La persécution des homosexuels sous le Troisième Reich

jeudi 10 janvier 2008.
 

Bien que l’homosexualité masculine était, en vertu des dispositions du paragraphe 175 du code pénal, officiellement interdite dans l’Allemagne de Weimar, des militants allemands des droits des homosexuels devinrent des leaders mondiaux des efforts pour faire évoluer les préjugés des sociétés à l’encontre des homosexuels. Beaucoup en Allemagne considéraient que la tolérance dont la République de Weimar avait fait preuve à l’égard des homosexuels était un signe de la décadence du pays. Les nazis se posèrent en dirigeants d’une croisade morale dont le but était d’extirper d’Allemagne le "vice" de l’homosexualité pour gagner ainsi la "lutte raciale". Après leur arrivée au pouvoir en 1933, les nazis intensifièrent les persécutions contre les homosexuels allemands, allant de la dissolution des organisations homosexuelles à l’internement dans les camps de concentration.

Pour les nazis, les hommes homosexuels étaient faibles, efféminés et incapables de combattre pour la nation allemande. il considéraient que les homosexuels étaient peu susceptibles d’avoir des enfants et d’augmenter le taux de natalité national. Comme ils considéraient que les races inférieures produisaient plus d’enfants que les "Aryens", tout ce qui était de nature à réduire le potentiel reproductif de l’Allemagne représentait pour eux un danger racial.

Le chef SS Heinrich Himmler dirigea des persécutions de plus en plus sévères contre les homosexuels sous le Troisième Reich. Les lesbiennes, n’étant pas considérées comme une menace pour la politique raciale nazie, ne furent généralement pas visées. Les nazis ne s’attaquèrent pas non plus aux homosexuels d’autres nationalités, à moins qu’ils n’aient des relations sexuelles avec des partenaires allemands. Dans la plupart des cas, les nazis étaient disposés à réintégrer les anciens homosexuels dans la "communauté de race" à condition qu’ils deviennent "racialement conscients" et abandonnent leur style de vie.

Le 6 mai 1933, des étudiants conduits par les SA (Sturmabteilung ; SA) firent irruption dans l’Institut pour les sciences sexuelles à Berlin et confisquèrent le fonds de la bibliothèque. Quatre jours plus tard, l’essentiel de cette collection irremplaçable de plus de 12 000 livres et 35 000 photos fut détruite, avec des milliers d’autres œuvres littéraires taxées de "dégénérées", lors d’un autodafé dans le centre-ville de Berlin. Les documents restants ne furent jamais récupérés. Magnus Hirschfeld, un pionnier de l’étude scientifique de la sexualité humaine et le fondateur de l’Institut, enseignait alors en France et choisit de ne pas retourner en Allemagne. Il mourut en exil en France.

La destruction de l’Institut fut le premier pas vers la destruction de la culture homosexuelle en Allemagne. La police ferma des bars et des clubs tels que l’"Eldorado" et interdit des publications tels que Die Freundschaft (Amitié). Les homosexuels furent contraints de se cacher et leurs réseaux de soutien furent dissous. En 1934, la Gestapo donna l’ordre aux forces de police locales de dresser la liste de tous les hommes impliqués dans des activités homosexuelles. Dans de nombreuses régions d’Allemagne, la police tenait des "listes roses" depuis des années. Les nazis les utilisèrent pour traquer les homosexuels.

Le 28 juin 1935, le ministère de la Justice révisa le paragraphe 175, donnant ainsi une base légale à l’extension des persécutions nazies contre les homosexuels. Les fonctionnaires de ce ministère étendirent la catégorie des "activités criminelles indécentes entre hommes" de façon à y inclure tout acte qui pouvait être présenté comme homosexuel. Plus tard, les tribunaux considérèrent que la simple intention ou la seule pensée suffisaient. Le 26 octobre 1936, Himmler créa au sein de la Police de sûrete, l’Office central du Reich pour la lutte contre l’avortement et l’homosexualité. Josef Meisinger, qui serait condamné à mort et exécuté en 1947 pour les brutalités dont il se rendit coupable en Pologne, prit la tête de ce nouvel organisme. La police avait le pouvoir de mettre en détention préventive ou d’interpeller ceux qui étaient jugés dangereux pour la morale allemande, et de les maintenir indéfiniment — sans procès — en détention. Les prisonniers homosexuels libérés de prison étaient immédiatement arrêtés et envoyés en camp de concentration si la police considérait qu’ils étaient susceptibles de continuer à avoir une conduite homosexuelle.

Entre 1937 et 1939, années qui marquèrent l’apogée des persécutions contre les homosexuels, la police mena de plus en plus d’opérations contre les lieux de rencontres homosexuels, saisit les carnets d’adresses, mit en place des réseaux d’informateurs et d’agents infiltrés afin d’identifier et d’arrêter ceux qui étaient suspectés d’homosexualité. Le 4 avril 1938, une directive de la Gestapo ordonna que les hommes convaincus d’homosexualité seraient incarcérés dans les camps de concentration. Entre 1933 et 1945, environ 100 000 hommes considérés comme homosexuels furent arrêtés. 50 000 hommes furent condamnés par des tribunaux, la plupart accomplirent leur peine dans des prisons normales et entre 5 000 à 15 000 furent internés dans des camps de concentration.

Certains homosexuels furent internés dans des camps de concentration dès l’arrivée des nazis au pouvoir en janvier 1933. Ils venaient de toutes les couches de la société allemande, et n’avaient souvent en commun que la raison pour laquelle ils étaient emprisonnés. Certains homosexuels furent internés par erreur sous d’autres catégories tandis que certains prisonniers politiques furent volontairement classés par les nazis dans la catégorie des homosexuels. Les prisonniers, porteurs d’un triangle rose, étaient durement traités dans les camps. Selon les témoignages de survivants des camps, ils faisaient partie des groupes les plus maltraités.

Certains "experts" nazis considéraient que l’homosexualité était une maladie curable et mirent au point une politique de "soins" basé sur un travail dur et des humiliations. A leur arrivée, les prisonniers homosexuels étaient frappés et ridiculisés par les gardes puis souvent séparés des autres détenus. Rudolf Hoess, commandant d’Auschwitz, écrivit dans ses mémoires que le but de la séparation était d’éviter que l’homosexualité ne se propage aux autres détenus et aux gardes. Les homosexuels étaient souvent affectés sur des missions mortelles dans l’usine souterraine de fusées de Dora-Mittelbau ou dans les carrières de pierres de Flossenbürg et de Buchenwald.

La survie dans les camps prit de nombreuses formes. Certains détenus homosexuels purent occuper des emplois administratifs. Pour d’autres, la sexualité devint un moyen de survie. Certains, généralement jeunes, furent choisis et protégés par un Kapo en échange de faveurs sexuelles. Ils reçurent ainsi de la nourriture supplémentaire et évitèrent les mauvais traitements infligés par les autres prisonniers. Les homosexuels eux-mêmes devenaient rarement Kapos car ils manquaient d’un réseau de soutien. La protection d’un Kapo n’apportait bien sûr aucune protection contre la brutalité des gardes. De plus, lorsqu’un Kapo était lassé d’un prisonnier, il le tuait souvent et lui cherchait un remplaçant dans le transport suivant. Si individuellement, certains détenus homosexuels purent s’assurer d’une protection, les homosexuels en tant que groupe n’avaient pas le réseau de soutien commun à d’autres catégories de détenus. Dans ces conditions de brutalité permanente, sans aide, il y avait peu de chance qu’ils puissent survivre longtemps. Leur taux de mortalité fut particulièrement élevé.

L’une des voies de survie possible pour certains homosexuels fut la castration, que certains responsables de la justice pénale préconisaient comme un moyen de "guérir" la déviance sexuelle. Des prévenus homosexuels dans des affaires criminelles, ou dans les camps de concentration, l’acceptèrent parfois à la place de sentences plus lourdes. Plus tard, les juges et les responsables des camps SS purent ordonner la castration d’un prisonnier homosexuel sans son consentement.

Les nazis, dans leur recherche d’un "traitement" contre l’homosexualité, développèrent un programme pour y intégrer des expériences médicales sur les prisonniers homosexuels des camps de concentration. Ces expériences furent la cause de maladies, de mutilations et même de décès sans que la moindre découverte scientifique soit réalisée.

On ne dispose d’aucune donnée statistique concernant le nombre d’homosexuels morts dans les camps.


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