ETAT DE DROIT contre les séquestrations de patrons ? (par Pierre Carassus)

lundi 27 avril 2009.
 

C’est le nouveau dada enfourché par la droite et le Medef : les séquestrations de patrons et autres actions violentes commises par des salariés en colère sont in-to-lé-rables ! Elles constituent une grave atteinte au droit et doivent être sanctionnées ! Voire, dirait Panurge, et nous avec lui. Commençons par poser cette question fondamentale : quelle est l’origine de la violence sociale, autrement dit, qui a déclenché les hostilités ? Nous n’abreuverons pas nos lecteurs d’un long rappel de faits qu’ils connaissent, que nul désormais ne peut ignorer. En raccourci, l’instauration de la dictature des actionnaires dans les entreprises, leur exigence de profits à deux chiffres, le recul considérable de la part salaire dans le revenu national, l’endettement comme drogue pour soutenir un système économique à bout de souffle, puis l’effondrement financier dans un climat délétère, où l’escroquerie des Madoff et autres spéculateurs faisait écho aux bonus extravagants que s’octroyaient les responsables du désastre : telles sont les étapes qui nous ont menés à la situation actuelle. Principales victimes de cette folie : les salariés licenciés ou dont les entreprises disparaissent, le plus souvent par décision des actionnaires qui persistent et signent dans leur recherche de profit, coûte que coûte socialement, et optent pour la délocalisation de la production sous des cieux plus cléments au grand capital…

Circonstance aggravante, les dirigeants d’entreprise n’hésitent pas à manoeuvrer en coulisses et à dissimuler des informations à leurs salariés pour les mettre ensuite, brutalement, devant le fait accompli : on ferme ! En droit français, cela constitue un délit d’entrave, passible de condamnation au pénal. Et ce sont les travailleurs en colère qu’il faudrait incriminer ! Imaginons un homme victime d’une agression et contraint, pour se défendre, à faire usage de la force. Imaginons maintenant qu’un tribunal relaxe l’agresseur et s’acharne contre l’agressé, au motif que ce dernier a eu recours à la violence pour protéger son intégrité. Quelle justice serait celle-là ? Mais aujourd’hui, le droit social protège si peu les salariés, et le droit civil sert si bien les puissants, que l’impunité dont jouissent « ceux d’en haut » est devenue un scandale public et l’un des principaux facteurs de délitement de notre société.

Aussi n’est-il pas étonnant que, d’après un récent sondage de l’IFOP, 30% des Français approuvent les séquestrations de patrons et 63% disent les comprendre. L’opinion publique a d’autant plus de raisons de s’exprimer sur ce sujet que la violence faite aux salariés atteint toute la communauté nationale. En effet, lorsque des actionnaires jugent opportun de fermer un site de production, c’est tout un savoir-faire qui est bradé, celui des ouvriers, techniciens et cadres. Ce sont des années d’enseignement et de formation, payées par les deniers publics, qui sont jetées au rebut par quelques profiteurs. Et ce crime de lèse-République resterait impuni ! Où est donc la revalorisation du travail dont Sarkozy nous rabattait les oreilles durant la campagne présidentielle ?

En mal d’arguments sur le terrain économique et social, la droite agite le chiffon rouge de l’insécurité dans l’espoir de se refaire une santé. Mais lorsqu’elle cherche à criminaliser la résistance sociale, les Français ne suivent pas. Quant au discours sécuritaire du gouvernement, il en prend un sérieux coup à la lecture des statistiques. « Sarkozy est incompétent en matière de sécurité. Les chiffres sont là. Depuis 2002, Nicolas Sarkozy masque son échec par des statistiques globales. La délinquance violente n’a pas régressé. D’après ses propres chiffres, Sarkozy n’a pas tenu ses promesses : la délinquance générale a augmenté de 3% de novembre 2007 à novembre 2008 ; le taux d’élucidation des crimes et délits stagne sous la barre des 40% ; ce sont les actes les plus inquiétants qui explosent : violences gratuites +5% ; vols à main armée ont explosé : +11%. Les violences aux personnes ont augmenté de 2,4 % en 2008, les vols à main armée de 15,4 %. Depuis 2003, seules les atteintes aux biens ont diminué. C’est déjà cela, mais ce n’est pas ce que Sarkozy instrumentalise à tour de bras et de discours. Les atteintes aux personnes, elles, ont progressé de 80 000 actes entre 2002 et 2008. Joli score ! » (extrait du blog Sarkofrance).

Il n’est pas dans notre philosophie d’attiser la violence. Les républicains de gauche considèrent la loi comme l’épée la plus tranchante, l’instrument idoine pour changer les choses. Mais force est de constater qu’aujourd’hui, l’Etat de droit est une coquille vide, la République un souvenir. Il est grand temps de changer de cap.


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