EADS : pendant l’affaire dans l’affaire, la manoeuvre continue

lundi 8 octobre 2007.
 

Par la fenêtre du TGV de retour de la Dordogne je vérifiais mon impression de la veille. L’automne ne fait que commencer dans la campagne. Les grands flamboiements sont à venir. Je me disais qu’il me faudrait trouver le temps cette année pour une belle virée dans les bois au bon moment. J’hésitais : dans le Jura où dans l’Ariège. J’en étais là de mes projets, tout en bavardant, quand la convocation de la commission des Finances du Sénat pour l’audition de l’ancien ministre des Finances Thierry Breton m’a été transmise par SMS. Tout cela pendant que je menais avec Claude Debons une conversation détendue à propos de la force politique nouvelle prolongeant celle que nous avons eu la veille au soir en, public. Il fallait répondre. J’ai plongé sur mon micro clavier pour faire mon texto de réponse. Et lui en a profité pour en faire autant...Telles sont les moeurs de notre époque : on révasse en bavardant et on s’interrompt pour écrire à de mystérieux absents.

Prévenu par SMS....C’est dire que l’évènement a été brusqué. Puisque mon emploi du temps le permettait, j’ai décidé de m’y rendre car la réunion était ouverte à l’ensemble des Sénateurs. J’ai suivi l’affaire de la crise EADS Airbus, comme le savent les lecteurs assidus de ce blog sur lequel je me suis exprimé à plusieurs reprises à ce sujet. Je la trouve en effet emblématique du gâchis sur lequel débouche la gestion des grandes entreprises crées par l’Etat et inscrites dans le temps long quand elles sont soumises au management financier.

L’apparition d’une « affaire dans l’affaire » visant le fonctionnement de l’Etat m’a semblé d’entrée très suspecte. Elle tombe trop bien. Juste au moment ou s’ouvre l’enquête sur le délit d’initié des « partenaires privés » qui ont pillé le vaisseau avant de l’abandonner à la première alerte industrielle. J’y ai vu une diversion. J’ai noté qu’elle tombait aussi en pleine période de restructuration de la « forteresse Bercy » comme dit la presse. Et aussi à un moment où plusieurs sièges importants à la direction de la direction de la Caisse des dépôts aiguisent des appétits concurrents.. Mieux vaut avoir tout cela à l’esprit car ce dossier est depuis toujours la mer des sargasses des coups tordus. Souvenons nous que les fameux listings de l’affaire Clearsteam sont, au point de départ, un règlement de compte entre prébendiers à la tête de EADS, avant qu’un gros malin rajoute des noms d’homme politique pour d’autres raisons...

L’affaire aujourd’hui consiste à demander à l’ancien ministre des finances s’il connaissait les raisons pour lesquelles les opérateurs privés allaient vendre leurs actions quand ils lui ont annoncé qu’ils allaient le faire. Cela signifierait qu’il avait partie liée au délit d’initié. Et ensuite il s’agit de savoir si la Caisse des dépôts et consignations a racheté 2,25% du capital mis sur le marché au prix fort de l’époque en ayant reçu l’ordre de le faire pour faciliter le travail des vendeurs initiés.

Au passage on cherche à savoir pourquoi l’Agence de gestion des participations de l’Etat (APE) a suggéré de vendre les actions de l’Etat dans cette société à ce moment là, c’est-à-dire si elle aussi participait au délit d’initié. Je ne discute pas la pertinence de ces interrogations. Je trouve qu’elles sont si évidemment fléchées que j’y vois malice. Exemple. Qu’a fait où dit monsieur Breton, d’une part aux actionnaires privés, d’autre part à la Caisse des dépôts. Réponse : rien. Pourquoi ? Parce que le pacte d’actionnaire entre la partie française (l’Etat, Lagardère) et la partie allemande (Daimler) interdit expressément à l’Etat français de se mêler de la gouvernance d’entreprise. D’ailleurs, la part de l’Etat a été confinée dans une société palier (Sogead) que Lagardère représente au conseil d’administration d’Airbus. Vous avez bien lu : l’Etat n’est pas présent es qualité, c’est Lagardère qui y représente à la fois ses intérêts privés et ceux de tous les citoyens français ...

Qui a monté cet incroyable système ? Réponse : le gouvernement de gauche de Lionel Jospin. Cibler Breton c’est donc ramener la gauche dans le dossier. On voit tout l’intérêt de la chose. Au lieu de parler du délit d’initié, et de la légitimité des intérêts privés dans ce type de pacte léonin, on parle de Strauss-Kahn, Fabius et Jospin. On démoralise la gauche, on lui dit vous voyez où vous nous avez amené et ainsi de suite. D’ailleurs Thierry Breton ne s’est pas gêné pour le faire en réponse à la première question qui lui a été posée. Evidemment vous vous demandez pourquoi le gouvernement Jospin a accepté ça. Parce que c’était la condition des allemands. Sinon ils partaient s’allier avec les anglais et ce serait la marginalisation d’Airbus sur la scène aéronautique mondiale. Ca, c’est ce qu’on m’a expliqué à ce sujet. Mais je n’ai pas eu le temps de le vérifier. Même scénario quand on va parler de la Caisse des dépôts. Le ministre a sa réponse toute prête : statutairement le gouvernement ne peut donner d’ordre et la Caisse ne peut en recevoir. Comme la banque centrale européenne. Dès lors voici quelle est la musique qui se prépare : décidément ça prouve que quand l’Etat se mêle d’industrie son rôle est ambigu et la confusion des genres s’impose. Conclusion : il faut définitivement que l’Etat ne se mêle plus de tout ça.

C’est là un tour de passe passe aussi énorme que le scandale en cours dans cette affaire où c’est l’asservissement de l’Etat à des intérêts privés irresponsables et prédateurs qui est en réalité la cause des nos malheurs. Dans cette affaire, pour moi, ce n’est pas parce qu’il a trop d’Etat que tout va mal mais parce qu’il n’y en a pas assez !


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