Institutions L’autre réforme (par PRS national dans A Gauche)

dimanche 25 mai 2008.
 

Bien sûr il faut changer ces institutions. Tous les indicateurs de la crise politique française sont bloqués dans le rouge. Et la répétition inlassable des mêmes symptômes par delà les alternances, même remportées dernièrement au nom de la rupture, montre que la Cinquième République pèse sur les législatures successives comme un carcan inadapté à notre temps. Le problème, c’est que Nicolas Sarkozy cherche à réformer la Constitution dans un sens qui ne règlerait aucun facteur de crise et les aggraverait tous.

La semaine que nous venons de vivre avait un air de déjà vu. Un an après sa mise en place, la présidence de Sarkozy a déjà le visage ravagé qu’avait celle de Chirac en fin de règne. C’est dire à quel point l’usure du régime s’accélère. Les politiques menées par le gouvernement suscitent un rejet large et multiforme. La Cinquième République ayant réduit toute la vie politique du pays à l’élection présidentielle, le Parlement n’est pas le lieu où ces contradictions s’expriment pour se résoudre tandis que l’opposition se contente pour l’essentiel de préparer la désignation de son candidat pour 2012. En attendant, le mécontentement peut s’exprimer uniquement dans la rue qui accueille pêle-mêle enseignants, parents d’élèves, lycéens, pêcheurs, sidérurgistes, fonctionnaires, chercheurs, sans papiers, travailleurs délocalisés...

Pour retrouver un peu d’air, le président de la République cherche à recréer les conditions de l’élection présidentielle. Son rapport prétendument singulier avec le pays (De Gaulle déjà se vantait de « regarder la France dans les yeux ») est mis en scène jusqu’à la nausée. Sarkozy se présente inlassablement comme l’unique dépositaire, et l’interprète exclusif, du « mandat » des Français, même lorsqu’il s’agit de faire plier sa propre majorité parlementaire, pourtant élue elle aussi au suffrage universel. Pour réactiver la mystique plébiscitaire, il se saisit des questions que les sondages désignent comme largement partagées par « l’opinion », comme le service minimum à l’école. Et se présente comme celui qui donnera satisfaction au peuple contre tous les pouvoirs en place : contre les syndicats, contre les gouvernements successifs « qui n’ont rien fait », contre les parlementaires qui se réfugient dans l’immobilisme de peur d’être impopulaires... Comme en 1958, la légitimé présidentielle semble ne pouvoir se construire que dans l’affrontement avec toutes les autres formes de représentation, partis, Parlement, Gouvernement. Ce président à la fois irresponsable et omniprésent, omnipotent et impuissant, tel qu’il découle du texte constitutionnel, apparaît bien comme la cause principale de la crise démocratique et donc comme celle du régime.

Or la réforme institutionnelle proposée par Sarkozy aggrave ce travers originel. C’est pourquoi elle doit être combattue. Il y a d’abord sur ce point une question de diagnostic. Soit l’on pense que les institutions fonctionnent plutôt bien, bon gré mal gré, et qu’il est seulement nécessaire de les toiletter. Soit l’on estime qu’elles sont en crise profonde et qu’il faut les renouveler profondément. Telle était la position affichée par Sarkozy pendant la campagne. Telle devrait être celle d’une gauche qui ne pourra pas changer demain le pays si elle fait une nouvelle fois l’économie d’une sixième république. Et on peut penser que les changements défendus par la gauche par la droite ne sont pas compatibles, vu que leurs objectifs diffèrent radicalement. Le contenu de la réforme Sarkozy le confirme. Elle ne remet pas en cause les fondements malsains du régime : elle les aggrave. Elle refuse un véritable rééquilibrage en faveur du Parlement, elle affaiblit le premier ministre au profit du président, elle donne à ce dernier le droit de convoquer les parlementaires à tout moment à Versailles pour leur signifier ses volontés. On peut donc dire que cette réformerait renforce la pulvérisation du champ politique réduit de plus en plus à un « dialogue » qui n’en est pas un entre un président isolé et une « opinion » atomisée.

Il y a un aveuglement délétère dans la fuite en avant de Sarkozy. Faire chaque jour davantage du président la « clef de voûte » de nos institutions, c’est réduire sans cesse l’assise du régime. C’est faire reposer toute la chaîne sur son maillon le plus faible. C’est accroitre les chances d’une crise de régime ouverte. C’est pourquoi la gauche a raison de ne pas y prêter main forte. Le contenu de ce projet constitutionnel n’est pas le nôtre. Il n’est pas en mesure de résoudre la crise politique du pays. Il ne peut que la précipiter, et, lorsqu’elle éclatera, laisser sans crédibilité politique ceux qui y auront consenti.


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