L’affrontement entre les Républicains et la droite sur la Révolution française durant la 3ème République

jeudi 28 avril 2022.
 

1) Débat parlementaire sur le choix du 14 juillet comme date de fête nationale le 8 juin 1880

2) Georges CLEMENCEAU : Extraits d’intervention à la Chambre des députés, 29 janvier 1881

« La République adopte la date du 14 juillet comme jour de fête nationale. »

Débat parlementaire sur le choix du 14 juillet comme date de fête nationale.

8 juin 1880

Antoine Achard, député radical de la Gironde, présente, à la séance du 8 juin 1880, le rapport de la vingtième commission sur la proposition de loi de M. Raspail : « La République adopte la date du 14 juillet comme jour de fête nationale. » :

« - Nous avons à vous faire connaître les motifs de sa décision.

L’organisation d’une série de fêtes nationales rappelant au peuple des souvenirs qui se lient à l’institution politique existante est une nécessité que tous les gouvernements ont reconnue et mise en pratique. Le rapporteur : « N’est-ce pas un sentiment élevé, impérieux que celui qui pousse les citoyens d’une République aux manifestations collectives, par lesquelles leur esprit se retrempe, se raffermit, où les coeurs fraternisent, où chacun, oubliant la lutte douloureuse pour l’existence, se fond dans un milieu irrésistible de solidarité patriotique... » (Bruits.)

Cuneo d’Ornano : « On n’entend rien ! Attendez le silence ! »

Le rapporteur : « Les grands, les glorieux anniversaires ne manquent pas dans notre histoire. Celui qui vous est désigné est mémorable à double titre ; il rappelle en effet la prise de la Bastille le 14 juillet 1789 et la grande Fête de la Fédération célébrée le 14 juillet 1790. [...] Le peuple, du reste, n’a jamais hésité sur la signification de la date du 14 juillet qu’il a toujours célébrée de préférence à toute autre ; sa fête à lui, parce qu’elle était la fête de la Liberté et de la Patrie. C’est donc, en quelque sorte, la consécration légale d’une fête populaire que vous demandent les auteurs de la proposition dont nous venons de vous entretenir. Votre commission d’initiative ne doute pas, Messieurs, que vous la preniez en considération. » (Applaudissements à gauche.) [...]

De la Rochefoucauld, duc de Bisaccia, monte à la tribune : « Messieurs, je viens m’opposer énergiquement à la proposition qui vous est faite. Je serai très bref... Je rappellerai, Messieurs, une parole de Monsieur Thiers qui a dit que la République tombe forcément dans l’imbécillité ou dans le sang. (Exclamations au centre et à gauche.)

Cette date que vous choisissez pour établir la fête de la paix, cette date que Monsieur le rapporteur a déclarée glorieuse, quelle est-elle en fait ? Quatre-vingts malheureux invalides ont été égorgés par une population en fureur. Voilà la vérité. » (Rumeurs à gauche.)

Plusieurs membres à droite : « L’histoire est là pour le prouver ! »

De la Rochefoucauld : « Mettez la République sous une telle invocation si vous le voulez, quant à nous, nous nous contenterons de protester et de regarder avec dédain vos fêtes. » [...]


« La Révolution française est un bloc. Elle n’est pas finie. Elle dure encore. » Georges CLEMENCEAU Extraits d’intervention à la Chambre des députés, 29 janvier 1881.

Assurément, on n’a pas osé faire ouvertement l’apologie de la monarchie contre la République. On ne pouvait pas le faire à la Comédie-Française. On a pris un détour, on s’est caché derrière Danton. Depuis trois jours, tous nos monarchistes revendiquent à l’envi la succession de Danton. (Rires et applaudissements à gauche. Interruptions à droite.)

J’admire, quant à moi, combien de dantonistes inattendus ont surgi tout à coup de ce côté (la droite) de la Chambre. (Applaudissements à gauche et au centre.) Toute cette comédie n’eût pas dû revivre ici. Il est temps d’en finir avec toutes ces tartufferies indignes de cette Assemblée. (Interruptions et bruit.) Je dis et je répète puisqu’on m’interrompt, que la pièce est tout entière dirigée contre la Révolution française. Voyez donc qui l’applaudit et dites-moi qui pourrait s’y tromper. Mais voici venir M. Joseph Reinach qui monte à cette tribune entreprendre le grand oeuvre d’éplucher à sa façon la Révolution française. Il épluche en conscience et, sa besogne faite, nous dit sérieusement : Je garde ceci, et je rejette cela ! (Vifs applaudissements à gauche.) M. Joseph Reinach. Mais vous-même vous n’acceptez pas Thermidor ! M. Clemenceau. J’admire tant d’ingénuité. Messieurs, que nous le voulions ou non, que cela nous plaise ou nous choque, la Révolution française est un bloc... (Exclamations à droite. Nouveaux applaudissements à gauche.) M. Montant. - Indivisible ! M. Clemenceau. ... un bloc dont on ne peut rien distraire (réclamations à droite. Applaudissements prolongés à gauche) parce que la vérité historique ne le permet pas. ... Ah ! Vous ne voulez pas du tribunal révolutionnaire ? Vous savez cependant dans quelles circonstances il a été fait. Est-ce que vous ne savez pas où étaient les ancêtres de ces messieurs de la droite ? (Double salve d’applaudissements à gauche et sur plusieurs bancs au centre. Protestations à droite.) ... Et maintenant, si vous voulez savoir pourquoi, à la suite de cet événement sans importance d’un mauvais drame de la Comédie française, il y a eu tant d’émotion dans Paris, et pourquoi il y a à l’heure présente tant d’émotion dans la Chambre, je vais vous le dire. C’est que cette admirable Révolution par qui nous sommes, n’est pas finie, c’est qu’elle dure encore, c’est que nous en sommes encore les acteurs, c’est que ce sont toujours les mêmes hommes qui se trouvent aux prises avec les mêmes ennemis. Oui, ce que nos aïeux ont voulu, nous le voulons encore. (Applaudissements à gauche.) Nous rencontrons les mêmes résistances. Vous êtes demeurés les mêmes ; nous n’avons pas changé. Il faut donc que la lutte dure jusqu’à ce que la victoire soit définitive. En attendant, je vous le dis bien haut, nous ne laisserons pas salir la Révolution française par quelque spéculation que ce soit, nous ne le tolérerons pas ; et, si le gouvernement n’avait pas fait son devoir, les citoyens auraient fait le leur. (Applaudissements répétés à gauche. L’orateur, en regagnant son banc, est félicité par un grand nombre de ses collègues.)


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