ATTAC La mondialisation de quoi, comment, pour qui ? (5 Les résistances à la mondialisation des marchés)

samedi 24 décembre 2016.
 

La mondialisation, dans sa forme actuelle, n’est pas un processus inéluctable, loin de là, d’abord parce que chacun des acteurs que nous avons retenu est constitué d’une pluralité de membres qui sont loin d’être en accord les uns avec les autres, ensuite parce que les citoyens et les citoyennes, de même que leurs groupes et associations, sont loin d’avoir dit leur dernier mot à ce sujet.

1- Et nous là-dedans !

Nous ne sommes pas le tiers-monde, mais la population s’appauvrit et les écarts se creusent entre les riches et les pauvres. Le système de santé est encore important, mais l’accessibilité aux services est réduite et une privatisation sournoise s’installe qui est en train de mettre en place un système à deux vitesses.

L’école publique est toujours là, mais les conditions d’apprentissage se détériorent. Il y a encore des syndicats, mais la proportion de syndiqués dans la population active diminue à chaque année et il y a de plus en plus de travailleurs et de travailleuses autonomes qui vivent et survivent dans des conditions précaires. Il y a encore des conventions collectives, mais de nombreux syndicats ont accepté des concessions. Il y a encore l’ex-assurance-chômage, dite assurance-emploi, et l’assistance sociale, mais les protections qu’elles accordaient ont été considérablement réduites en même temps que les conditions d’éligibilité étaient accrues. Il existe encore des politiques sociales comme les pensions de vieillesse du Canada et les allocations familiales, mais elles ne sont plus universelles.

Nos gouvernements subventionnent même de très grosses entreprises, mais c’est pour sauver des emplois disent-ils. Les entreprises payent moins d’impôts, mais c’est pour favoriser la création d’emplois, nous assure-t-on. Pourtant, souvent, les emplois ne sont pas au rendez-vous.

Parmi les politiques sociales attaquées, certaines avaient été élaborées pour protéger le capitalisme des risques d’une autre crise comme celle des années trente. On parle dans ce cas d’une crise de surproduction ; autrement dit, même ceux qui travaillaient n’avaient pas assez d’argent pour acheter les biens produits. Et les capitalistes préféraient les détruire plutôt que les vendre à rabais ou les donner. Peut-on craindre de se retrouver dans une situation semblable ? Le capitalisme est-il en train de scier la branche sur laquelle il est assis à force d’attaquer les droits des travailleurs et des classes populaires ?

Et nos gouvernements essaient de faire croire à la population qu’ils n’ont pas d’autres choix. C’est la faute de la mondialisation.

2- Que faire ?

Que pouvons-nous ? Pendant que nos dirigeants répètent qu’il faut être compétitif, qu’il faut couper encore dans la santé, l’éducation, les politiques sociales, pendant que les banques font des bénéfices records pour la sixième année consécutive et que les grandes entreprises enregistrent des profits records, il faut envisager de reprendre des initiatives !

- Au déficit zéro, opposons le déficit démocratique, humanitaire et social.

- Au déficit zéro, opposons l’appauvrissement zéro !

Il se fait beaucoup de choses pour essayer de changer le cap : des petites actions, des plus grandes et ce, au plan local, régional, national et international.

Une autre revendication qui fait son chemin, c’est celle d’exiger l’imputabilité des organisations économiques internationales.

DES EXEMPLES D’INITIATIVES ET D’ACTIONS

À propos des accords de libre échange

Dans chaque région du monde, des actions multiples sont menées pour infléchir le cours des négociations. Ce n’est pas pour un retour au statu quo ni pour revenir à un protectionnisme étroit comme le répètent les tenants du grand capital, mais pour que tous les acteurs participent à la définition d’échanges plus équilibrés et plus justes, susceptibles de favoriser le mieux-être économique, au lieu d’accroître les inégalités et l’appauvrissement.

Au niveau des Amériques, un réseau d’information et de mobilisation se tisse et se développe. Le Réseau québécois sur l’intégration continentale (RQIC) en fait partie. À ce titre, le Réseau est un des promoteurs les plus actifs de la constitution d’une Alliance sociale continentale. Au sein de ce réseau s’élaborent des revendications pour que les droits humains, civils, politiques, économiques, sociaux et culturels, les droits du travail, des femmes, des autochtones de même que la protection de l’environnement bref, que tous ces droits qui sont déjà reconnus et sanctionnés par des accords internationaux existants, soient réaffirmés, que leur validité soit reconnue et que leurs dispositions soient sanctionnées avant que l’on procède à élargir ou à approfondir les accords de libre échange.

Dans l’Etat du Chiapas au Mexique, c’est à l’occasion même de l’entrée en vigueur de l’ALENA, le premier janvier 1994, que l’Armée zapatiste de libération nationale (EZLN) qui se bat pour la défense des droits collectifs des autochtones s’est manifesté pour la première fois et a donné le coup d’envoi à la mondialisation de sa lutte. Le mouvement Zapatiste se sert beaucoup d’Internet et des technologies nouvelles de l’information pour se faire connaître, gagner des appuis et tisser des solidarités. Le mouvement est aussi à l’origine de rassemblements mondiaux qui travaillent à l’élaboration d’alternatives pour un monde meilleur.

À propos des zones franches et de la croissance des multinationales

Le Bureau international du travail (BIT), dans un rapport publié en 1998, évalue à 27 millions le nombre de salariés dans 845 zones franches. Le rapport dénonce les conditions de travail qui prévalent dans ces zones : salaires bas, longues heures de travail, insalubrité, prix exorbitants des loyers. Les normes du travail et les relations professionnelles imposées dans ces zones sont également sévèrement critiquées.

À propos des programmes et politiques d’ajustement structurel

Nous avons vu que ces programmes et politiques imposés ou assumés volontairement par les gouvernements, loin de régler les problèmes de la dette publique qu’ils prétendaient résoudre, ont bien souvent eu pour effets de les aggraver. Ces effets néfastes sont dénoncés et des solutions sont proposées.

La revendication de l’abolition de la dette des pays les plus pauvres est portée par un nombre croissant d’organismes nationaux et internationaux. En ce moment, la pétition Jubilé 2000 circule dans le monde entier réclamant que cette dette soit complètement abolie pour les quarante-sept pays les plus pauvres de la planète. L’objectif a été de présenter ces millions de signatures en juin 1999 au sommet du G-8 à Cologne, en Allemagne. Si un accord de principe semble acquis, le dossier doit être suivi.

Au cours de la catastrophe provoquée par l’ouragan Mitch, des gouvernements ont proposé un moratoire sur le paiement de la dette aux pays les plus affectés. Que sait-on des résultats de cette mesure et de ses effets sur les populations touchées ?

L’ajustement structurel a également causé la réduction des politiques sociales et l’appauvrissement des populations. Là aussi, des fronts de luttes ont été organisés.

Au Québec, face à la politique du déficit zéro, le mouvement populaire réclame que l’on sanctionne plutôt une politique de pauvreté zéro et soumet un projet de loi qui viserait l’élimination de la pauvreté. La relance de la bataille pour le rétablissement de nos politiques sociales et pour la remontée du niveau de vie est également à l’ordre du jour.

Dans plusieurs pays, la mobilisation s’est exprimée dans la rue à plusieurs reprises au cours des dernières années. Des attaques aux droits sociaux ont ainsi été bloquées.

Au Québec, en 1998, des militants et des militantes des mouvements communautaire et étudiant ont mis sur pied une coalition pour s’opposer à l’AMI, dénoncer le manque de transparence des négociations et sensibiliser la population face aux dangers d’un tel accord. Cette coalition a mené l’Opération SalAMI qui s’est traduite par une manifestation en mai 1998 qui a retardé la tenue d’un colloque à l’hôtel Sheraton où se tenait la 4e Conférence internationale de Montréal sur la Mondialisation des économies. Ce type de mobilisation a montré la nécessité de combiner nos forces pour mieux faire face à des problèmes communs, mais aussi l’importance d’inventer de nouvelles résistances, surtout parce que l’AMI n’est pas mort, il n’a été que déplacé à l’OMC. La vigilance s’impose.

Ces exemples et bien d’autres nous font voir que les forces sociales opposées aux intérêts dominants sont en action. La mobilisation, qu’elle vise l’opposition radicale ou la revendication de droits anciens ou nouveaux, se poursuit. Devant l’ampleur des moyens mis en oeuvre par le grand capital, il n’y a pas de petites actions.

Par ailleurs, face aux multinationales qui opposent travailleuses et travailleurs de divers pays entre eux, les syndicats construisent de nouvelles stratégies internationales, comme ce fut le cas en 1995-96 lorsque le syndicat affilié à la CSN de l’usine Bridgstone / Firestone à Joliette, en grève depuis plusieurs mois, a établi des actions concertées avec les grévistes de la même entreprise aux États-Unis, en Afrique de Sud et aux Philippines, ainsi qu’avec leurs confrères salariés de B/F dans une douzaine d’autres pays pour en arriver à un règlement satisfaisant.

Il faut informer et s’informer

Tous les jours, les journaux rapportent des faits concernant la mondialisation. Si nous voulons infléchir le cours actuel des choses, il faut nous donner des moyens et entretenir notre sens critique. Par exemple, quand le maire Bourque, à propos de l’eau, évoque un éventuel partenariat, il faut bien voir qu’il s’agit de privatisation. Quand on nous parle de « re-ingeneering », de rationalisation, de fusion, il faut s’attendre à des pertes massives d’emplois.

En petits groupes, faire des réunions de cuisine (ou de salon) pour s’informer, comprendre, c’est faire un premier pas pour sortir de la morosité qui, il faut bien le reconnaître, fait partie de notre paysage militant depuis quelques années.

Réinvestir les lieux de résistance à la dégradation de nos conditions de vie, pour le droit à des revenus décents, à l’éducation et à des soins de santé de qualité, en est un autre moyen d’intervenir. Un autre élément central de cette dynamique réside dans le développement d’un syndicalisme mondial efficace et démocratique. Dans cette même foulée, la mise en réseau des expériences innovatrices et des luttes politiques, sociales et économiques contribue à la mondialisation de nos solidarités.

Le droit à la terre, l’accès à l’eau potable, le droit de se nourrir, de se chauffer, de disposer d’un habitat convenable sont des droits universels.

Il faut donc intervenir pour que la solidarité internationale fasse partie des priorités dans nos organisations et être attentif aux campagnes internationales de soutien à ces luttes menées par les ONG, les organisations syndicales, populaires et communautaires.

Il faut aussi par exemple :

- intervenir au quotidien comme consommateur, travailleur, citoyen, citoyenne. Intervenir pour que l’investissement de nos propres fonds de pension respecte des critères de développement durable et responsable ;

- intervenir contre l’augmentation des frais bancaires qui ne sont soumis à aucune réglementation pendant que des emplois sont coupés et que les services diminuent ;

- faire pression collectivement pour que nos gouvernements se réapproprient les prérogatives souveraines qu’ils ont cédées dans des accords de libre échange et qu’ils renversent la vapeur pour mettre au pas le grand capital.

Il faut également se pencher sur le problème des investissements spéculatifs internationaux et des effets extrêmement dommageables qu’ils continuent de causer un peu partout. Certains proposent comme remède l’imposition de la taxe Tobin, une taxe de 0.1% sur les transactions financières internationales qui permettrait de récolter 166 milliards de dollars par an, soit suffisamment pour atténuer de façon significative des problèmes liés à la pauvreté dans le monde, tandis que d’autres considèrent que cette mesure n’est pas adéquate.

Penser globalement, agir localement

À la grandeur de la planète, par le truchement d’Internet, en particulier, une certaine mondialisation des solidarités s’organise. De grands chantiers se mettent en branle auxquels le mouvement progressiste québécois participe :

- Le chantier de la finance pour redonner préséance au politique sur l’économique : la poursuite d’une mobilisation contre une nouvelle version de l’AMI, le maintien des actions pour l’annulation de la dette des pays du tiers monde, les recherches en vue d’élaborer une charte des devoirs et des obligations des investisseurs et des spéculateurs ;

- Le chantier du travail et de l’emploi axé sur le droit au travail et à la sécurité sociale pour tous ;

- Le chantier contre les privatisations , particulièrement de l’électricité, de l’eau et d’autres entreprises et services et publics ;

- Le chantier de l’environnement pour la préservation des ressources naturelles de la planète, le monde appartenant à tous les habitants de la terre ;

- Le chantier de l’information pour la préservation du droit du public à l’information et à l’indépendance des médias ;

Il n’y a pas de petites actions, chaque geste de résistance à l’emprise du grand capital sur nos vies, à l’échelle locale, nationale ou internationale, contribue à l’avancement des travaux de l’un ou l’autre de ces chantiers planétaires.

Mettre en synergie les luttes multiples et variées contribuera à la reconquête de la capacité de construire un monde solidaire fondé sur un développement durable.

Nous sommes six milliards d’êtres humains sur terre. Une poignée d’entre eux détient le grand capital et cherche à nous asservir. Allons-nous nous laisser faire ?


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