La cour d’appel de Paris examine une plainte contre X pour « mise en danger de la vie d’autrui et administration de substance dangereuse », déposée par Harry Durimel.
Où le chlordécone délayé dans les sols antillais remonte à la surface par des voies judiciaires.
La cour d’appel de Paris doit se pencher sur la plainte pour « mise en danger de la vie d’autrui et administration de substance dangereuse », rédigée par Harry Durimel, avocat et député Verts de Guadeloupe, afin de déterminer si elle est recevable ou pas. Le débat sera procédural - une histoire de pièce manquante au dossier (lire ci-après). Mais de ses conclusions dépendra l’ouverture, par le pôle santé du tribunal de grande instance de Paris, d’un procès dont les conclusions pourraient, le cas échéant, confirmer un nouveau scandale sanitaire. À savoir, l’empoisonnement des sols antillais par des pesticides dont la toxicité pour l’homme était connue des autorités françaises.
À quand faire remonter le début de l’histoire ?
Mettons, à 1981. Cette année-là, le ministère français chargé de l’Agriculture accorde l’autorisation de mise sur le marché du Curlone, pesticide contenant 5 % de chlordécone, molécule particulièrement efficace contre le charançon. Découverte en 1952, celle-ci est développée par les États-Unis, qui en fabriqueront 1 600 tonnes au cours des années soixante. Après que de graves troubles ont été décelés chez les ouvriers et les riverains de l’usine qui la fabrique, les États-Unis stoppent net sa production en 1976, soit cinq ans avant que la France n’autorise son exploitation.
En 1989, une commission d’étude de la toxicité des produits phytosanitaires recommande enfin son interdiction, laquelle tombera un an plus tard. En métropole, du moins. Car, aux Antilles, la molécule continuera d’être utilisée jusqu’en septembre 1993 dans les bananeraies, grâce à des dérogations successives.
En 1999, une étude met en évidence la pollution importante des sols, mais aussi des nappes d’eau par cet insecticide. Mais ce n’est qu’en 2002 que les pouvoirs publics commenceront à prendre la mesure du problème sanitaire. En 2005, enfin, une commission parlementaire reconnaît l’enchaînement des faits. Infestées, des exploitations piscicoles et agraires sont fermées, quand leur production est reconnue impropre à la consommation.
Le débat, depuis, porte sur les conséquences sanitaires de cette pollution, dont l’impact sur les populations n’a pas encore été reconnu. Classé cancérigène pour les animaux, le chlordécone n’est classé que « cancérigène possible » pour l’homme, pour qui il est néanmoins reconnu comme perturbateur endocrinien (hormonal). Aucune étude scientifique n’a, en outre, démontré fermement un lien direct entre des cancers dont on soupçonne qu’ils peuvent être induits par la molécule (tel celui de la prostate), et l’utilisation des pesticides dans les plantations. Les faisceaux de présomption convergent cependant pour incriminer le produit. Une étude, publiée pas plus tard que lundi et portant sur les cancers possiblement liés à la pollution des sols par les pesticides organochlorés (POC) en Martinique, conclut à une « association possible » entre une hausse de myélomes multiples (cancer des os) constatée dans l’île et les POC.
Précautionneuse, elle n’est néanmoins pas la première du genre. Surtout, il y a le nombre de cancers, qui n’a fait que croître en Martinique et en guadeloupe au cours des dix dernières années. La justice française acceptera-t-elle de se pencher sur le sujet ? À la cour d’appel d’en décider.
Marie-Noëlle Bertrand
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