DENI OU PROTECTION DU DROIT D’ASILE : LES SENATEURS DEVRONT CHOISIR ! (communiqué d’Amnesty International)

mercredi 24 mai 2006.
 

Le 10 mai 2006, au milieu de la nuit, l’Assemblée nationale a entériné en première lecture la coexistence d’une liste française et d’une liste européenne de pays d’origine « sûrs ». Le 3 mai 2006, le Conseil d’administration de l’OFPRA avait rapidement et discrètement porté de 12 à 171 le nombre de ces pays alors que les 25 peinent à adopter la liste commune.

La loi française prévoit qu’un pays est sûr « s’il veille au respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales » mais les débats parlementaires ont révélé des positions dictées par d’autres considérations. Le rapporteur de la commission des lois, Monsieur Thierry Mariani, indiquait que cet aménagement de la procédure permettrait « d’éviter qu’un trop grand nombre de demandeurs d’asile ne viennent saturer les capacités matérielles dont dispose la France pour les accueillir dans des conditions conformes à la dignité des personnes ».

Pour le rapporteur, il s’agirait d’ailleurs de « rendre service » aux demandeurs de ces pays et « d’examiner leurs demandes selon une procédure accélérée ». Il a oublié d’ajouter que ces derniers verront leur demande examinée en un maximum de 15 jours et que leur droit à un recours sera limité car il n’empêchera pas leur renvoi dans leur pays avant la décision définitive sur leur demande. En outre, pendant le court temps de leur procédure, ils ne bénéficieront d’aucun appui pour exposer leur demande de protection, ni de soutien matériel et financier.

Pour le ministre délégué à l’aménagement du territoire, M. Christian Estrosi, « la seule nouveauté est l’accélération du traitement de ces demandes » alors que cette nouvelle multiplication des cas de procédure « prioritaire », dépourvue de garanties, augmentera les risques de renvois vers leur pays de personnes qui y risquent leur vie, leur liberté ou leur sécurité.

L’affaiblissement des garanties légales contre le refoulement concerne aussi les personnes déboutées de l’asile. L’Assemblée nationale a rendu quasiment irrecevable tout recours permettant de faire valoir des risques de torture ou de traitements inhumains ou dégradants dans le pays de destination où ces personnes doivent être renvoyées lorsqu’elles sont frappées d’une mesure d’éloignement du territoire.

Amnesty International France rappelle son opposition à l’utilisation de listes de pays d’origine sûr qui étendent à toujours plus de personnes des procédures trop rapides et dépourvues de garanties suffisantes. A cet égard, elle rappelle les recommandations de la Commission d’enquête du Sénat sur l’immigration clandestine préconisant justement de ne pas multiplier les cas de procédures prioritaires3.

Amnesty International France appelle les sénateurs :

- à ne pas adopter en l’état et sur ces points le projet de loi ;

- à donner au recours, dans le cadre des procédures prioritaires, un effet suspensif des mesures d’éloignement ;

- à réaffirmer la recevabilité de la contestation du pays de renvoi.

1 Albanie, Bénin, Bosnie-Herzégovine, Cap Vert, Croatie, Géorgie, Ghana, Inde, Macédoine, Madagascar, Mali, Maurice, Mongolie, Niger, Sénégal, Tanzanie, Ukraine.

2 Un pays est sûr « s’il veille au respect des principes de la liberté, de la démocratie et de l’état de droit ainsi que des droits de l’homme et des libertés fondamentales ».

3 Commission d’enquête du Sénat : « Immigration clandestine : une réalité inacceptable, une réponse ferme, juste et humaine ».


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