Un salaire minimum européen à 60 % du salaire moyen ? Plutôt une bonne idée...

samedi 9 mai 2009.
 

La revendication, avancée notamment par le Pcf, d’un Smic européen à 60% du salaire moyen de chaque pays est plutôt une bonne idée. Elle l’est d’autant plus qu’il n’est pas simple de trouver des revendications « en positif » en matière de droits sociaux au niveau de l’Union européenne tant les écarts en la matière sont importants entre pays.

Voici ci-dessous quelques arguments en faveur de cette revendication avec aussi quelques précisions afin d’éviter certaines ambiguïtés.

1/ Une revendication pertinente

Compte tenu des écarts de richesse et de productivité entre pays de l’Union européenne, il n’est pas possible de demander un salaire minimum d’un montant identique pour tous les pays européens... à moins d’aboutir à un montant très inférieur au Smic français.

La formulation d’un salaire minimum égal à 60% du salaire moyen de chaque pays a le mérite à la fois de donner du « sens commun » (il y a bien un chiffre commun pour l’Union) tout en tenant compte des disparités. On pourrait envisager une formule alternative du type « en % du PIB par habitant », mais cela serait beaucoup moins lisible et apporterait concrètement peu.

En effet, à l’heure actuelle, le salaire minimum légal (le Smic en France), quand il existe, n’est supérieur à 60 % du salaire moyen dans aucun pays de l’Union européenne.

Certains pays ne sont pas très loin : aux alentours de 50% en France, au Luxembourg et à Malte ; d’autres en revanche sont très éloignés : 30 - 35% en Roumanie, Lituanie et Lettonie ; ou 35 - 40 % en Pologne, Hongrie, République Tchèque et Royaume-Uni.

La norme du 60% du salaire moyen se traduirait donc pas une hausse du salaire minimum dans tous les pays européens.

Cela contribuerait à la fois :

* à augmenter les bas salaires dans chaque pays ;

* à réduire les inégalités à l’intérieur de chaque pays ;

* à réduire quelque peu les pressions en faveur des délocalisations à l’intérieur de l’Union, puisque les pays de l’Europe centrale et orientale (PECO) comptent plutôt parmi ceux qui sont les plus éloignés de la norme.

Sur ce dernier point, il faut prendre la mesure des écarts de salaire minimum au sein de l’Union.

Selon les données Eurostat de juillet 2008 :

* l’écart du salaire minimum mensuels en euros allait de 1 à 14 avec trois pôles : entre 100€ et 350€ (Bulgarie et Roumanie à moins de 140€ ; puis les trois pays Baltes, Hongrie, Tchéquie et Pologne) ; entre 500 et 700 euros (Portugal, Slovénie, Malte, Grèce et Espagne) et plus de 1150 euros (Royaume-Uni, France, Belgique, Pays-Bas, Irlande et Luxembourg) ;

* exprimé en parité de pouvoir d’achats, les écarts sont certes moins élevés, mais vont néanmoins de 1 à 7 (avec toujours les mêmes groupes).

2/ La bonne formulation « Pour un salaire minimum européen égal au minimum à 60% du salaire moyen de chaque pays »

Seuls 20 des 27 pays de l’Union ont un salaire minimum légal national.

Sept pays n’en ont pas : Allemagne, Autriche, Chypre, Danemark, Finlande, Italie, Suède. Dans ces pays existent, en revanche, des dispositifs conventionnels négociés par branche d’activité.

En Autriche, par exemple, le salaire minimum négocié dans l’industrie est traditionnellement élevé (les écarts de salaire y sont plus faibles qu’en France). Dans certaines branches de l’industrie, il s’élève à plus de 80% du salaire moyen de la branche. Il en va de même en Suède.

Par précaution, il est donc sage de demander « un salaire minimum européen égal au minimum à 60% du salaire moyen de chaque pays ».

3/ Par référence au salaire moyen et non au salaire médian (contrairement à ce que préconise le Parti socialiste)

Le salaire médian (celui qui sépare la population en deux : 50 % touchent plus et 50 % touchent mois) est, par construction, toujours inférieur au salaire moyen.

La revendication d’un Smic européen à 60 % n’a de sens qui si on fait référence au salaire moyen et surtout pas au salaire médian.

Et cela pour deux raisons au moins : (i) dans le calcul du salaire moyen, les hauts salaires sont pris en compte (ils tirent le salaire moyen à la hausse), ce qui n’est pas le cas avec le salaire médian. Dit autrement, une hausse des hauts salaires augmente le salaire moyen (et donc le salaire minimum si on le réfère à celui-ci) alors qu’il n’augmente pas le salaire médian ; (ii) très concrètement le salaire net moyen en France est aujourd’hui de l’ordre de 2000 euros (cf. ci-dessous), ce qui donne, avec le critère 60%, un Smic à 1200 nets, alors que le salaire médian net est de l’ordre de 1600 euro, ce qui donne, avec le même critère, un Smic à 960 euros nets... soit moins que ce qu’il est actuellement en France (1037,53 € le 1er juillet 2008) !

Que dit le Parti socialiste à ce sujet ?

Le Manifeste du PSE se contente de la formule suivante : " Nous proposons un Accord européen sur les salaires, garantissant un salaire égal à travail égal et prévoyant l’établissement d’un salaire minimum décent dans tous les Etats membres, soit par la loi, soit par la négociation collective" (Proposition n°16).

Le PS a essayé de « gauchir » un peu le contenu du Manifeste en donnant un chiffre : et cela donne en effet le salaire minimum à 60% du salaire médian ! La résolution du conseil national du PS du 28 février (adoptée à la quasi unanimité est-il indiqué !) propose ainsi : « Des salaires minimaux dans tous les États membres, qui pour nous devraient atteindre 60 % du salaire médian de chacun des pays, étape vers un salaire minimum européen ».

4/ Un Smic à 60% du salaire moyen cela donne en France un Smic mensuel à 1200 euros nets (et non pas 1600 euros nets !)

Le salaire net moyen en France est de l’ordre de 2000 euros1 pour les salariés à temps complet et si du moins on prend en compte l’ensemble des primes (dont celles liées à l’intéressement et à la participation).

Sur cette base, le critère du Smic à 60% du salaire moyen donne un Smic net mensuel (pour un temps plein) de 1200 nets. C’est mieux que son niveau actuel (1037,53 € depuis le 1er juillet 2008). Cela représente une hausse de l’ordre de 150 euros nets, soit +15%, ce qui est à la fois non négligeable et loin d’être exorbitant (contrairement à ce que pourrait dire les libéraux, le patronat, etc.). Bref c’est une bonne revendication : réformiste dans le bon sens du terme.

Le Pcf a fait sienne la revendication d’un Smic européen à 60% du salaire moyen. Dans certains de ces documents (tracts...), il est indiqué que cela donne 1 600 euros en France. Ce chiffre n’est pas faux en soi, mais il faut préciser qu’il s’agit du Smic brut. En effet, 1600 euros correspondent à 60% de 2700 euros... ce qui est bien l’ordre de grandeur du salaire moyen brut en France aujourd’hui.

On retrouve ce qui a été dit précédemment : il ne s’agit pas de demander une hausse du Smic de 60 % (de 1000 € nets à 1600 € nets) mais de 15 % (en sachant que « qui peut le plus peut le moins » et que nous précisons de toute façon que le salaire minimum doit être égal « au minimum » à 60 % du salaire moyen »).

5/ Ne pas trop prêter à cette revendication cependant

La revendication d’un « salaire minimum européen égal au minimum à 60% du salaire moyen de chaque pays » est une bonne idée pour les raisons qui viennent d’être évoquées.

Reste qu’il ne faut pas trop lui prêter ce qui est bien normal au demeurant :

* pour certains pays, elle n’a rien de révolutionnaire : cf. ce qui a été dit pour l’Autriche ou la Suède par exemple. En France même, certaines branches d’activité ont, ou ont eu, un salaire minimum proche ou supérieur à ce seuil des 60% ;

* elle ne dit rien sur plein d’autres choses essentielles : les politiques économiques, le temps de travail, les allocations chômage, etc.

Bref, c’est une bonne idée - une très bonne idée même puisqu’on en trouve peu de la sorte - mais ce n’est pas un nouveau sésame...

1 1 941 euros nets précisément en 2006 (dernières statistiques consolidées disponibles à ce jour) selon les données de l’Insee portant sur les salariés du secteur privé et semi-public (cf. Bessière S. et Depil S. « Les salaires dans les entreprises en 2006 : une hausse modérée », Insee Première, n° 1174, janvier 2008).


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