Situation politique et tâches du Parti de gauche Rapport d’Eric Coquerel au Conseil National

mardi 30 décembre 2008.
 

I – SITUATION

1 – Une crise systémique aux dégâts sociaux considérables.

Elle accélère très clairement des dangers que nous annoncions depuis longtemps. Il y a urgence sociale, on peut malheureusement annoncer des plans de licenciements en nombre.

La crise étant également le prétexte pour certaines restructurations envisagées bien en amont à l’image de Valeo par exemple, entreprise qui fait des bénéfices. La crise est du niveau de celle de 29.

Il y a urgence écologique car les maigres efforts en la matière – tel, en France, les annonces du Grenelle de l’environnement – risquent d’être oubliés au profit d’une relance incontrôlée de la production et dans le seul but des profits.

Il y a toujours une urgence internationale et pour la paix. Cette question va revenir immanquablement au premier plan de l’actualité, la crise avivant les tensions internationales. Le personnel mis en place par Obama sur les questions de politique extérieure, transfuges Républicains et démocrates pas vraiment réputés comme des « colombes », laisse craindre que la politique américaine change peu de ce point de vue. Dans les pays en voie de développement, particulièrement touchés par la crise, les tensions ne peuvent que se raviver. Est-ce utile de rappeler l’issue des grandes crises capitalistes comme celles de 29 ?

Avec cette crise on peut parler de changement de période historique. Celle ouverte par la chute du mur, au cours de laquelle on a essayé de nous vendre le capitalisme comme horizon indépassable de l’histoire est finie. Mais il ne faudrait pas commettre l’erreur de penser que ce diagnostic impliquerait la fin automatique du capitalisme. Au contraire, sans une véritable alternative à la hauteur de l’enjeu historique, sa reconstruction pourrait même entraîner les catastrophes pour l’humanité que nous venons d’évoquer.

2 – Des plans de relance investis dans les … profits et les pertes boursiers

Les plans de relance aussi impressionnants qu’ils soient en matière d’annonce, ont tous le même défaut et celui de Sarkozy en est l’illustration :

- Ils jouent sur le supposé « coût du travail » (allègement de cotisations) ce qui ne diffère pas des politiques économiques libérales qui identifient un problème « d’offre » et non de demande. A l’inverse ces plans ne sont que saupoudrage inefficace en matière de pouvoir d’achat et d’investissement public

- qui plus est ils sont sans aucune contrepartie (aucune contrainte sur les licenciements et ne parlons pas d’embauche, de développement d’activités utiles et de réorientation écologique de la production)

- et pour finir c’est un plan faible si on le compare avec les U.S (0,8% PIB contre 4 à 5% aux USA)

Le problème est évident : faute de s’attaquer à l’origine systémique de la crise, ces plans servent surtout aujourd’hui à réinjecter de l’argent dans le puits sans fond et incertain de la bourse, à socialiser les pertes du capital sans même lui imposer quoi que ce soit.

A n’avoir jamais voulu être des instruments de régulation du capitalisme et de ses surprofits mais au contraire à avoir été conçu dans le but d’organiser le libre-échange absolu, les structures internationales du commerce international se révèlent évidemment incapables, à l’image de l’OMC, de faire autre chose que ce pourquoi elles ont été créées.

Tout cela sur fond de révélations de plus en plus hallucinantes sur les tares du système comme en témoigne l’affaire Madoff que l’on essaie de nous vendre comme une maladie honteuse d’un système vertueux alors qu’elle n’est que l’illustration de la façon dont fonctionnait ce système depuis 25 ans à coup de bulles financières basées sur des cercles peu vertueux.

En réalité tout cela confirme que l’on ne pourra répondre à la crise, éviter les tragédies dans lesquelles elle peut amener l’humanité, en prenant des mesures visant à en accompagner et en amoindrir les effets. C’est bien le système qui est cause et qui implique des mesures de ruptures radicales avec la logique de ce capitalisme prédateur.

3 – Un fort potentiel de résistance sociale

Les coups sont rudes, terribles et les mobilisations ici ou là n’ont pas pour le moment entraînés de victoires. A l’exemple de la CAMIF les plans de licenciements sont annoncés et malgré les mobilisations se réalisent.

Pourtant on ne constate pas encore de chacun pour soi généralisé. Le système est nu, il révèle son injustice et son inefficacité et la population le désavoue de plus en plus. Des signes le démontrent (l’élection d’Obama avec le ralliement des secteurs populaires qui ne votait plus depuis longtemps, les mobilisations de la jeunesse avec des signes de radicalisation et de jonction avec le mouvement social comme en Grèce, les mobilisations sociales en France, etc…).

Pour la première fois depuis son arrivée, Sarkozy ne peut plus passer en force de peur de l’explosion : loi sur les lycées, travail le dimanche. Dans les deux cas, il cherche à biaiser, à manoeuvrer mais il s’agit malgré tout des premiers signes de recul depuis son arrivée. Il faut s’appuyer dessus. Sur le fond cependant il serait erroné d’y voir une réelle inflexion dans sa politique. Il fait uniquement preuve de pragmatisme en espérant gagner du temps, son projet de casse totale de ce qu’il reste d’acquis du pacte républicain et social reste le même.

4 – Rien ne sera possible sans un débouché politique

Tout cela n’est pas nouveau même si exacerbé. Le libéralisme n’a pas remporté une victoire idéologique en France au point d’emporter l’adhésion même si l’élection trompe l’oeil de Sarkozy pouvait le laisser penser. Sa crise va évidemment renforcer cette tendance lourde.

L’erreur serait pourtant de s’en remettre de nouveau uniquement à la mobilisation sociale, à une radicalisation remettant la grève générale au centre de tous les espoirs de transformation. La question qui a suscité la création du PG reste posée : celle d’un débouché politique proposant une solution gouvernementale à court terme pour mettre en place des mesures d’urgence pour satisfaire les besoins de la population dans une logique globale de rupture avec le système dominant.

Et le congrès du PS n’a rien réglé. Aubry peut tenter des intonations plus sociales, le fond reste le même :

- respect du traité de Lisbonne

- incapacité à proposer sur le fond autre chose que la politique d’accompagnement soft de Sarkozy parce que c’est la sienne depuis de trop longues années ce qui explique soit son abstention, soit sa critique molle sur les mesures de relance du gouvernement.

Avec une gauche pareille, en France comme en Europe, la droite et le Medef peuvent voir venir.

II –Nos taches

L’urgence reste donc la même : pour battre la droite il faut conquérir une majorité à gauche sur la base d’un programme de rupture, un vrai programme de gauche. C’est la condition pour emporter les élections et gouverner sur cette base. C’est la raison principale de la naissance du PG, son objectif.

Reconstruire la gauche dans ce pays.

1 – Objectif de fond : reconstruire la gauche

L’appel de JL Mélenchon et Marc Dolez évoquait Die Linke. Lafontaine était à notre meeting La référence est claire.

Reste que la France n’est pas l’Allemagne. Nous aurions été disponibles pour une confédération des forces de gauche mais on constate que nul n’y est vraiment prêt aujourd’hui : ni le PC, ni le NPA, ni même les Alternatifs ou autres.

Si on veut être concret, on ne peut donc avancer en mettant la question d’une nouvelle force de toute la gauche de transformation en préalable.

Notre méthode est ici la même : on avance concrètement et on propose de vraies solutions pour avancer sur le chemin de l’unité, pas de façon abstraite mais en la recherchant sur le terrain décisif des élections d’abord mais également sur le terrain des mobilisations.

Une double préoccupation doit nous conduire dans nos taches :

• construire le parti creuset

• être vecteur d’unité pour rassembler une majorité sur les idées de la gauche de transformation. Etre toujours et partout utile. Avancer étape par étape sans oublier l’objectif de départ

2 – Le doter d’un programme

Si ce travail sera nécessaire, nous n’avons pas le temps, et ce n’est pas l’urgence, de travailler sur le projet du socialisme pour le 21ème siècle.

La priorité c’est mettre au point un programme en se posant une triple question à chaque fois.

a - Que ferions-nous si nous étions au gouvernement, quelles mesures prendrions-nous ? Mesures d’urgences face à la crise, qui répondent aux problèmes actuels, aux besoins et aux aspirations des classes populaires en priorité et de tous ceux qui vivent de leur force de travail.

b – Ce programme doit épouser une majorité d’électeurs ce qui nécessite de trouver le bon équilibre entre un programme de rupture à vocation gouvernementale et un programme peut-être plus radical mais si éloigné du degré de conscience et du rapport de force qu’il renvoie au témoignage, à la propagande pour des « 3ème tours sociaux ».

c – Préparer à l’avance les compromis nécessaires avec les autres forces de la gauche de transformation avec lesquelles nous pouvons faire alliance.

C’est ce que nous allons faire d’ici le congrès et mettre en débat.

Avec cinq grands objectifs :

- la redistribution des richesses vue sous l’angle du rapport de classe. Il s’agit bien de reprendre aux détenteurs des capitaux ce qu’ils ont pris aux salariés en vingt ans.

- un autre développement et la planification écologique non pas pour attirer des écologistes de gauche dans le parti (même si ce serait positif) mais parce qu’il y a bien urgence sociale ET urgence écologique et que nous ne dissocions pas les deux pas plus que nous enfermons la question du développement dans une vision uniquement « environnementale » sans remise en cause profonde du système.

- des réformes structurelles permettant de privilégier le bien commun sur les intérêts particuliers (défense et promotion des services publics sur toutes les activités et besoins humains ne devant pas être soumis aux lois du marché, fiscalité, démocratie sociale posant la question de l’appropriation du capital, etc…)

- refondation républicaine : elle touche la question des institutions (pour une 6ème République, véritable régime parlementaire), de la citoyenneté, de l’émancipation (nous devons défendre et promouvoir l’éducation nationale qui doit disposer elle seule des fonds publics), de la laïcité, de l’égalité comme valeur cardinale.

- tourner la page de la construction libérale de l’Europe…

Mais là aussi nous allons avancer concrètement et sur ce qui sera possible d’élaborer véritablement ensemble, démocratiquement d’ici le premier congrès. Nous allons donc nous concentrer sur les textes d’urgence :

* Mesure d’urgences face à la crise (à partir de la campagne sur le bouclier social)

* Nos propositions pour les élections européennes

* La question de l’alter développement et de la planification écologique

3 – Un parti utile aux mobilisations et donc à l’unité

Si nous conditionnons la question de la conquête du pouvoir à l’obtention d’une majorité électorale devant le SU, nous n’ignorons évidemment pas l’importance des mobilisations sociales.

De ce point de vue les journées unitaires du 17 (mobilisation unitaire sur l’école) et 29 janvier (pour l’emploi) doivent constituer pour nous des rendez-vous majeur de janvier.

Le 29 promet d’être historique puisque pour la première fois depuis le CPE tous les syndicats appellent.

A nous d’y aider, dans nos syndicats, dans nos associations mais aussi d’y populariser nos campagnes dont celle du « ca suffit comme ça : bouclier social »

4 – Le parti vecteur d’unité qui développe le Front de gauche

Nous avons une vocation majoritaire donc impossible de faire l’impasse des élections En outre les élections européennes seront les premières depuis la victoire sur le TCE.

Elles sont un moyen :

* de dire Non à Sarkozy et oui à une politique de gauche…

* D’ Exiger le respect du vote du référendum de 2005 et de faire le référendum dont on a été privé sur le Traité de Lisbonne…

* De proposer des mesures pour une autre Europe

Pour cette raison nous devons, nous pouvons tout mettre en oeuvre pour être majoritaire à gauche, mettre en minorité la liste qui siégera avec les députés du PSOE mais aussi celle qui associera Cohn Bendit et Bové.

Pour cela nous devons décliner nationalement, par grande région électorale (celles des européennes), localement :

A – Faire vivre le Front de Gauche dès janvier avec le PC.

Il n’est pas en perspective, il existe puisque le PC est sur une position similaire et a déjà tenu à l’exprimer avec nous. De ce point de vue son congrès est une victoire pour cette stratégie et nous ne devons pas la minimiser : cette ligne a été confirmée par quasiment tous les communistes, l’intervention de Francis Wurtz a été la seule à avoir été applaudie à ce point. Le bon score de la liste Vieu a manifestement redynamisé ceux qui l’ont soutenu en vue d’un Front pour lequel ils avaient déjà dit leur satisfaction. L’ensemble du PCF aborde la période à venir dans une situation meilleure qu’on ne pouvait le craindre et c’est évidemment une bonne nouvelle pour le Front.

Ce congrès démontre également que le Front, contrairement à ce qui a été affirmé ici ou là, n’est pas un tête à tête avec la direction du PC mais une alliance avec le PC dans toute sa diversité. A partir de ce socle solide, nous avons la volonté de l’ouvrir à toutes les forces de la gauche de transformation.

Donc dès janvier nous devons rendre concret le Front de Gauche à partir de réunions locales organisées conjointement avec les communistes voir des meeting régionaux.

B- Nous voulons y intégrer le plus vite possible d’autres forces :

* les Alternatifs en premier lieu avec qui nous avons eu de sérieuses avancées lors d’une rencontre officielle. Cette rencontre avec les Alternatifs a inauguré un certain nombre de rendez-vous dont le POI, la coordination nationale des Collectifs, le MPEP, tous à leur demande.

* Au sujet de la Coordination des Collectifs qui nous a dit s’intéresser au Front, la situation est complexe du fait de la particularité de ce « mouvement-réseau » qui revendique également des membres des Alternatifs, des communistes unitaires, des écologistes de gauche. Ces différentes sensibilités viennent de créer la « Fédération » dont nous prenons acte. A ce stade nous disons seulement qu’il est difficile d’appréhender cette « mouvance » (sans rien de péjoratif) pour une éventuelle alliance électorale puisque d’un côté nous allons discuter avec les Alternatifs en tant que Parti, avec les Communistes unitaires au sein de l’accord avec le PCF, les écologistes de gauche appartenant au Verts semblant quand à eux ne pas vouloir soutenir la liste Cohn Bendit/Bové sans pour autant s’impliquer en tant que candidats dans une autre liste.

* Nous allons rencontrer le MRC (12 janvier)

* Nous allons rencontrer le NPA le 9 janvier, ces camarades nous ayant dit qu’ils prendraient leur décision à leur congrès début février. Nous allons évidemment leur proposer clairement de s’unir leur Front, proposition que nous ferons nationalement mais que nous devons également faire localement.

* Nous allons demander un rendez-vous à Lutte Ouvrière.

Outre les rencontres que nous devons susciter avec les uns et les autres il faut favoriser les prises de position pour cette démarche : appels départementaux, relai de l’appel « pour une autre Europe » (issu de l’appel Politis), appels de soutiens du même type, voir création de Comité de soutien, etc…

5 : Gagner des adhérents, ne pas voir « petit »

Ce n’est pas la moindre de nos tâches.

Le PG est le principal outil pour la reconstruction d’une gauche digne de ce nom. Nous n’en aurons pas d’autres à disposition si nous échouons. On peut comprendre les hésitants mais ils mettent en péril ce qui pourtant les intéressent à priori. Donc il faut adhérer.

Nous sommes un parti creuset ce qui signifie que nous ne nous servons pas de nos valeurs comme des « discriminants » artificiels. A contrario nous affirmons, sans sectarisme, des valeurs que nous ambitionnons ouvertement de placer au centre d’un futur programme de gauche. Il y a donc bien des batailles idéologiques à mener. Parti creuset ne veut pas dire parti attrape-tout. Il n’y a pas seulement à gauche des distinctions entre « socio-libéraux » et « transformateurs » mais aussi entre ceux qui ont une vision laïque et universaliste de la société et ceux qui prônent le communautarisme, entre ceux qui, au moment où l’Etat social est attaqué par le libéralisme, trouvent que sa remise en question est prioritaire et ceux qui estiment qu’il doit être réaffirmée comme outil au service du plus grand nombre et du bien commun…

Enfin il est évidemment nécessaire de gagner les « ex » de tous les partis, les militants des autres partis qui souhaitent basculer, des forces plus petites qui devraient naturellement être au PG mais nous ne devons pas voir petit.

Nous devons faire ce que la gauche a cessé véritablement depuis 20 ans : être le parti des classes populaires, ne pas oublier que la classe ouvrière proprement dire représente encore plus de 20% de la population active, que l’immense majorité de nos concitoyens ne vivent que de leur seule force de travail et avec peu. Ne pas oublier que la fracture première dans ce pays est sociale ce qui explique qu’il y ait aussi peu de représentants des classes populaires parmi les élus et même dans les partis.

Nous devons donc nous tourner vers ceux qui sont privés de la parole depuis trop longtemps d’où également l’importance que nous devons accorder à l’éducation populaire.

Nous devons également concentrer nos efforts sur la jeunesse qui va venir à la politique dans une période de remise en question globale du système. Le relai générationnel est fondamental et doit être une de nos préoccupations.

Nous devons en résumé nous armer pour être un parti de masse, de mobilisation et proposant un débouché politique à la fois porteur de rupture et se préoccupant de trouver une majorité électorale. De gauche et en voyant grand.

Rapport présenté au Conseil national du Parti de Gauche le 20 décembre 2008


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