L’Education en question (site national Parti de Gauche)

mercredi 16 septembre 2009.
 

Il n’est pas un seul ministre de l’éducation qui n’ait attaché son nom à une (ou plusieurs) réforme (s) de notre système éducatif, et ce depuis une cinquantaine d’années. Sans détailler ces réformes, (ni énumérer les ministres responsables), il nous faut bien comprendre à quelles logiques elles correspondent, et en quoi elles dépassent largement notre cadre national, en quoi elles ont un lien direct avec la construction de l’Europe libérale que nous voulons changer.

La première réforme de mise en système, en France, date de 1959. Cette réforme a été présentée comme la grande réforme de démocratisation de notre éducation : prolongation de la scolarisation obligatoire, pour tous les jeunes jusqu’à 16 ans ; bases du « collège unique », du « collège pour tous ». En fait, elle ne faisait que répondre à une exigence du CNPF (ancêtre de l’actuel MEDEF), à une demande économique, à une théorie très en vogue à cette époque (« Théorie du capital humain »), et s’inscrivait dans le cadre d’une vague de réformes des systèmes éducatifs à l’échelle européenne.

Ainsi, entre 1958 et 1964, huit pays européens ont profondément modifié leur paysage scolaire : l’Autriche, le Danemark, la France, la Grèce, l’Italie, la Norvège, les Pays-Bas, la Suède (par ordre chronologique). Toutes ces réformes avaient en commun, la réponse à des besoins économiques, la planification, la hâte de leur élaboration conduisant à des remaniements successifs, le rejet par les familles, les corporations enseignantes, les structures locales. La logique qui a piloté toutes les réformes subies depuis 1959 chez nous, et 1958 à l’échelle européenne, quoi qu’il en ait été dit, a consisté à mettre les systèmes scolaires en conformité avec les exigences patronales. L’exemple le plus caractéristique, en France, est la primauté accordée aux mathématiques et disciplines scientifiques (Séries, C, puis S du baccalauréat, séries techniques) aux dépens des humanités. « ON » voulait des ingénieurs, des techniciens, des cadres scientifiques, des banquiers, des économistes, c’était à l’éducation de les fournir, à moindres frais ! Ce qui se produit actuellement, c’est simplement un passage à la vitesse supérieure, dans cette même logique :

Nous devons noter que depuis mars 2003, notre éducation n’est plus nationale (décret n° 2003- 181), X. Darcos n’est plus un ministre d’État, mais seulement « le ministre chargé de l’éducation », qu’il n’existe plus de « direction des lycées et collèges », mais une « direction compétente pour les programmes de l’enseignement professionnel et technologique » (article 3 du même décret). Nous devons signaler que X. Darcos , qui gravitait déjà dans les cercles ministériels depuis 1992, a été chargé par N. Sarkozy de « faire évoluer son ministère », de « faire sauter un certain nombre de carcans », de modifier tout ce qui « fige le système : carte scolaire, zonage », en particulier.

Comment comprendre les évolutions demandées par le chef de l’Etat ? C’est très simple, c’est la réponse aux injonctions de l’OMC, l’OCDE, l’ERT, des AGCS, du FMI, et même de l’UNESCO. C’est la réponse aux exigences de l’Europe libérale que nous refusons ! En effet, les ordres mondiaux et européens consistent à démanteler les services publics d’éducation (entre autres, bien sûr !) afin de faire d’énormes bénéfices (« progression à deux chiffres »annoncés !). Dans leur optique, il ne faudra « investir prioritairement que dans l’éducation de base », « livrer les secteurs secondaires et universitaires aux industriels de l’éducation », « encourager le recours au privé », « consentir à des prêts pour les pays disposés à adopter (...) un cadre législatif et réglementaire où le secteur privé interviendra davantage au niveau de l’enseignement et du financement », « n’intervenir que si ces pays ont su réformer les systèmes éducatifs directement dirigés par des administrations centrales ou d’État » (...) « lesquelles laissent peu de marges de manœuvre ».

Dans leur optique, toujours, « l’éducation publique doit être considérée comme un service rendu au monde économique », et « il convient de la ramener à la portion congrue ». (Groupe de travail de l’OMC 1995). Désormais, nous comprenons mieux que X. Darcos n’ait plus le titre de « ministre de l’éducation nationale », qu’il n’y ait par conséquent plus d’éducation nationale ! Nous comprenons mieux les lois de décentralisation. Nous comprenons mieux les réformes en cours et la logique qui est à l’œuvre ! Nous sommes immergés totalement dans la logique libérale, y compris pour une question aussi fondamentale que celle de l’éducation !

Cette logique libérale si bien exprimée dans le processus de Bologne (1999), si bien développée dans la stratégie de Lisbonne (C. Eur. 2000) et qui a mis au point un projet d’harmonisation des systèmes éducatifs européens : plus question de valeurs partagées, mais plutôt globalisation, c’est-à-dire nivellement par le bas, c’est-à-dire suppression des règlements, c’est-à-dire conception libérale, marchande, individualiste, « confessionnalisée », ségrégative... de l’éducation ! Or, comme « l’éducation est le moyen le plus efficace dont dispose une société pour former ses membres à son image » (M. Halbwachs), si nous laissons à cette Europe libérale le soin de former notre jeunesse, dans le contexte de crise majeure que nous traversons, nous avons toutes les raisons du monde de nous inquiéter.

Quelle image peuvent avoir des technocrates seulement occupés par des questions de rentabilité ? Quelle vision humaniste peuvent-ils avoir ? Quel homme (ou quelle femme) pour le futur ? S’investir dans cette campagne, élire des députés européens porteurs de nos espérances, c’est sauver notre école (au sens générique) publique, laïque, gratuite, républicaine, c’est faire que tous nos jeunes soient formés conformément à nos valeurs, à notre histoire, soient dotés de connaissances à caractère universel, dotés d’un esprit critique suffisant pour ne pas devenir les esclaves de demain ! Ce à quoi s’engagent les futurs élus du Parti de Gauche et Front de Gauche, c’est à faire en sorte que ces directives européennes n’oblitèrent plus la qualité de notre enseignement, c’est à faire en sorte que notre école ne tombe pas entre les mains de tous les rapaces qui tentent de la dépecer, mais qu’elle reste bien un service public conforme à notre idéal !

Anny SIRE-RICHARD


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