Dissolution requise contre l’église de scientologie : « Une réelle avancée contre le fait sectaire en France »

lundi 29 juin 2009.
 

Scientologie . Spécialiste des dérives sectaires, le député Jean-Pierre Brard revient sur la demande de dissolution de la scientologie en France.

C’est une grande première dans la lutte contre les organisations sectaires. Lundi soir, le parquet a requis la dissolution des deux principales structures françaises de l’église de scientologie. Et ce, alors que trois ans auparavant, il avait au contraire réclamé un non-lieu général dans cette affaire. Il s’agit donc d’une avancée judiciaire importante : l’association spirituelle est directement visée alors qu’auparavant seules les personnes physiques avaient été mises en cause. Membre du conseil d’orientation de la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires, Jean-Pierre Brard analyse le réquisitoire surprise du parquet.

Cette décision marque- t-elle un tournant dans la lutte contre les sectes en France ?

Jean-Pierre Brard. Oui, c’est une réelle avancée. En effet, les magistrats ont pris conscience du fait sectaire en France. Dans le procès de la scientologie, ils ont réussi à faire abstraction du discours religieux. Ils ont compris qu’en touchant les seules personnes physiques, comme lors des procès de 1997 et 1999, cela n’était pas efficace. La secte, et notamment celle de la scientologie, est avant tout une structure de manipulation et d’appropriation d’argent. Une décision efficace doit toucher la structure même de l’église.

Quelles conséquences pourrait avoir la dissolution des deux structures principales de l’église, si celle-ci était effectivement approuvée ?

Jean-Pierre Brard. Si la dissolution est prononcée, cela porterait un coup terrible à l’église de scientologie et contribuerait à attirer l’attention des magistrats étrangers. Cependant, cela ne suffira pas à en venir à bout. Il existera toujours des personnes fragiles qui adhéreront aux sectes. Par contre, cette décision pourrait éclairer l’opinion sur le fond de commerce généré par la scientologie.

Qu’est-ce qui fait de la scientologie une secte ?

Jean-Pierre Brard. Il s’agit d’une organisation pyramidale, dirigée par un gourou. Elle prône la rupture avec la famille. Elle exerce donc une emprise malveillante pour les adeptes. De plus, elle a deux objectifs : le pouvoir et l’argent. L’argent pour accéder au pouvoir, et le pouvoir pour accéder à l’argent. C’est donc l’une des sectes les plus dangereuses, les plus efficaces et les plus âpres au gain. Elle recrute des personnes fragiles : en deuil, en instance de divorce… L’adhésion se fait avec un test personnel de deux cents questions. Si la personne est intéressante financièrement, la conclusion sera toujours la même : si vous payez, nous pourrons résoudre vos problèmes.

Pourquoi la scientologie a-t-elle le statut de religion aux États-Unis et de secte en France ?

Jean-Pierre Brard. Aux États-Unis, il n’existe pas de cloison étanche entre les croyances et les institutions publiques. Ainsi, la scientologie est reconnue comme une religion depuis 1973, au même titre que la religion catholique. En revanche, la France est un pays avant tout laïque et rationnel. Et fort heureusement, cela nous protège de l’introduction des croyances dans le champ public.

Entretien réalisé par Stéphanie Wiéle


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