Entre Israël et le Secrétaire Général de l’ONU, une crise autour de la catastrophe humanitaire de Gaza

jeudi 9 novembre 2023.
 

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Antonio Guterres, le Secrétaire Général des Nations Unies, est une personnalité affable, pas du genre à attirer la polémique. Hier pourtant, le gouvernement israélien a demandé sa démission, et a pris des mesures de rétorsion contre les Nations Unies. Un clash inhabituel, révélateur du climat dans ce Proche-Orient en guerre.

L’objet du délit : une déclaration d’Antonio Guterres, mardi, devant le Conseil de Sécurité de l’ONU. L’ancien premier ministre portugais a déclaré que l’attaque terroriste du Hamas le 7 octobre ne s’était pas produite dans un « vide », mais dans le contexte « d’une occupation étouffante » de 56 ans. Il avait bien pris soin d’ajouter que « les griefs du peuple palestinien ne peuvent justifier les attaques effroyables du Hamas », Mais aussi, que « ces attaques effroyables ne peuvent justifier la punition collective du peuple palestinien ».

Chaque mot est pesé, et en aucun cas, le Secrétaire Général de l’ONU ne trouve des excuses aux actions du Hamas comme le lui reproche Israël. Rappeler un contexte n’est pas justifier. Mais il est clair qu’Antonio Guterres, qui parle au nom de l’organisation mondiale et pas d’un pays occidental, s’est exprimé de manière plus « cash » que tous les dirigeants européens ou américains dont la parole est beaucoup plus dans la retenue depuis le 7 octobre.

La virulence de la réaction de l’État hébreu, en demandant la démission du Secrétaire Général, s’explique bien sûr par l’ampleur du traumatisme subi par la société israélienne le 7 octobre. Les Israéliens sont toujours sous le choc et pas prêts à entendre des critiques perçues comme autant de justifications du terrorisme.

Mais ce n’est pas la seule explication. Le Secrétaire Général de l’ONU ne s’est pas contenté d’analyser le passé : il a dénoncé le présent, c’est-à-dire la manière dont l’État hébreu mène sa guerre dans la bande de Gaza. « Même la guerre a des règles », a-t-il dit, en exigeant que toutes les parties, en l’occurrence Israël, respecte le droit humanitaire international.

Impuissantes politiquement, les Nations Unies sont particulièrement bien placées pour juger de l’impact humanitaire : leur organisation spécialisée, l’UNRWA, apporte depuis 1948 une aide vitale à quelque 5 millions de Palestiniens, y compris dans les pays voisins. A Gaza, 600 000 civils déplacés sont sous sa protection, et 35 membres de son personnel sont morts sous les bombes ces deux dernières semaines.

Hier, Israël a annoncé avoir refusé d’accorder un visa au chef de la branche humanitaire des Nations Unies, Martin Griffith. « Il est temps de leur donner une leçon », a déclaré l’ambassadeur d’Israël à l’ONU, Gilad Erdan.

Là non plus, cette crise n’éclate pas dans un vide. Les relations entre l’UNRWA et Israël sont depuis longtemps exécrables. L’ONU est le témoin gênant de la colonisation accélérée de la Cisjordanie. A la demande d’Israël, l’administration Trump avait décidé en 2018 de couper les fonds à l’UNRWA, soit 200 millions de dollars par an, mettant en péril écoles, hôpitaux et services sociaux. Israël a également largement ignoré les résolutions de l’ONU qui condamnent l’annexion ou la colonisation de territoires palestiniens.

Les Nations Unies sont largement hors course dans la recherche de solutions au Proche-Orient ; mais elles restent dans leur rôle en appelant à respecter le droit humanitaire international. C’est d’une importance capitale si l’organisation mondiale veut le rester, et si on veut garder un peu d’espoir au milieu des horreurs.

Pierre Haski, France Inter

P.-S. • France Inter. Jeudi 26 octobre 2023 :

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