effectifs réduits.

Les emplois qui nécessitaient une formation universitaire et de l’expérience sont déclassés. Seules les personnes ayant un niveau secondaire avec peu ou pas d’expérience sont engagées. L’effectif global passe ainsi de 1500 à 950 employés et le nombre des opérateurs de garde de 12 à 6.

L’usine fonctionne donc mal, ce qui va avoir une incidence majeure et transformer un accident en catastrophe. En effet, lorsque que les employés constatent la fuite, ceux-ci n’y portent pas attention car cela est courant. Lorsqu’ils constatent que les appareils de contrôle indiquent des problèmes, ils ne réagissent pas, car ils ont l’habitude de travailler avec du matériel de mauvaise qualité. De même quand les riverains entendent les alarmes, ils ne prennent pas de précautions particulières, car ils ont l’habitude de vivre avec de telles alertes. Les autorités locales seront prévenues très tardivement car on ne les implique pas pour de petits problèmes de fonctionnement et parce que les lignes téléphoniques de l’usine fonctionnent mal.

Dans ces conditions, les secours auront bien du mal à se mettre en place et à se montrer efficaces. D’autant qu’aucune grande voie d’accès n’existe, ce qui rend impossible toute évacuation rapide. Les riverains ne disposent d’aucune information relative aux risques encourues et aux dispositions à prendre en cas d’accident. Le fait de mettre un simple linge mouillé sur la figure aurait pourtant limité le nombre de victimes. Les médecins locaux eux-mêmes ignorent tout des dangers des produits fabriqués et ne savent pas comment traiter les effets des toxiques. (Philippe Lalik Attac 45)

3)Dans la "mondialisation capitaliste", seul le critère du profit compte

La multinationale UCC bénéficie de nombreuses complicités pour que son PDG puisse tranquillement continuer à vivre aux Etats Unis ( refus de son extradition vers l’Inde pour le procès). Comme d’habitude, les actionnaires bénéficient du système pour privatiser les gains et étatiser les pertes. Ainsi, l’accident de l’usine de Bhopal ne coûte que 0,45 dollar (3 euros) par action.

La compagnie chimique DOW, a fusionné avec Union Carbide en février 2001, acquérant ainsi son actif et son passif. Pourtant, elle refuse de reconnaître ses responsabilités pour le désastre qui continue. Dow Chemical a fermement refusé de nettoyer le site et même de divulguer la composition de la fuite de gaz, information que les docteurs pourraient utiliser pour correctement traiter les victimes.

La petite indemnité versée au gouvernement indien n’a guère servi pour les victimes elles-mêmes.

La mousson continue chaque année à délabrer l’usine. Les produits toxiques suintent en bas par le sol sablonneux et pénètrent dans les puits et les canaux. Cela entraîne inexorablement de nouveaux problèmes de santé incluant la cécité, la difficulté extrême de respirer, des troubles gynécologiques. Le site n’a jamais été correctement nettoyé et il continue à empoisonner les résidents de Bhopal. L’eau souterraine locale et le test d’eau de puits ont révélé un taux de mercure entre 20,000 et 6 millions de fois supérieur à ceux attendus. Le cancer, des lésions cérébrales et des produits chimiques entraînant "le défaut de naissance" ont été trouvés dans l’eau ; il a été prouvé en particulier que le trichloroethene, produit chimique présent suite à la catastrophe à un niveau 50 fois supérieur à la norme maximum indienne, détériore le développement foetal.

En 2002, un rapport a révélé des poisons comme le trichlorobenzene, le dichloromethane, le chloroforme, le plomb et le mercure dans le lait maternel de femmes qui allaitent.

4) Vingt ans après

Vingt ans après, la population de Bhopal souffre toujours. Ce sont plus de 120 000 personnes qui souffrent de maladies chroniques dues à l’explosion. Difficultés respiratoires, tous persistantes, vue affaiblie, cataracte à un jeune âge, perte d’appétit, irrégularités dans les cycles menstruels, fièvres récurrentes, douleurs dans le dos et dans le corps, perte de sensations des membres, fatigues, insomnies, anxiété et dépression sont les symptômes les plus communs parmi les survivants. Aucun document ne relate l’alarmante augmentation de cancers, de tuberculose, de problèmes liés au système reproductif et autres problèmes comme le retard de croissance des enfants nés après le désastre. Plus de 10 personnes meurent chaque mois de maladies liées à l’exposition aux gaz. De plus, environ 20 000 personnes habitant tout près de l’usine abandonnée sont forcés de boire l’eau contaminée par du mercure et autres substances chimiques cancérigènes car des milliers de tonnes de produits chimiques ont été abandonnées tel quel dans l’usine, s’infiltrant dans les nappes phréatiques.

5) Bhopal tue encore 25 ans après

http://www.humanite.fr/Bophal-tue-e...

« L’Union Carbide a volé nos vies, décimé nos familles, brisé notre avenir. Nous sommes à jamais marqués. » À dix-huit ans, Pradeeb ressemble à un tout jeune adolescent. Il n’était pas né lors de la nuit d’horreur, il y a vingt-cinq ans, mais elle lui colle à la peau. Il la vit et revit tous les jours à travers les siens et ses voisins. Sa mère est morte lorsqu’il était enfant. « Leurs souffrances quotidiennes sont un rappel constant de ce que fut la plus grande catastrophe industrielle qui ait frappé les plus pauvres de Bhopal », lance-t-il avec colère. Une rue sépare le site de l’usine de l’Union Carbide au bidonville de Jaya Prakash Nadar. La torchère meurtrière est toujours en place sur le terrain en friche. C’est de là que, dans la nuit du 2 au 3décembre 1984, un peu après minuit, s’est échappé le gaz toxique. De l’isocyanate de méthyle (le MIC, à base de phosgène, le fameux gaz moutarde), qui s’échappe du réservoir E610 de l’usine où sont produits deux pesticides, le Temik et le Sevin. De l’eau a pénétré dans la cuve et provoque une réaction chimique. Des systèmes de sécurité supposés prévenir tout désastre, pas un ne fonctionne. À cause d’un plan d’économie drastique, ils sont soit défaillants, soit en réparation. Quarante-deux tonnes de MIC se répandent alors dans la cité, une quantité deux fois supérieure au stockage maximal autorisé. Karnalata, la grand-mère de Pradeeb, frissonne encore à l’évocation des heures qui suivent. « On a entendu des cris, mes yeux me brûlaient, mes poumons me faisaient atrocement mal. Nous sommes sortis dans la rue, projetés dans un épais brouillard. On ne voyait rien, les gens couraient dans tous les sens, en vomissant. » La famille se perd. Karnalata se retrouve seule avec trois de ses six enfants. Ce sont les petits qui tombent en premier, les gaz sont plus toxiques au ras du sol. Son fils de sept ans est parmi les victimes. « Quand nous sommes revenus le lendemain, les rues étaient pleines de corps. » « Au moins 8 000 personnes sont mortes dans les premières soixante-douze heures et plus de 25 000 sont décédées jusqu’à aujourd’hui des suites de maladies liées à l’exposition au gaz », estime Satinath Sarangi, responsable de l’organisation non gouvernementale (ONG) Sambhavna Trust. « Quelque 572  000 personnes ont été exposées au gaz cette nuit-là, chacune d’entre elles a au moins perdu un parent, un ami, un voisin. »

Dans les bidonvilles de Jaya Prakash Nadar et un peu plus au nord, ceux d’Arif Najar, les témoignages s’enchaînent sur les vies abîmées, fauchées  : Zeinab, quatorze ans, a perdu sa mère d’un cancer le mois dernier, le mari et deux des enfants de Keniza, quarante-six ans, ont succombé lors de la nuit fatale. Ceux qui ont survécu sont atteints de cancer, de troubles respiratoires, de douleurs dans les articulations, de migraines, de vue défaillante, de dépression. « Ce sont des gens extrêmement pauvres pour l’immense majorité, explique Satna Karnik, du Comité de soutien à la lutte des victimes du gaz de Bhopal, et leur état de santé ne leur permet pas de travailler régulièrement. Beaucoup d’entre eux sont conducteurs de rickshaw et ne peuvent assurer les besoins de leur famille. » Et les indemnités n’ont pas été au rendez-vous. Coupable, l’Union Carbide s’est délestée de 470 petits millions de dollars pour solde de tout compte avec la complicité du gouvernement indien. À l’origine, les indemnisations demandées dépassaient les 3milliards de dollars. En 1989, à l’insu des plaignants de Bhopal, les parties ont transigé. Ce jugement dégageait la multinationale de toute responsabilité civile ou pénale concernant la fuite. En 1991, après le dépôt par les survivants de Bhopal de requêtes demandant une révision du jugement, la Cour suprême indienne a finalement rouvert les poursuites pénales contre la multinationale et ses représentants. Pour toutes indemnités de leurs souffrances et de la perte de leurs proches, les survivants ont touché entre 500 et 2 000dollars. Et encore pas tous. Nombreux sont ceux, parmi les plus déshérités, qui, à l’époque, n’ont même pas pu faire valoir leurs droits faute de savoir qu’ils en avaient. Le rachat de l’Union Carbide par le géant de l’industrie chimique américaine Dow Cheminal, l’un des trusts impliqués dans la fabrication de l’agent orange qui a dévasté le Sud-Vietnam durant la guerre, est un nouveau coup dur pour les victimes. « Résultat d’une bataille fantoche, tranche M. Sattynah Sarangi, qui n’hésite pas à parler ouvertement de corruption.

Etat complice des multinationales

Les victimes ont ressenti l’accord de 1989 comme une trahison, et ont considéré l’État indien comme complice des multinationales. La firme a promis de gros investissements en Inde à condition qu’il n’y ait aucun problème à Bhopal. » C’est pourtant devant les bureaux de Dow Cheminal, à Delhi, que se terminent les marches organisées depuis Bhopal. « Nous réclamons justice parce que Dow doit encore nettoyer le site et nous dédommager des années de souffrance », dit tout simplement Hazra Bi, l’un des organisateurs de la manifestation. Depuis vingt ans, l’épave de l’entreprise n’est qu’une grande poubelle, rouillée. Des sacs et des bidons éventrés à même le sol, tandis que des bacs à ciel ouvert portent la mention « Sevin Residue ». En 2004, la deuxième cour d’appel de New York a émis une décision favorable aux victimes de Bhopal, dans le cadre de leur action groupée en justice, les déclarant juridiquement habilitées à poursuivre Union Carbide pour le nettoyage et la réhabilitation environnementale des propriétés contaminées hors du site de l’usine. Deux ans plus tard, le premier ministre, Manmohan Singh, s’est engagé personnellement à verser les compensations et à assainir sol et eau. Toujours rien. À la clinique Sambhavna, que l’on trouve au fond d’un lacis de ruelles où courent enfants et chèvres, 150 personnes viennent quotidiennement se faire soigner. « Nous avons les habitués, mais tous les jours arrivent des nouveaux patients », constate Sattinah Sarangi, qui gère aussi l’établissement. « Les hôpitaux destinés à accueillir les victimes du gaz gratuitement n’ont pas de protocole de traitement permettant des prescriptions méthodiques, adaptées à des symptômes multiples et complexes.

L’Union Carbide a toujours refusé de rendre publiques des informations essentielles sur la nature du gaz sous prétexte de “secret commercial”. Le gouvernement a arrêté, en 1994, toutes ses recherches sur ses effets alors qu’il aurait été essentiel d’observer, sur le long terme, l’évolution des cancers ou celle des enfants exposés au gaz. Ce qui fait que tous les patients reçoivent le même traitement quelle que soit leur pathologie », regrette-t-il. Et ces recherches s’avèrent d’autant plus urgentes qu’une deuxième génération de victimes voit le jour dans les bidonvilles de Bhopal. Au Centre de réinsertion pour enfants handicapés créé par des femmes survivantes de la tragédie, Tarun Thomas, son directeur, nous dit ses inquiétudes à l’aide de la mini-exposition de photos de petits atteints des plus terribles déformations, rappelant étrangement les victimes de la troisième génération de l’agent orange au Vietnam  : malformations des membres, becs de lièvre, retards mentaux.

Comment expliquer ces naissances  ? Pour Tarun Thomas, la chose est entendue. « Ce sont soit des enfants de personnes ayant été directement exposées au gaz, soit leurs parents ont absorbé de l’eau contaminée, via le sol gorgé encore de produits chimiques. Nous prenons en charge les enfants de moins de douze ans. Nous en suivons 300 pour notre seule organisation, dont 60 sont lourdement affectés et hospitalisés. Mais, au total, ce sont des milliers d’enfants qui sont touchés », estime-t-il. Comme le reconnaît le Dr Ganesh, de l’hôpital Nehru de Bhopal  : « Les recherches ont démontré que 53% des victimes du gaz souffrent de dérèglement chromosomique, le taux est d’environ 10% pour le reste de la population. » Vingt-cinq ans après la catastrophe, les tragédies s’imbriquent et le cauchemar est sans fin. « L’usine a empoisonné le sol, des métaux lourds ont été décelés dans l’eau  : zinc, cuivre, plomb, nickel, mercure, parfois à un niveau jusqu’à six millions de fois supérieur à la présence naturelle de ces éléments dans les sols. Ces métaux lourds ont aussi été retrouvés dans le lait maternel », reprend Rachna Dhingra, une des responsables de la Campagne internationale pour la justice à Bhopal (ICJB), qui regroupe des ONG indiennes et internationales. « Vingt mille personnes sont exposées à l’eau empoisonnée. En 2004, la Cour suprême indienne a décrété qu’il fallait immédiatement les approvisionner en eau potable. Des réservoirs de 1 000 litres ont bien été installés le long des quartiers touchés, mais la logistique ne suit pas. Plus de 800 000 litres manquent chaque mois pour satisfaire les besoins fondamentaux des quartiers exposés. »

Pourtant, pour marquer l’anniversaire de l’accident, les autorités avaient annoncé qu’elles ouvriraient le site au public, assurant ainsi qu’il n’y a aucun danger, comme l’a prétendu, en septembre, le ministre de l’Environnement. Jairem Rameh a affirmé que les déchets dans l’usine et sur tout le site n’étaient pas contaminés. Face au tollé d’indignation suscité, le gouvernement a décidé de laisser le site fermé. « Ce n’est pas à Hiroshima, c’est à Bhopal, nous voulons survivre. Ceci est dédié aux morts, aux martyrs de la multinationale Union Carbide », peut-on lire sur le bâtiment du souvenir, face à l’entrée de l’usine maudite. Pradeeb est venu avec ses amis du même âge pour les commémorations. « Nous sommes amers. On a l’impression de ne pas être des êtres humains à leurs yeux. Mais nous les jeunes nous n’en resterons pas là. »

Dominique Bari

Sur le site INA.fr, retour sur la catastrophe

6) 30 ans après... Crimes sans châtiments (Le Monde)

Quand s’arrêtera la tragédie de Bhopal ? Trente ans après la fuite de gaz meurtrière de l’usine de pesticides d’Union Carbide, la pire catastrophe industrielle de l’Histoire continue de faire des victimes. Devant ce désastre sans fin, les autorités indiennes et le géant américain Dow Chemical, l’acquéreur d’Union Carbide, sont accusés de fuir leurs responsabilités.

Dans la nuit du 2 au 3 décembre 1984, plusieurs milliers d’habitants perdent la vie en quelques heures, dans la capitale de l’Etat du Madhya Pradesh, dans le centrede l’Inde. Ceux qui tentent de fuir en courant s’effondrent au bout de quelques mètres, succombant aux inhalations de gaz toxique. D’autres, qui espèrentsurvivre en se recouvrant le visage d’un mouchoir humide, meurent aussi asphyxiés. Il faudra des jours aux militaires pour ramasser les milliers de corps dans les rues, les chambres à coucher, les trains qui passaient par Bhopal cette nuit-là.

Bilan de la tragédie : 5 295 morts selon les chiffres officiels du gouvernement indien, et près de 25 000 au total selon les associations de défense des victimes. Les oubliés du décompte officiel sont nombreux, comme ces survivants qui claudiquent encore dans les ruelles du bidonville longeant l’usine, incapables detravailler à cause de leur souffle court, de leur système nerveux rongé par la maladie, ou du cancer.

Bombe à retardement

La tragédie de Bhopal, ce sont aussi ces enfants qui, chaque jour, naissent malformés et passeront leur courte vie assis au coin d’une pièce, sans suivi médical, et sans jamais aller à l’école. C’est enfin l’inaction des autorités indiennes, l’impuissance de la justice, et enfin l’apathie du géant chimique américain Dow Chemical, qui décida de fusionner avec Union Carbide en 1999.

Trente ans après l’accident de Bhopal, l’usine reste une bombe à retardement et les mêmes questions lancinantes reviennent : combien faudra-t-il de morts pour que le site contaminé soit enfin nettoyé ? Combien de manifestations, de boycottages, d’articles dans la presse, de procès faudra-t-il pour que les victimes de Bhopal obtiennent enfin justice ?

Extrait d’article du Monde - Decembre 2014


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