Parti de gauche : L’IMAGINATION AU POUVOIR (PROGRAMME, ORGANISATION, THEORIE)

mercredi 10 août 2022.
 

2ème partie : Contribution de Jacques Serieys : Parti de Gauche Poursuivons le débat engagé par notre camarade ariégeois Guy Decoupigny

- A) Imagination, intelligence politique et références théoriques

- B) Un parti de militants et de directions élues complémentaires

- C) Tirer le bilan des scissions gauche de la social-démocratie française pour éviter les erreurs passées

- D, E, F : Action politique et vie organisationnelle

Ce 18 décembre 2008, Guy a mis en ligne sur notre site "une première et modeste contribution" ci-dessous dont le titre indique l’objectif « Parti de Gauche : l’imagination au pouvoir (PROGRAMME, ORGANISATION, THEORIE) ». Il en appelle à un effort de réflexion, d’invention, de débat collectif ; nous ne pouvons que lui donner raison car la réussite du PG passe par là.

A) Imagination, intelligence politique et références théoriques

A1) Imagination

Il faut bien reconnaître qu’aujourd’hui, le projet progressiste s’essouffle. La dynamique générée par les grandes révolutions passées s’estompe. Le mouvement ouvrier se limite nécessairement à protéger l’essentiel. La 2ème Internationale (Internationale socialiste) s’est vendue au capitalisme dans les couloirs de Davos et de Bilderberg. La 3ème a sombré dans les goulags avant d’être dissoute par Staline. La 4ème a manqué le coche des années 1968.

Les multinationales drainent les ressources naturelles et les paradis fiscaux cachent l’argent des puissants. Dans ce monde "libéral" là, où "l’homme est un loup pour l’homme", oui, nous allons avoir besoin d’imagination pour réussir.

Imagination Voilà un concept peu utilisé dans le langage politique du socialisme, encore moins dans celui du socialisme révolutionnaire. Pourtant, le défit qui attend le Parti de gauche va effectivement nous obliger à faire preuve d’imagination :

- imagination dans son sens étymologique latin : construire une vision (du monde et de notre projet).

- imagination dans ses sens artistique, littéraire et scientifique, car elle permet de créer de nouvelles formes, de nouveaux styles, et d’inventer de nouveaux concepts, de nouvelles théories.

- imagination au sens que lui donnait le fondateur de la psychologie en France, Théodule Ribot, qui en fait l’essence de la créativité et de l’inventivité

- imagination au sens philosophique que lui donnait Descartes, fonction permettant de dépasser les limites de son seul entendement, pour créer de la nouveauté à partir de l’existant.

A2) Intelligence politique

Est-ce que le Parti de Gauche va avoir besoin seulement "d’imagination" ? Il me semble qu’il va surtout avoir besoin d’intelligence politique en raison :

- des échecs du mouvement ouvrier et socialiste au 20ème siècle

- d’un champ politique encombré et complexe à gauche du PS

- d’un rapport au PS très difficile car il comprend d’une part des dirigeants en voie de social-libéralisation rapide, d’autre part une base qui reste souvent incontournable pour la réussite de notre projet en France

- du fait que notre organisation et nos adhérents ne disposent pas d’une théorie prête à l’emploi mais seulement d’éléments théoriques encore mal assemblés. De plus, notre organisation vient à peine de naître. Quant au programme, il dépend nécessairement de la théorie et de l’implantation sociale de l’organisation.

Ne pouvant passer à côté des obligations imposées par ce contexte, de quoi avons-nous besoin dans l’immédiat... : d’une stratégie politique, de références théoriques et historiques (par exemple un bilan des scissions gauche de la social-démocratie française), d’un programme et de capacités tactiques.

A3) Reconstruire les références théoriques

Nous allons devoir travailler sur plusieurs questions centrales de la théorie socialiste, non en chambre ou en séminaire de formation, mais au vent des mouvements sociaux et des combats politiques. Les premières questions à me venir à l’esprit sont les suivantes, mais bien d’autres sont également évidentes :

- clarification, densification de ce que nous entendons par Gauche (parti de gauche) et par nos trois identifiants (Socialisme, Ecologie, république)

- bilan creuset des courants progressistes, socialistes et révolutionnaires depuis deux siècles

- rôle et forme du parti dont nous avons besoin

- le capitalisme (type de société, logiques internes, forme actuelle, exploitation et expropriation, lutte de classe...)

- réforme et révolution

- prolétariat, peuple et socialisme

- émancipation, démocratie et socialisme

- nation, Europe et internationalisme

B) Un parti de militants et de directions élues complémentaires

Le texte de Guy est construit comme une critique de tout fonctionnement centralisé de l’organisation :

« Que voulons-nous ? Reproduire une organisation pyramidale type Parti Socialiste ?... Ce serait répéter les erreurs du passé.

Nos militants exigent une démocratie citoyenne fonctionnant de bas en haut et ne se laisseront plus abuser, ni imposer des structures, des règles, des idées concoctées par des experts ou des "think tanks" qui se trompent et manipulent l’opinion.

Nous souhaitons un parti de militants capables de penser par eux-mêmes. Le schéma "exécutants colleurs d’affiches" et cadres nationaux pensants n’est plus de mise et provoquerait un rejet suivi d’une rupture. Nous n’acceptons aucune sous-traitance programmatique confiée à quelques économistes, sociologues ou philosophes, même si ces derniers peuvent servir d’aiguillon.

Nous n’avons nul besoin de théoriciens et de beaux parleurs, mais, avant tout, de bons faiseurs présents sur le terrain des luttes sociales.

Par ailleurs, il importera aussi de laisser une large autonomie aux comités ou collectifs locaux, qui, seuls, connaissent les réalités territoriales et agiront ainsi au mieux de notre cause commune. »

Ainsi exprimé, ce souci présente un caractère positif, compréhensible, justifié de la part d’un militant socialiste qui a connu l’accaparement du pouvoir interne réel par des élus et leurs "experts".

Ceci dit, je suis persuadé que ce seul fondement politique en matière d’organisation nous amènera à des impasses, à des crispations entre militants "basistes" et dirigeants n’étant plus respectés par les premiers.

B1) Des directions pour faire vivre une stratégie

Je note un manque dans le tryptyque proposé par Guy (PROGRAMME, ORGANISATION, THEORIE) : pour construire le parti de gauche comme instrument utile aux forces sociales, à l’intérêt général humain et au socialisme, nous avons besoin d’une STRATEGIE adaptée au champ politique actuel de notre pays.

Cette stratégie est connue pour l’essentiel : construire le PG pour rassembler la gauche antilibérale en une force postulant à la direction de la gauche et de la France tout en aidant à maintenir le rapport de force national, européen et international sans lequel notre projet resterait lettre morte.

Cette stratégie manque nécessairement de concrétisation parce qu’il va falloir la mettre en pratique au jour le jour fonction des succès et des échecs, fonction des choix opérés par les autres forces (PCF, NPA, FASE, Alternatifs, ATTAC, EELV, gauche du PS ...), fonction des moments politiques clés que nous devrons affronter victorieusement, fonction de nos campagnes et objectifs. Au premier échec, notre existence risque fort de s’évaporer.

La nécessité de directions nationales, régionales, départementales s’explique essentiellement par la difficulté à faire vivre une telle stratégie en étant une force politique anticapitaliste autonome. Pour avoir usé mon énergie et ma santé à cela jusqu’à la corde dans les années 1966 à 1977, je connais d’avance le degré de détermination, de réflexion politique, de dévouement que ces directions vont nécessiter. Elles ne risquent pas de se fossiliser comme dans les partis électoralistes car elles demanderont trop d’investissement personnel.

Pour conclure sur cette question de la stratégie, je crois utile d’insister sur le lien entre Force organisationnelle, projet stratégique, identité et tactique. Il ne sert à rien d’élaborer un projet stratégique sans construire les forces internes (parti) et externes (relations unitaires) pouvant seules lui donner une réalité. Ces forces organisationnelles provenaient en 1920 (PCF) comme en 1936 (PSOP) et 1960 (PSU) d’une rupture née de la situation politique elle-même ; dans l’immédiat, le glissement libéral et atlantiste du PS n’a pas produit une rupture de masse dans la gauche aussi nette. Aussi, nous devons chevaucher sur des contradictions difficiles : un parti creuset pour rassembler les forces suffisantes à l’invention d’une nouvelle gauche mais une identité anticapitaliste suffisamment claire pour être homogène et efficace à moyen terme.

B2) Démocratie et réinvention de la gauche

Guy Decoupigny insiste seulement sur la nécessité d’un fonctionnement démocratique largement décentralisé laissant une large autonomie à chaque comité local. Avant de traiter ce point je voudrais insister sur le fait que la construction d’un parti chaleureux en interne et efficace dans son action politique demande plus que de la démocratie interne.

Tout parti attelé au projet d’une société plus juste et plus heureuse nécessite chez ses adhérents :

- une conviction puissamment forgée,

- une aptitude à la fraternité pour ne pas créer plus de problème en étant dedans que dehors

- un travail militant apportant parfois peu au plan psychologique personnel

- un effort de compréhension, de participation au débat, de formation

- une capacité à accepter de côtoyer dans un parti creuset des personnes politiquement assez différentes de soi, de côtoyer dans l’action unitaire des adhérents d’autres partis parfois éloignés de nos propres convictions personnelles sur certains points.

- enfin, la réussite d’un parti comme le nôtre passe de façon importante par l’existence ou pas de luttes sociales, par un contexte international favorable ou pas...

Guy insiste sur la nécessité d’un vote de tous les adhérents lors des choix stratégiques et pas seulement du Conseil national ou du congrès en rappelant une affirmation d’Oskar Lafontaine « Les décisions sur les grands principes de notre programme doivent être prises par l’ensemble des militants du parti et non seulement par une assemblée de délégués. » Je suis d’accord en notant deux points :

- Lafontaine parle d’un vote sur les grands principes du programme, non d’un vote sur des décisions tactiques concrètes. Je crois qu’il a raison particulièrement pour une organisation naissante comme la nôtre. En Aveyron, par exemple, le PG pourrait subir naturellement l’influence du PCF dans le Bassin de Decazeville, du NPA à Millau ou du groupe d’ATTAC à Villefranche ; au plan national lancer des débats hyper-démocratiques sur chaque grande question tactique qui va surgir ne ferait qu’éclater l’organisation sans expérience collective qui est la nôtre. Mieux vaut un Conseil national représentant bien tous les départements pour prendre les décisions nécessaires.

- sur les questions de programme et plus tard les grands choix tactiques, je crois le vote de tous les adhérents utile ; cependant, cela demande une infrastructure de parti dont nous ne disposons pas encore et dont nous ne disposerons peut-être pas avant 2012.

Guy pointe ensuite la question du parti creuset sur lequel je renvoie à une réflexion sans prétention que j’ai mise en ligne sur le sujet.

Le PG, un parti creuset pour l’émancipation, la république, la gauche, le socialisme, le communisme, l’écologie...

B3) La réinvention d’une "théorie" progressiste ne viendra pas, pour l’essentiel, de plus de démocratie interne mais d’une réinvention de la gauche

Deuxième citation placée en exergue par Guy Decoupigny "Les fondations du Parti de Gauche... Attentif à la diversité des expériences en son sein, il est surtout un parti tourné vers l’avenir, conscient de la nécessité de réinventer la gauche".

Cette définition de la nature du PG me paraît effectivement décisive pour comprendre ce qu’il est aujourd’hui.

Si nous voulions inventer une nouvelle "théorie" pour notre nouveau parti, nous éclaterions vite du fait de " la diversité des expériences en son sein", particulièrement en raison des cultures politiques différentes qui y cohabitent (républicains, écologistes, ex-PCF, ex-trotskistes, ex autogestionnaires passés par le PSU, ex élus socialistes...).

Je ne dis pas que la "théorie" est moins importante que le programme ou l’organisation, je dis seulement que dans l’immédiat :

- des coordinations départementales ou nationales (de fait un Conseil national composé de délégués de tous les départements m’apparaît plus comme une coordination que comme un comité central) appuyées sur des commissions thématiques spécialisées gèreront mieux dans l’immédiat les étapes de la réinvention d’une théorie qu’une pratique de démocratie généralisée sur le sujet.

- dans le même temps, nous devrons trouver des moyens de formation et de débats irriguant toute l’organisation. Pour cela, mieux vaudra que cette formation et ces débats ne coïncident pas avec des enjeux de pouvoir. Enjeux théoriques et enjeux de pouvoir viendront naturellement. Mieux vaut les préparer que les précéder abstraitement.

Dirigeants et militants

Enfin, Guy aborde la nature du rapport entre dirigeants et simples adhérents « Le schéma "exécutants colleurs d’affiches" et cadres nationaux pensants n’est plus de mise ».

Je suis tout à fait d’accord mais la réalité est complexe.

- Dans une organisation aux projets politiques aussi dérangeants pour la classe capitaliste et pour tous les politiciens qui se satisfont de ce moule, je ne pense pas qu’il y aura une coupure importante entre exécutants et cadres nationaux inamovibles. Tout militant actif et implanté progressera rapidement dans les instances ; la suite ne dépendra pas de tel ou tel point de statut plus ou moins "démocratique" mais de la stabilité personnelle, de la formation, de la détermination, des qualités humaines de ce militant actif.

- La médiatisation personnalisation de la vie politique va être tellement difficile à assumer si nous maintenons notre projet anticapitaliste que le premier problème va être d’effectuer de bons choix de dirigeants, le second de les aider par l’existence de directions collectives utiles à la réflexion stratégique et théorique comme aux tâches politiques immédiates.

- Comment mettre en musique l’affirmation essentielle de Guy « Nos militants exigent une démocratie citoyenne » ? Sur le fond, dans des pays comme la France, démocratie interne la plus riche possible et efficacité politique vont de pair sur le moyen terme. Reste à trouver les chemins, les étapes pour y parvenir. Il sera probablement plus facile de progresser au niveau départemental et régional qu’au niveau national.

C) Tirer le bilan des scissions gauche de la social-démocratie française pour éviter les erreurs passées

Au 20ème siècle, la France a connu quatre scissions gauche significatives dans la social-démocratie :

C1) La création du Parti Communiste en 1920

J’en retire une expérience à ne pas revivre :

- > une croyance positiviste en une orientation politique juste (venue de la direction, en l’occurrence Moscou) correspondant à la marche de l’histoire.

- > du parti socialiste d’avant 1914 certains travers restent au début des années 1920 dans le nouveau Parti Communiste. Le souci théorique par exemple ne s’invente pas chez des élus venus de la social-démocratie.

- > le remplacement fréquent de dirigeants venus de la SFIO par des jeunes ayant une faible expérience politique amenant de l’activisme, des tensions internes et des pulsions gauchistes

- > Dans les faits, la direction nationale du PCF et les directions départementales se sont avérées alors très faibles, avec des pratiques politiques concrètes très diverses laissant place à des crises et des affrontements entre groupes locaux. Le parti ne doit pas être seulement une force militante disponible pour mener des campagnes ; il représente le levain du futur, d’où l’importance de le construire avec chaleur humaine, par des débats et un fonctionnement interne permettant la formation de cadres à tous les niveaux.

C2) les Pivertistes de la Gauche révolutionnaire puis le PSOP en 1938 (Marceau Pivert, Lucien Hérard, René Lefeuvre, Daniel Guérin, Michel Collinet, Colette Audry...)

Sur l’élan de la grève générale de 1936, du soutien aux Républicains espagnols, de la lutte antifasciste, ce Parti socialiste ouvrier et paysan quitte la SFIO après exclusion avec des forces (8000 à 10000 adhérents) nettement supérieures à celles du PG aujourd’hui. La Seconde guerre mondiale va évidemment peser lourd dans l’échec rapide du PSOP ; ceci dit, la façon dont il s’est largement évaporé en 1940 puis n’a pu se relancer à la Libération s’explique aussi par une structure héritée de la social-démocratie c’est à dire particulièrement une sous-estimation de l’importance de la centralisation organisationnelle (directions, campagnes, stratégie, relations unitaires, formation politique...).

C3) Le PSU (Parti Socialiste Unifié)

Il naît en 1960 dans un contexte de luttes anti-coloniales, de poussée mondiale anticapitaliste, de déliquescence de la social-démocratie, de crise du mouvement communiste international. Il regroupe rapidement des forces nombreuses (environ 30000 adhérents), de grande qualité généralement et ayant un poids politique important, nationalement comme dans les villes et régions françaises. Il s’agit d’un parti creuset, donc hétérogène, qui n’arrivera jamais à dépasser cette hétérogénéité. A Toulouse, dans les années 1968 à 1974, il était possible de distinguer des syndicalistes CFDT eux-mêmes divers, un courant proche du Nouveau Parti Socialiste, des chrétiens de gauche surtout présents dans le cadre associatif, des étudiants généralement proches du courant maoïste le plus ultra-gauche. Lors des élections municipales, il n’était pas rare de voir les groupes locaux adopter dans un même département des choix différents.

C4) Le MDC puis MRC de Jean-Pierre Chevènement

La nature de la majorité de la base militante de ce courant justifie de le classer parmi les scissions gauche de la social-démocratie lors de sa création, en 1993. Par contre, son réseau dirigeant, par delà ses intérêts politiciens momentanés a assez souvent relevé d’un républicanisme souverainiste au discours plus proche du républicanisme bourgeois que du socialisme jauressiste et de l’anticapitalisme internationaliste.

Connaissant assez bien une dizaine de groupes départementaux du Parti de Gauche, en particulier en Midi Pyrénées, je redoute un avenir du type PSOP ou PSU ; au plan national comme dans certains départements, le pire serait un poids trop important de dirigeants du même type que ceux du MRC. Quant aux questions de démocratie, je ne crois pas que nous puissions les poser indépendamment du lien entre progrès de la stratégie politique, progrès dans la qualité du corps militant et qualité des directions.

D) L’utilité et l’avenir du Parti de Gauche vont se jouer d’abord sur la réussite de nos objectifs politiques

Il est difficile de penser les questions actuelles d’organisation concernant le Parti de Gauche sans insister sur le fait que fondamentalement il n’a aucune place sur le champ politique français indépendamment de ses grands objectifs politiques :

- créer une organisation politique capable de contribuer à faire sortir la gauche française de sa crise actuelle d’orientation et d’action. Le Parti socialiste peut se maintenir à un haut niveau électoral comme simple force d’alternance dans le cadre du système électoral de la cinquième république sans jamais essayer réellement d’affronter les logiques du système capitaliste qui pourrissent notre société. Le Parti Communiste vient de subir lors des présidentielles 2007 le plus gros échec de son histoire. Le MRC et forces "républicaines" diverses ont buté sur la contradiction inhérente à leur nature : fondamentalement notre combat ne peut être la défense d’une république abstraite dans une France dite souveraine opposée à "l’Europe libérale" mais la défense des acquis républicain progressistes, la lutte anticapitaliste et la recherche d’une alternative au niveau de la France, de l’Union européenne et du monde.

- réussir à relancer par le Front de Gauche le projet d’unité de la gauche antilibérale française déjà marqué par quelques étapes :

- après le grand mouvement social de 2003 sur les retraites : 28 juin 2003 Appel pour une alternative à Gauche (dit Appel Ramulaud )

- durant la campagne contre le Traité Constitutionnel Européen au printemps 2005 Réunion des organisations anti-libérales, campagne pour le non au traité de constitutionnel

- après la victoire du Non au TCE Déclaration issue de la rencontre nationale des collectifs unitaires pour le Non

- par les Collectifs du 29 mai ASSISES NATIONALES et projet de charte n°3 des collectifs du 29 mai

- par l’ Appel POUR UN RASSEMBLEMENT ANTILIBERAL DE GAUCHE ET DES CANDIDATURES COMMUNES : IL Y A URGENCE ! Mai 2006

- par les nombreuses initiatives pour une campagne unitaire antilibérale lors de l’élection présidentielle 2007 :

* http://www.gauchemip.org/spip.php?r...

* http://www.gauchemip.org/spip.php?r...

- par la poursuite de cet objectif de rassemblement après l’élection présidentielle

http://www.gauchemip.org/spip.php?r...

- lancer le Front de gauche pour changer l’Europe, l’imposer par son succès comme une force politique d’avenir, comme un levier décisif face à l’Europe libérale, face au sarkozysme et pour reconstruire un projet politique anticapitaliste en France.

Ces objectifs sont tellement ambitieux pour les forces dont nous disposons que les adhérents, comités et groupes départementaux du PG vont, je crois, beaucoup se dépenser d’une campagne à l’autre, du soutien à une lutte à la préparation d’une réunion unitaire... que notre organisation va avoir du mal à se stabiliser avant le printemps 2012 (présidentielle et législative).

E) Donner la priorité à nos objectifs politiques n’empêche pas de débattre des questions d’organisation

Les questions d’organisation me paraissent justifier de répondre à Guy et poursuivre le débat pour au moins quatre raisons :

- L’article de Guy Decoupigny attire beaucoup de lecteurs. Cela doit être mis en relation avec un autre indice. En plus de 40 ans de militantisme, je n’avais jamais constaté une telle insistance sur l’importance du mode de fonctionnement, de la démocratie interne, des outils à se donner pour permettre aux adhérents de jouer un rôle central dans les décisions essentielles à prendre.

Les causes de cette soif de garanties démocratiques et politiques ne manquent pas : tragédie du stalinisme, évolution honteuse de la social-démocratie internationale, expérience des baronnies d’élus et de délégations de pouvoir accaparant informations et places à prendre, bureaucratisation du mouvement ouvrier y compris parfois dans le cadre syndical, impasse actuelle des Verts, critique de modes d’organisation bolcheviques de courants d’extrême gauche dans lesquelles beaucoup d’adhérents ne pouvaient trouver leur place... Les "garanties" pour ne pas éviter la déception sont au moins autant politiques (théorie, stratégie, programme) qu’organisationnelles ; ceci dit, comment contredire un militant qui veut, à juste titre, pouvoir influer sur l’histoire collective du parti auquel il adhère.

- Les perspectives à moyen et long terme du Parti de Gauche ( une république fondée sur la "participation citoyenne", la "préservation des écosystèmes planétaires", "une profonde redistribution des revenus entre le capital et le travail", "l’émancipation globale de la personne humaine"..) sont des mots creux sans l’outil d’une organisation, d’un intellectuel collectif. De plus, le mode de fonctionnement interne constitue nécessairement une preuve concrète de cette volonté émancipatrice.

Je crains cependant que le Parti de gauche ne dépasse pas vraiment le stade du chantier de construction avant les échéances politiques du printemps 2012. Il ne peut exister d’organisation indépendamment des individus aptes à la faire vivre localement. Le PG actuel m’apparaît seulement comme l’embryon de deux enfants à naître : un Front de Gauche représentant un mouvement populaire dans le pays et un vrai Parti de gauche, garantie de l’avenir de ce Front et de ce mouvement.

- le lancement du Parti de Gauche ne pouvait réussir mieux que ces deux derniers mois ; cependant, l’avenir ne sera pas toujours aussi dégagé

Félicitations à tous ceux et toutes celles qui ont été les acteurs de cette phase, en particulier Jean-Luc Mélenchon, François Delapierre, Alexis Corbière, Claude Debons, Eric Coquerel... J’espère que cela va continuer longtemps ainsi. Ceci dit, dans l’histoire d’une organisation politique autonome, arrivent parfois des moments difficiles où la solidité politique et organisationnelle de celle-ci joue plus que les qualités politiques, oratoires et tacticiennes des dirigeants. Il faut toujours raisonner les questions d’organisation en ayant en tête cette éventualité.

Donner la priorité à nos objectifs politiques ne doit pas empêcher de construire le Parti de Gauche comme une organisation contribuant à porter une alternative républicaine, socialiste, écologiste et internationaliste

Si nous ne faisons pas cela, nous risquons de nous retrouver comme la fourmi de la fable "lorsque la bise fut venue".

C’est en pensant à cela que j’insiste sur l’importance :

- de textes politiques nationaux réguliers sur les perspectives et les bilans. C’est là un moyen efficace pour que tous les adhérents puissent rester impliqués dans la vie du parti.

- de la clarification des fondamentaux politiques du PG, préalable à un travail efficace de formation politique

- de directions nationales aptes à faire vivre le parti. Le PG serait un parti pyramidal sans avenir si les principaux rapports présentés en Conseil national et principales interventions étaient seulement orales en comptant sur la capacité des membres du CN à retransmettre les idées développées. Tout cela doit être rédigé et publié, comme texte du parti et non sur un blog, sinon ils ne servent à rien. Les résolutions ont une autre fonction.

- de directions départementales absentes dans les "règles" actuelles du PG car une équipe départementale d’animation ne peut pas être simplement une coordination de délégués des comités de circonscription. Ces coordinations m’apparaissent comme indispensables mais elles ne vivront vraiment que si elles sont complémentaires d’un vrai secrétariat départemental.

- de lieux de coordinations (secteur, région...)

- La réinvention de la gauche doit concerner aujourd’hui tant la stratégie, la théorie que les modes d’organisation. Si nous réussissons sur ce dernier point, cela contribuera largement à notre crédibilité auprès des nombreux déçus mais aussi auprès d’adhérents ou sympathisants d’autres organisations.

Sur les désaccords et craintes de Guy Decoupigny vis à vis des règles nationales d’organisation actuelles du PG

- Des "règles d’organisation et de fonctionnement du Parti de Gauche" ont été distribuées le 29 novembre 2008 puis mises en ligne sur le site national (lien vers cet article) ; elles font l’objet de discussions.

J’ai, moi aussi, des désaccords importants avec ce texte national.

Ces règles diffusées nationalement sont provisoires, heureusement ; elles initient un débat qui sera poursuivi par la validation de statuts lors de ce congrès (provisoires jusqu’au congrès suivant qui aura peut-être lieu à l’automne 2009). En fait, nos statuts vont s’écrire sur un an en même temps que nous construirons notre organisation ; c’est une situation idéale pour débattre concrètement, rectifier les erreurs...

- Guy insiste sur son désaccord avec la structure pyramidale proposée par ce texte national :

« Que voulons-nous ?

Reproduire une organisation pyramidale type Parti Socialiste ? Bureau national, Conseil national, Secrétariat national..etc.. ?

Ce serait répéter les erreurs du passé. Dans l’urgence et le provisoire, nous pouvons l’envisager. Mais, après ? Parole et décision appartiennent aux adhérents.

Nos militants exigent une démocratie citoyenne fonctionnant de bas en haut et ne se laisseront plus abuser, ni imposer des structures, des règles, des idées concoctées par des experts ou des "think tanks" qui se trompent et manipulent l’opinion. »

Premièrement, la vraie structure du Parti Socialiste n’est pas pyramidale. Cette organisation politique fonctionne en fait autour de ses élus (particulièrement le gouvernement si la gauche en dispose, présidents de régions, maires des grandes villes, parlementaires).

Deuxièmement, pour franchir les étapes rappelées plus haut, le Parti de Gauche va avoir besoin d’ici 2012 d’une bonne direction politique nationale. Par ailleurs, je ne vois pas comment construire face au capitalisme un autre type d’organisation que pyramidale. Cela n’empêche absolument pas de faire fonctionner une démocratie citoyenne à la fois par en bas et par en haut ; en tout cas penser la vie démocratique d’une organisation politique seulement par en bas ne me paraît ni souhaitable, ni possible.

J’en viens à présent à trois souhaits exprimés par Guy :

« Nous souhaitons un parti de militants capables de penser par eux-mêmes... Nous n’acceptons aucune sous-traitance programmatique confiée à quelques économistes, sociologues ou philosophes, même si ces derniers peuvent servir d’aiguillon. »

Je suis tout à fait d’accord. Le problème, c’est comment faire éclore ces "militants capables de penser par eux-mêmes" ? Militant depuis bien longtemps, je considère cette question comme absolument décisive et extrêmement difficile à résoudre. Un nouvel adhérent n’est pas plus spontanément « capable de penser par lui-même » comme entité de base du parti qu’un enfant de maternelle n’est capable de réparer une automobile ou d’entrer à l’université ; il a besoin d’expérience militante, de vitalité démocratique collective et de formation.

« Nous n’avons nul besoin de théoriciens et de beaux parleurs, mais, avant tout, de bons faiseurs présents sur le terrain des luttes sociales. »

Cette dichotomie entre théoriciens et "bons faiseurs présents sur le terrain des luttes sociales" ne me convient pas. A mon avis, la question de la place spécifique des militants ouvriers syndicalistes dans le parti n’est pas abordée à tort dans le texte national d’organisation. Par ailleurs, tout parti se référant au socialisme a besoin de "théoriciens", c’est à dire d’adhérents capables de coucher par écrit une partie de programme, une référence historique intéressante, un bilan argumenté... Ces "théoriciens" doivent tout faire pour transmettre leur acquis personnel de façon à le faire fructifier collectivement.

« Par ailleurs, il importera aussi de laisser une large autonomie aux comités ou collectifs locaux, qui, seuls, connaissent les réalités territoriales et agiront ainsi au mieux de notre cause commune. »

Cette question de l’autonomie des comités locaux est complexe. Ils ont besoin d’une large autonomie pour leur dynamique locale propre mais le parti a besoin de cohérence liée à ses structures nationales sinon des comités locaux vont s’entre-déchirer sans cesse dans chaque département.

En conclusion, je souhaite que notre parti réussisse à mener de front, comme nous y invite Guy Decoupigny, :

- ses activités politiques en direction de la société
- sa construction comme parti démocratique.

Jacques Serieys

1ère partie) Texte original de Guy Decoupigny

Ceci ne représente qu’une première et modeste contribution, une nécessaire réflexion afin de susciter et de nourrir un sain débat. Les arguments présentés et les propos exposés ci-dessous résultent de nombreux échanges fructueux avec des sympathisants (300 environ) de France et de Navarre.

Préliminairement, quelques rappels et citations récentes. " Les décisions sur les grands principes de notre programme doivent être prises par l’ensemble des militants du parti et non seulement par une assemblée de délégués" (Oskar Lafontaine le 29 novembre 2008).

Autre extrait : "Les fondations du Parti de Gauche. Un parti creuset.... Attentif à la diversité des expériences en son sein, il est surtout un parti tourné vers l’avenir, conscient de la nécessité de réinventer la gauche".

A mon humble avis, ce noble objectif et cette ambition impliquent la fabrication et l’utilisation d’outils nouveaux, originaux, notamment relativement à notre mode de fonctionnement.

Que voulons-nous ?

Reproduire une organisation pyramidale type Parti Socialiste ? Bureau national, Conseil national, Secrétariat national..etc.. ?

Ce serait répéter les erreurs du passé. Dans l’urgence et le provisoire, nous pouvons l’envisager. Mais, après ? Parole et décision appartiennent aux adhérents.

Nos militants exigent une démocratie citoyenne fonctionnant de bas en haut et ne se laisseront plus abuser, ni imposer des structures, des règles, des idées concoctées par des experts ou des "think tanks" qui se trompent et manipulent l’opinion.

Nous souhaitons un parti de militants capables de penser par eux-mêmes. Le schéma "exécutants colleurs d’affiches" et cadres nationaux pensants n’est plus de mise et provoquerait un rejet suivi d’une rupture. Nous n’acceptons aucune sous-traitance programmatique confiée à quelques économistes, sociologues ou philosophes, même si ces derniers peuvent servir d’aiguillon.

Nous n’avons nul besoin de théoriciens et de beaux parleurs, mais, avant tout, de bons faiseurs présents sur le terrain des luttes sociales.

Par ailleurs, il importera aussi de laisser une large autonomie aux comités ou collectifs locaux, qui, seuls, connaissent les réalités territoriales et agiront ainsi au mieux de notre cause commune.

" Un parti nouveau. Le PG veut bâtir sa doctrine et un fonctionnement original, en particulier en matière de démocratie et de culture populaire. Il est donc un parti en chantiers sur son projet, ses programmes, son organisation. Des chantiers auxquels nous appelons à participer toutes celles et ceux qui souhaitent nous rejoindre."

Alors, camarades, creusons nos méninges.

Cogitons et nous serons.

L’imagination au pouvoir.

Guy Decoupigny (PG Ariege) 18 décembre 2008


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