Non, l’obésité n’est pas une maladie

lundi 11 mars 2024.
 

On voudrait faire passer l’obésité comme une « maladie » qui, au niveau mondial, serait une « pandémie ». Alors que l’obésité est juste un symptôme qui a de multiples déterminants dont la majorité ne sont pas biophysiques mais économiques et culturels. La preuve par la géographie, à trois jours de la journée mondiale de l’obésité. (Gilles Fumey)

La dernière étude de The Lancet (parue ce 1er mars) montre que l’obésité progresse dans le monde. Depuis quelques années, elle était présentée comme une fatalité (on parlait « maladie de civilisation » touchant les pays riches). Depuis peu, on la voit progresser à deux chiffres dans les pays les moins riches du monde ou ceux qui sont en transition vers un niveau de vie occidental. L’obésité avec le surpoids, cinquième cause de décès dans le monde, est une source de pathologies multiples (diabète de type 2, maladies cardiaques, hypertension artérielle, cancers…). D’après le journal scientifique britannique, 880 millions d’adultes et 160 millions d’enfants et adolescents étaient obèses en 2022, les femmes à hauteur de 57% et chez les jeunes, en majorité les garçons.

Pour Francesco Branca (OMS), différentes formes de malnutrition liées à « un manque d’accès à des régimes alimentaires sains » expliquent cette progression de l’obésité. À l’échelle mondiale, la progression de l’obésité touche surtout les pays à revenu faible ou intermédiaire, du fait des modifications des systèmes alimentaires. Dans certains pays riches, il semble que le « plateau », relevé par l’auteur de l’étude britannique, Majid Ezzati, pourrait être lié aux politiques de nutrition et de santé publique, une meilleure information telle que peut en donner le NutriScore ou l’importance d’une activité physique. Ceci est à confirmer par de nouvelles études.

Parmi les aspects économiques et culturels, comme peut le montrer la carte de l’obésité en France avec des écarts importants (8 points entre deux régions Île-de-France/Hauts-de-France), on met en avant la pauvreté qui éloignerait une majorité d’habitants des nourritures fraîches et locales. Alors que dans le sud de la France où les marchés sont plus nombreux et dans la région nantaise où l’activisme paysan est porté par un militantisme catholique, la prévalence de l’obésité est nettement moins forte. Dans le régime alimentaire des populations du Nord, les glucides (frites, bière) sont présentés comme produits « culturels » tout comme les très abondantes charcuteries alsaciennes alliées aux pâtisseries nombreuses. Aller au marché et faire la cuisine nécessite plus de culture que d’acheter des plats préparés peu chers. Ce choix est en rapport avec le niveau socio-culturel. Les familles les moins aisées ont des enfants et adolescents qui seraient plus exposés, du fait d’activités sédentaires (les données manquent encore), une mobilité plutôt motorisée.

Pourquoi si peu de recherches sur l’exposition de certaines classes sociales au matraquage publicitaire et à la grande distribution, les deux étant liés ? La convention Climat voulue par M. Macron avait demandé un meilleur encadrement de la publicité pour freiner la surconsommation. Toute la presse quotidienne régionale en France est inondée de publicités des distributeurs contre lesquels il est interdit de pointer le moindre manquement à la qualité des aliments. Sous peine de boycott... Pourquoi nier que le sucre est une denrée bon marché qui cible des populations vulnérables pour lesquelles le rôle de la génétique ou de la flore intestinale dans l’obésité a bon dos ? En Italie où la très grande majorité ne prend pas de petits déjeuners, sinon le café serré, le surpoids des adultes est plus faible qu’en France, sauf lorsque vient l’âge.

La France peut se gausser d’être vue par les chercheurs britanniques, majoritaires dans l’étude, comme une « bonne élève » dans le sens où l’obésité chez les femmes baisserait et chez les hommes marquerait le pas. Pour la Ligue de santé publique, l’obésité la plus sévère n’aurait pas encore achevé sa progression. Mais cette étude confirme le fait que la courbe de l’obésité est directement corrélée au niveau social : il faut compter 24,5% de prévalence parmi des personnes ayant un niveau d’éducation du primaire contre 7,3 % chez les diplômés du supérieur (Bac + 5 et au-dessus).

On revient de loin. Il a fallu les associations et les réseaux sociaux pour contraindre l’Inserm à faire mention dans ses études de l’impact de l’alimentation industrielle. On nous balade encore sur « la réduction de l’activité physique » des gens en surpoids ou obèses, sur « la taille des portions », « la plus grande densité énergétique » des aliments, « la disponibilité de l’alimentation », « l’évolution des prix alimentaires », on incrimine les modes de vie (dans le fourre-tout, « la télévision, les jeux vidéos, l’utilisation des transports en commun »). On promène les Français encore plus loin avec « la génétique, l’environnement, le stress, la flore intestinale, l’exposition aux polluants » qui sont tous des pistes de recherches honorables. Mais à tourner autour du pot de certaines industries agroalimentaires sans jamais les nommer, on a longtemps ressenti comme une forme de malaise avec un parfum de lâcheté.

En effet, cette mention « Mangez bougez » (voir plus loin) du Plan national nutrition santé (PNNS) éclaire moins les mangeurs qu’elle disculpe les industriels des publicités pour leurs nourritures jugées peu saines. Le PNNS recommande ainsi cinq fois par jour des fruits ou des légumes, trois fois des produits laitiers (le lobby laitier dit merci), des féculents, une à deux fois par jour (sic) de la viande, du poisson ou des œufs, en limitant les matières grasses (argument très contesté depuis quelques années), les produits sucrés, le sel, l’eau et la pratique d’une activité physique équivalente à 30 mn de marche rapide pour les adultes, une heure pour les enfants et les adolescents.

Il n’est pas mentionné la très forte pression environnementale qui pousse à des recommandations de manger moins de viande (une à deux fois par semaine ?), l’explorateur Jean-Louis Étienne, par ailleurs nutritionniste, ayant témoigné lors d’une conférence à l’Académie d’agriculture « qu’une fois par semaine » était suffisant pour lui. Le prochain PNNS va sans doute se contredire (il appelle cela « évoluer ») une nouvelle fois.

Suivons Nicole Darmon, directrice de recherche en nutrition à l’Inrae : « J’interprète les conseils du PNNS de la façon suivante : vous pouvez remplacer 1 steak dans votre semaine par 1 escalope de volaille, sans avoir de viande rouge du tout. » Au total, en jonglant entre la viande, les légumineuses, les céréales et le poisson, et sous réserve de respecter les consignes officielles, « il y a de multiples manières d’arriver à une alimentation équilibrée en termes de nutriments ».

Pour l’information, combattons l’offre industrielle, comme ce fut le cas avec l’interdiction des distributeurs de boissons dans les établissements scolaires. Taxons les sodas comme le font certaines villes américaines. Légiférons sur les terres agricoles autour des villes en développant des modes démocratiques de protection de la biodiversité. Encourageons la conversion de l’agrochimie vers l’agroécologie. Cessons de parler de « maladie de l’obésité » quand il s’agit de comportements encouragés par des pratiques industrielles et commerciales condamnables.

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Le corps gros, une construction sociale ?

Le rôle de la publicité des industriels à destination des enfants.

Une critique des politiques publiques de santé en France.


Ce qu’on lit sur le site Manger bouger

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