Système bancaire, crise financière : des critiques venues du catholicisme.

samedi 25 avril 2020.
 

La foi (catholique) face à la loi (du marché)

Les critiques sévères des organisations catholiques et du Vatican à l’encontre de la toute-puissance du système bancaire et des marchés financiers sont passés sous silence par les médias dominants au service des puissants.

Il s’agit d’éviter une « dérive » vers la gauche d’un électorat cathodique classé souvent à droite et « du côté du manche ».

Premier article : La crise financière vue du Vatican

Source : La Croix Par Dominique Greiner,

https://www.la-croix.com/Economie/E...

Au cours des dix dernières années, Rome a publié plusieurs documents importants sur la crise économique et financière, insistant sur sa dimension morale.

La crise financière vue du Vatican

Le 17 mai 2018, la Congrégation pour la doctrine de la foi et le dicastère pour le service du développement intégral ont publié un texte qui porte une charge inédite contre la « puissance de nuisance sans égal » des marchés financiers. Sans pour autant diaboliser la finance, ce document au nom latin (Œconomicae et pecuniariae quaestiones) regrette que les leçons de la crise financière de 2007-2008 n’aient pas été tirées jusqu’au bout pour « repenser les critères obsolètes qui gouvernent le monde ».

L’examen détaillé de quelques pratiques financières montre en effet que le système en vigueur, par déficit de régulation et de contrôle, est loin du compte. Au lieu de renforcer les liens humains, elles contribuent à les affaiblir et nourrissent les injustices au lieu de les résorber.

Des pistes pratiques

Pour remettre l’économie mondiale sur les rails de l’éthique, ce texte propose une série de pistes pratiques, de la régulation supranationale des marchés à la lutte contre l’évasion fiscale. C’est parce qu’elle sait la fragilité des liens humains et la perversion toujours possible des institutions économiques que l’Église appelle à une « alliance entre savoir technique et sagesse humaine ».

Ce texte est marquant par sa manière de chercher à honorer la technicité des nouveaux instruments financiers. Mais le critère central mobilisé pour juger de leur dimension éthique, à savoir l’impact sur les relations humaines, est déjà présent dans Caritas in veritate. Dans cette encyclique parue au début de l’été 2009, Benoît XVI ne prétend pas apporter de solutions techniques à la crise financière. Il se situe à un niveau plus fondamental en proposant une interprétation des manques et des erreurs qui en sont à l’origine : la crise financière est avant tout une crise morale. Les remèdes relèvent donc davantage de l’éthique que de l’économie.

L’encyclique interroge notamment la place du marché dans une économie mondialisée et ses effets sur les liens humains. Non que le marché soit une mauvaise chose en soi, mais il ne suffit pas pour permettre à chacun de vivre bien. Le marché fonctionne en effet selon une logique d’équivalence, que l’on peut résumer ainsi : je te donne pour que tu me donnes. Dans l’échange marchand, la gratuité ou la fraternité n’ont pas de place. À tout rendre marchand (par exemple en transformant des dettes en titres qui pourront ensuite s’échanger sur les marchés financiers), on affaiblit les possibilités d’expression de la solidarité et on sape la confiance nécessaire à la vie en commun… et au bon fonctionnement du marché !

C’est pourquoi Benoît XVI estime que pour guérir l’économie de ses maux, il faut retrouver le sens du don et de la gratuité. Il faut parfois donner plus que ce qu’on a reçu, il faut accepter de faire des choses gratuitement. Bref, l’extension de la logique marchande doit être contenue, ce qui passe aussi par une régulation et des contrôles. C’est à cette condition que l’économie peut renforcer les liens humains au lieu de les affaiblir.

Le pape François dénonce « une économie qui exclut »

En 2013, dans La joie de l’Évangile, le texte programme de son pontificat, le pape François consacre de longs développements à l’économie. « La crise financière que nous traversons nous fait oublier qu’elle a à son origine une crise anthropologique profonde : la négation du primat de l’être humain ! » (n. 55), écrit-il après avoir dénoncé « une économie qui exclut » et même parfois qui « tue ». Il accuse un système économique et financier qui profite à quelques-uns au détriment de tous les autres, et qui contribue à appauvrir la qualité des relations humaines entre les membres d’une même société.

Pour le pape François, ceci est la conséquence d’une logique qui envisage les réalités d’abord sous l’angle de leur possible rendement, sans s’inquiéter des conséquences de son fonctionnement sur la dignité des personnes ou l’environnement. Il développe ce point dans Laudato si’.

Dans cette encyclique publiée en 2015, il critique une conception de l’économie « fondée sur l’immédiateté » (n. 32), tournée vers la recherche d’un « gain immédiat » (n. 55), qui de fait entraîne toute la société, de la famille aux instances politiques, dans la spirale de la précipitation au détriment des relations et des engagements de long terme. Il dénonce encore la vision « unidimensionnelle » de l’économie marchande, qui ignore la « biodiversité » tant des espèces, des cultures, des modes de production que des styles de vie… Hors sol, l’économie moderne mondialisée méconnaît les limites du monde, comme si celui-ci était infini.

Vers une nouvelle vision du monde

Comment sortir de la crise actuelle ? En renonçant à une vision du monde centrée sur le rendement économique, répond en substance le pape François, et découvrir, comme le suggérait déjà Benoît XVI, que l’économie n’est pas réductible à l’échange marchand.

Économie sociale et solidaire, circulaire, collaborative, d’usage, circuits courts de distribution, agriculture raisonnée, monnaies locales, banques du temps… tout ce qui contribue à faire émerger un nouveau paradigme pour l’économie mérite qu’on lui porte attention.

Et c’est demeurer prisonnier de la logique dominante que de considérer que toutes ces initiatives sont trop marginales et pas assez rentables pour être dignes d’intérêt. En réalité, elles sont le signe d’une créativité qui cherche à remettre l’économie et la finance au service des liens entre humains et avec l’ensemble des créatures.

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Pour aller plus loin…, une petite bibliographie.

Crises financières et régulations bancaires, par Bruno Moschetto et Bruno-Laurent Moschetto. PUF, collection « Que sais-je ? » (2017).

Parlons banque en 30 questions, par Jézabel Couppey-Soubeyran. La Documentation française (2018).

Illusion financière. Pourquoi les chrétiens ne peuvent pas se taire, par Gaël Giraud. L’Atelier (2012).

Insoutenables inégalités. Pour une justice sociale et environnementale, par Lucas Chancel. Les petits matins (2017).

La Grande Évasion. Santé, richesse et origine des inégalités, par Angus Deaton, prix Nobel d’économie 2015. PUF (2016).

L’Économie des inégalités, par Thomas Piketty. La Découverte, collection « Repères » (2015).

Le Choix du pire. De la planète aux urnes, par Dominique Bourg et Corinne Lepage. PUF (2017).

Stop au dérèglement climatique, par Bruno Lamour, président du collectif Roosevelt. L’Atelier (2015).

Pour éviter le chaos climatique et financier, par Jean Jouzel et Pierre Larrouturou. Odile Jacob (2017).

La finance aux citoyens, rapport du Secours catholique – Caritas France (2018), téléchargeable sur le site : lafinanceauxcitoyens.org à suivre : VIDEO - Faut-il renforcer la régulation du secteur financier  ? 

Fin de l’article

Deuxième article ; Qui sont les vrais Maîtres du Monde ?

Pour la réforme monétaire du Crédit Social Source : Journal de Patriotes Catholiques

http://www.versdemain.org/articles/...

Site source : Vers demain (Québec) http://www.versdemain.org/

Par Louis Even

La première partie de ce document « Qui sont les vrais maîtres du monde  ? » est tirée des Cahiers du Crédit Social de janvier 1939 :

Le système bancaire actuel est pur banditisme, quiconque s’est donné la peine d’étudier la question, (la création de crédit-monnaie-dette par les banques et le contrôle absolu de l’intermédiaire d’échange par les banques), n’en peut douter. Mais c’est un banditisme légalisé c’est-à-dire qu’en conduisant ce racket au profit d’une petite clique d’individus sur le dos du public, les banques restent dans les limites de leur charte, c’est la « patente » accordée par le gouvernement souverain à une machine qui saigne et tue l’humanité.

Dès les premiers siècles de notre ère, on trouve des parasites, tenant des comptoirs pour prêter l’argent et, par l’usure, mettre le grappin sur toute la circulation monétaire des pays où ils opèrent. Ils ne s’installent pas n’importe où. On les chercherait en vain dans les pays où il n’y a rien à rafler, pas plus que vous ne voyez le banquier accompagner le premier groupe de colons qui s’enfonce dans les bois du nord québécois. Par exemple, lorsque l’empire romain est prospère ; ils reçoivent les hommages et le fruit du travail des producteurs des plaines de Lombardie. L’Angleterre sort plus tard de la barbarie et ses marins rapportent de leurs expéditions les richesses du monde. Nos prêteurs d’argent ont le flair juste et ils colonisent à leur façon une rue de Londres restée célèbre dans le domaine de la finance internationale sous le nom de Rue des Lombards (Lombard Street).

Les détenteurs de l’or apprirent vite à commercialiser la crédulité du public ignorant et à prêter ce qu’ils ne possédaient pas. L’or restait dans les voûtes ; les reçus de ceux qui confiaient leur or aux banquiers ou les promesses de payer en or des banquiers circulèrent au même titre que l’or lui-même et rapportaient les mêmes profits.

La légalisation du banditisme

Mais c’est en 1694 que les banquiers ont obtenu légalement le droit de fabriquer la monnaie et de prêter à intérêt cette monnaie au gouvernement souverain, tout comme aux particuliers. Cette année-là, le roi Guillaume III d’Angleterre a besoin d’argent pour faire la guerre. II existe à Londres, depuis la révolution de 1688, une compagnie d’hommes riches qui a pris le nom de « Compagnie de la Banque d’Angleterre » et dont William Paterson est le gouverneur.

Le roi, qui ne trouve plus où taxer et qui n’ose pas introduire un papier-monnaie gouvernemental après l’opposition faite sur ce point à son prédécesseur Charles II par les puissances financières secrètes, s’en vient trouver la Compagnie de la Banque d’Angleterre. William Paterson offre de prêter au roi 1 200 000 livres sterling en or et en argent, à 8 pour cent d’intérêt, à condition que le roi permette à la CBA de faire exactement ce que les maîtres de la monnaie du jour défendaient au roi : soit imprimer de la monnaie de papier qui serait monnaie légale, et ce, pour une somme égale au montant prêté au roi.

Donc, la CBA collecterait 1 200 000 livres en or et en argent pour le roi et multiplierait cette somme par deux en imprimant 1 200 000 livres sterling en papier que le roi, dans son autorité, imposerait aux Anglais d’accepter au même titre que l’or. La Banque prêtait le métal au roi à profit et gardait les billets pour les prêter à profit au commerce et à l’industrie.

Paterson comprenait parfaitement l’importance du privilège qu’il venait d’obtenir. « La Banque pouvant mettre en circulation cette nouvelle émission de monnaie tout en gardant seulement le sixième ou le quart en réserve, c’est comme si elle louait à la nation neuf cent mille livres ou un million de livres de nouvelle monnaie », disait-il lui-même. Dans la pratique, il n’avait même pas besoin de garder une réserve de 25 pour cent ; dès 1696, on trouve la Banque mettant en circulation 1 750 000 livres contre une réserve en numéraire de 36 000 livres seulement, soit une réserve dépassant à peine 2%.

La maison des Rothschild

Voilà donc la banque privée devenue plus puissante que le roi. Dès l’origine de cette mainmise d’une association d’exploiteurs sur la chose publique, on trouve que la nouvelle machine monétaire fonctionne surtout pour financer des guerres ; c’est dans ce temps-là qu’elle jette les bases de profits perpétuels considérables. Elle n’avait rien perdu de son adaptation en 1914 et pas un gouvernement n’a manqué d’argent pour conduire ses citoyens à la grande tuerie. La phrase « Pas d’argent » qui nous bat les oreilles aujourd’hui ne fut pas prononcée une seule fois de 1914 à 1918.

Chaque fois aussi, la finance internationale, la haute banque, a fortifié son emprise autant qu’elle mettait magnanimement sa plume féconde au service des gouvernements devenus signataires de débentures (obligations), car aujourd’hui, notre civilisation progressant, la monnaie se dématérialise et n’a même plus besoin d’une presse à imprimer.

Fortune édifiée à la faveur des massacres

La Maison Rothschild internationale offre un bel exemple de la fortune édifiée à la faveur des massacres d’humanité. L’aïeul, Anselme Rothschild, vivait à Francfort-sur-Main, en Allemagne, où il servait de banquier au landgrave de Hesse. Ce prince était le plus riche d’Europe, et il s’enrichissait surtout en faisant le commerce d’hommes pour la guerre.

C’est ainsi que, lorsque Georges III, roi d’Angleterre, voulut des soldats pour combattre les colonies révoltées de l’Amérique, pour ne pas envoyer des Anglais combattre des Anglais, il s’adressa au landgrave qui lui fournit un régiment de Hessiens, de 16 800 hommes, moyennant paiement par Georges III de 20 000 000 dollars. Le landgrave confia ses vingt millions à son banquier Rothschild pour les faire fructifier, chacun tirant sa part de profit. Vu qu’il y avait une guerre en Amérique et que la guerre génère toujours de gros intérêts pour les prêteurs de capitaux, Rothschild jugea sage de prêter l’argent à son congénère, l’américain Haym Solamon. Ce dernier prêta à plus gros intérêt, aussi Morris le proposa au financement de la guerre par Georges Washington. C’est ainsi que l’argent fourni par Georges III pour payer une armée servit à financer les adversaires de Georges III. Rothschild et Solamon profitaient aux deux bouts, pendant qu’Américains et Anglais ou Hessiens s’entretuaient sur les champs de bataille.

Anselme Rothschild avait cinq fils et il les avait dressés à ce commerce fructueux. Le plus habile des cinq, Nathan, se fixa à Londres, où il établit la maison de banque et de courtage N. M. Rothschild and Sons ; Jacques s’installa à Paris, Salomon à Vienne. C’était sous la Révolution Française. Les guerres de Napoléon vinrent à point. L’Angleterre empruntait de Nathan Rothschild pour combattre Napoléon. Napoléon empruntait de Jacques Rothschild et comparses pour combattre l’Angleterre. Les soldats tombaient, les épouses et les mères pleuraient, les haines s’avivaient, pendant que les Rothschild profitaient ...

Nathan, un vrai génie de la finance, à lui seul, gagna six millions de dollars en un seul jour, le surlendemain de Waterloo : les deuils ne l’appauvrissaient guère. Le même génie intervenait jusqu’en Espagne, en 1835, où, pour se venger d’un gouvernement qui ne voulait pas faire sa volonté malgré des versements corrupteurs faits au Ministre des finances espagnol, il consacrait, de concert avec son frère de Paris, neuf millions de dollars à la ruine des valeurs mobilières espagnoles, déclenchant une crise mondiale, ruinant des milliers de porteurs, tandis que les Rothschild s’enrichissaient sur les débris. Et l’autre frère de Vienne, Salomon, osait écrire à un confident : “Dites au Prince Metternich que la Maison des Rothschild a agi ainsi par vengeance.”

Escroquerie sur le dos des Français

Malgré la plus grande réserve et discrétion dont s’entourent aujourd’hui les banquiers internationaux pour voiler leurs ripailles, la technique continue. L’Autriche fut démembrée à la suite de la Grande Guerre et le Rothschild de Vienne se trouvait en piteuse posture financière. Mais ce ne fut pas long. Lorsque Poincaré, 8 ans plus tard, prépara, de concert avec la Banque de France, une loi pour la stabilisation du franc, le Rothschild de Paris, directeur de la Banque de France (banque privée), sut avertir son cousin de Vienne. Ce dernier se hâta d’acheter des francs à la baisse, pour les revendre à la hausse après l’adoption de la loi par le parlement français ; en moins d’une semaine, il avait refait toute sa fortune... sur le dos des Français !

La finance internationale n’a pas de patrie. Elle couvre tout, est de partout, étend ses tentacules dans tous les pays, sème des ruines sans nombre et ne répond de rien. « Là où est l’argent, là est sa patrie » disait justement le Pape Pie XI.

Les colons américains se révoltèrent contre l’Angleterre à cause de cette rapacité des financiers de Londres qui, enlevant aux colonies le droit de fabriquer leur propre monnaie, les rendait complètement dépendantes des exploiteurs de la métropole. Aussi les Américains eurent-ils soin de déclarer expressément dans leur Constitution que « seul le Congrès aurait le droit de créer la monnaie et d’en régler la valeur. » Ils gagnèrent la guerre, leur constitution demeure, mais ce n’est pas le Congrès qui fabrique ou fait fabriquer la monnaie, ni qui en règle le montant, donc la valeur.

Comment cela se fait-il ? C’est que, si le gouvernement anglais perdit la partie, les financiers internationaux gagnèrent la leur et continuèrent d’exploiter l’Amérique comme une colonie de la finance internationale. Ce n’était d’ailleurs pas une proie à lâcher, puisque l’Amérique donnait déjà les signes d’un continent appelé à une très grande richesse.

Alexandre Hamilton

Dans toutes leurs opérations d’envergure pour prendre un pays dans leurs mailles, les maîtres de la finance opèrent par des intermédiaires généralement insoupçonnés, auxquels ils ont même soin de voir que, par les organes du pays, on fasse une réputation de citoyens éminents et distingués. (Nous en avons au Canada, de ces léopards honorés ; on les décore du titre de « Sir » et les journaux portent religieusement leurs moindres remarques aux quatre coins du dominion.) L’homme de l’heure, au berceau de la grande république américaine, fut Alexandre Hamilton.

Alexandre fut précoce et brillant en tout ce qui regardait le chiffre, la finance, la monnaie. Dès l’âge de treize ans, il était au service du plus riche marchand des Caraïbes. À dix-sept ans, il vint à New-York, où il devait demeurer jusqu’à sa mort, survenue dans un duel avec son rival commercial et politique, Aaron Burr, en 1804.

Hamilton prit part à la guerre d’indépendance et fut quelques temps secrétaire du général en chef, Georges Washington. Il profitait de ses loisirs pour étudier avidement la monnaie, la frappe des monnaies, la question de l’or, de l’argent, du change international. Dans sa mentalité de soumission de l’humanité à un petit groupe, il admira toujours le système d’une banque centrale appartenant à des particuliers et munie de privilèges souverains, comme la Banque d’Angleterre.

Pendant la guerre d’indépendance, les colonies révoltées émirent une monnaie. Les financiers européens, les créateurs et prêteurs de monnaie-dette qui gouvernaient ne pouvaient tolérer pareille audace. Ils firent tomber la valeur de la monnaie américaine. Cette puissance entre les mains de particuliers frappa Hamilton et le stimula dans ses études et ses recherches ; il voulait savoir comment des individus pouvaient exercer un tel pouvoir non pour les combattre, mais pour les imiter. II s’ancra davantage dans l’idée du contrôle de la monnaie d’une nation par une banque privée qui coopérait avec les puissances d’argent, surtout en apprenant combien il était facile d’imposer pareil système à un public ignorant.

En pleine guerre, Hamilton mûrissait déjà des plans pour transporter pareille iniquité en Amérique. Le 30 avril 1781, ce jeune de vingt ans, qui avait pris de l’ascendant sur Robert Morris, l’administrateur du Trésor pour Washington, osait écrire au Trésorier : “Une dette nationale, pourvu qu’elle ne soit pas excessive, sera une bénédiction nationale, un puissant ciment d’union, un stimulant pour l’industrie.”

L’Amérique livrée aux financiers

1789 : La constitution américaine vient d’être adoptée et le 1er Président Georges Washington, forme son premier cabinet. II veut confier le Trésor à Morris. À sa grande surprise, Morris refuse et recommande Hamilton. Et Washington commet la grande erreur de son administration qui compromettra toute son œuvre. Hamilton devint le premier secrétaire du Trésor Américain (Ministre des finances).

Franklin meurt en 1790. Hamilton se sent plus libre d’exécuter ses plans, de réaliser l’œuvre rêvée. Mais il faut manœuvrer ; la constitution américaine est claire sur l’autorité exclusive du Congrès pour la frappe et l’émission de la monnaie. Si Franklin a disparu, Jefferson est toujours là et veille certainement sur une œuvre à laquelle il a pris une si grande part.

La dette des États, surtout contractée pour fins de guerre, s’élève alors à 75 millions de dollars, partie de l’étranger, partie à des particuliers du pays qui l’ont reçue des Rothschild de Francfort, comme il est expliqué plus haut. La nouvelle nation a besoin de moyens d’échange pour permettre la marche des affaires. Elle est souveraine. La chose la plus sage n’est-elle pas de frapper la monnaie nécessaire, métal ou papier, et de la mettre en circulation en rachetant sa dette ? Hamilton a une autre philosophie. II propose que la dette soit convertie en obligations portant intérêt. Au lieu de créer de la monnaie libre pour la circulation, qui eut signifié 19$ par tête en moyenne, il préfère créer un noyau de dette nationale de 19$ par tête.

Hamilton qui, de par ses fonctions, devrait tenir secret son rapport et ses projets jusqu’au jour où il les présentera au Congrès, a soin d’entrevoir un par un les principaux congressmen, les plus influents à part des incorruptibles connus, et de les inviter à profiter de la transaction. « Comme les financiers internationaux ont fait tomber les certificats de dette à 15 pour cent de leur valeur nominale, les congressmen avertis en secret, sachant que les certificats seront transformés en débentures portant intérêt et garanties par la richesse de toute la nation, se hâtent de les cueillir en nombre à des escomptes énormes. La corruption produit son fruit : les têtes marquantes du Congrès ne peuvent que ratifier la consolidation de la dette publique proposée par Hamilton ; des politiciens s’engraissaient déjà en sacrifiant leurs électeurs.

Jefferson résiste et dénonce « la prostitution des lois qui constituent les piliers de tout notre système ». La classe agricole s’aligne avec Jefferson. Mais les communications sont lentes à cette époque et la philosophie-dette d’Hamilton est imposée à la jeune nation.

Reste à sceller l’œuvre par l’établissement d’une banque centrale privée, pour créer et prêter la monnaie, selon les principes de la Banque d’Angleterre. Hamilton s’y attelle en 1791. II ne rencontre guère d’opposition au Sénat, où logeaient alors, comme dans notre sénat canadien d’aujourd’hui, les représentants des puissances d’argent. Mais il doit faire face aux Jefferson, Madison, Adams, etc. Cependant il a acquis l’art de tromper et d’engluer. II pare son argumentation d’un habit vertueux : « La constitution nationale a sagement défendu aux états individuels d’émettre du papier-monnaie ; l’esprit de cette prohibition ne devrait pas être dédaigné par le gouvernement central lui-même, et le gouvernement des États-Unis se montrera sage en renonçant à l’usage d’un expédiant aussi séduisant et aussi dangereux. »

Hamilton préfère voir cet expédient entre les mains de quelques particuliers possédant tous les privilèges sans la responsabilité d’aucun mandat. La Constitution est très précise, mais Hamilton, à force de ruse et d’habileté invente et fait prévaloir l’idée que la constitution implique d’autres pouvoirs non exprimés.

Lorsque la Chambre a voté la banque centrale privée, Georges Washington prie Madison de préparer un véto, mais il cède devant l’éloquence persuasive du cauteleux Hamilton. « L’expert financier » est vainqueur. La Chambre de Commerce de New-York, digne aïeule des Chambres de Commerce dont nous connaissons la complaisance envers les puissances d’argent, donne une réception spéciale à Hamilton pour célébrer la victoire remportée sur la nation.

Abraham Lincoln, homme loyal

La finance internationale avait pris possession de l’Amérique comme de l’Europe. Elle veillait continuellement pour maintenir et consolider ses positions. Un homme se leva un jour qui osa lui infliger un remarquable soufflet, ce fut le plus grand des présidents américains : Abraham Lincoln. Il le paya de sa vie ...

Fils de colon, n’ayant jamais eu l’avantage de fréquenter l’école, mais après avoir appris à lire sur les genoux de sa mère et avoir étudié la loi le soir après ses rudes journées de labeur au bois ou aux champs, Lincoln arriva à la Présidence des États-Unis à une époque critique, celle de la Sécession entre le nord et le sud sur la question de l’esclavage.

Doué d’un robuste bon sens et guidé par une droiture parfaite, Lincoln jugea que, si les banques privées fabriquent l’argent et le font accepter du public tout en ne le passant qu’à l’état de dette, le gouvernement souverain peut aussi bien le fabriquer lui-même et lui conférer au moins une aussi grande autorité. II demanda donc à son secrétaire du Trésor, Chase, de faire successivement trois émissions de monnaie au total de 450 millions de dollars, en 1862-1863.

Ce sont les greenbacks. Remarquons seulement aujourd’hui qu’après une lutte légale entre les puissances financières et le gouvernement, 346 millions sont restés en circulation jusqu’à ce jour et sont aussi bonne monnaie que celle des banques. Mieux que cela, à la différence de la monnaie-dette des banquiers, les greenbacks n’ont pas chargé d’un seul dollar la dette publique des États-Unis. Si cette émission était venue par la voie ordinaire des banques, elle signifierait un accroissement de dix milliards à la dette publique américaine, de 1863 à 1938 (intérêt composé). Et si tout l’argent américain était ainsi fabriqué par le gouvernement, les États-Unis n’auraient pas de dette publique. On peut en dire autant du Canada. L’existence de la dette publique prouve que le système est faux, que la monnaie est viciée dès son origine.

Les banquiers internationaux comprenaient parfaitement la portée de l’acte posé par Lincoln et les réflexions qui précèdent sont corroborées par extrait du London Times (journal de la finance) de mars 1863 : « Si la politique financière inaugurée par le gouvernement de Washington se perpétue, ce gouvernement fournira sa propre monnaie sans frais, il éteindra sa dette publique et n’aura plus jamais de dette publique. II aura toute la monnaie nécessaire à son commerce. II acquerra une prospérité sans précédent dans l’histoire des peuples civilisés. Les cerveaux et les fortunes du monde iront en Amérique. II faut détruire ce gouvernement ou il détruira notre monarchie. »

Et le conseil fut suivi. Un complot ourdi par des créatures de la finance internationale, fit tomber le grand émancipateur sous la balle d’un voyou. Retenons tout de même cet aveu des oppresseurs de l’humanité, que la prospérité d’un pays découlera certainement d’une politique en vertu de laquelle le gouvernement de ce pays émettrait sans dette toute la monnaie nécessaire à la vie commerciale.

« La mort de Lincoln fut un désastre pour la chrétienté, écrit Bismarck (bien placé pour savoir ce qui se passait). II ne se trouvait pas aux États-Unis d’homme assez grand pour chausser ses bottes. Les prêteurs d’argent ont repris l’offensive pour s’emparer des richesses du monde. Je crains que les banquiers étrangers, avec leur astuce et leurs trucs tortueux, viennent à contrôler complètement les richesses de l’Amérique et s’en servent pour corrompre systématiquement la civilisation moderne. Ils n’hésiteront pas à plonger la Chrétienté toute entière dans les guerres et le chaos pour que la terre devienne leur héritage. »

Introduisons une autre figure qui, elle, n’est pas tombée sous une balle d’assassin. II s’agit d’un de ces bassets que la finance londonienne délègue à notre continent sous couvert d’expertise financière, toutes les fois qu’il y a quelque chaîne importante à forger.

L’or et l’argent furent longtemps deux métaux employés simultanément pour les pièces monétaires. En 1818, l’Angleterre démonétisa l’argent. Puis comme elle possédait le contrôle de l’or, mais que d’autres pays possédaient des exploitations d’argent, ses financiers mirent tout en œuvre pour démonétiser l’argent partout et établir le règne exclusif de l’or. C’est en 1873 qu’ils s’attaquèrent à la monnaie d’Amérique. On nous chante souvent que l’or est, de tradition, la seule véritable monnaie. De 1789 à 1873, les deux métaux eurent le même prestige aux États-Unis, et l’établissement de l’étalon-or américain ne date après tout que de 1900. Pour une tradition  !

Ernest Seyd, agent de la haute finance

Mais venons à Ernest Seyd. Ce fut lui l’agent de la finance internationale pour faire passer aux États-Unis une loi de démonétisation de l’argent et placer davantage l’Amérique sous le sceptre de la Rome financière du monde. Seyd était conseiller de la Banque d’Angleterre, du moins il le dit. Laissons-le raconter lui-même en peu de mots sa prouesse de 1873 : « J’allai en Amérique (il parle à Londres) durant l’hiver de 1872-1873, pour essayer de faire passer une loi pour démonétiser l’argent, parce que c’était dans l’intérêt de ceux que je représentais : les gouverneurs et directeurs de la Banque d’Angleterre. J’emportai avec moi 100,000 livres sterling ($500,000), avec instruction que, si le montant était insuffisant, j’en pouvais tirer une autre fois autant, ou même davantage. Les banquiers allemands étaient aussi intéressés à mon succès. Je vis les comités de la Chambre et du Sénat ; je payai l’argent et je demeurai en Amérique tant que ce fut nécessaire. J’eus assez de la somme prise avec moi. »

La loi fut signée de bonne heure en 1873, par le Président Grant qui avouait, huit mois plus tard, qu’il ne comprenait rien au texte signé. Plusieurs membres du Congrès ont laissé des déclarations écrites confessant la même ignorance. Seyd, lui, savait mieux et il disait un an plus tard au Sénateur Luckenbach :

« Votre peuple ne comprend pas maintenant l’immense portée de cette mesure, mais il la sentira dans quelques années... »

Le rapport du Congrès d’avril 1873 parle de Seyd comme d’un bienfaiteur : « Ernest Seyd, de Londres, écrivain distingué et expert en monnaie, actuellement parmi nous, a donné beaucoup d’attention au sujet de la frappe des monnaies. Après avoir examiné la première rédaction du bill, il a fait des suggestions intelligentes que le Comité a incorporées dans le texte de la loi. »

Le Bankers’ Magazine (Revue des Banquiers), naturellement mieux au courant, écrivait dans son édition d’août 1873 :

« En 1872, l’argent étant déjà démonétisé en France, en Angleterre et en Hollande, on leva $500,000 de fonds et Ernest Seyd, de Londres, fut envoyé en ce pays (États-Unis) avec ces fonds, comme agent des obligataires et capitalistes étrangers, pour obtenir le même résultat – ce qui fut accompli.”

Crise économique suscitée par les banquiers

Les effets ne tardèrent pas à se faire sentir. Ce fut la crise, ou panique, de 1873, dont le sénateur Ferry du Michigan écrit : « Des millions de personnes vivant dans de bonnes conditions de vie, furent réduites à la misère, ou accablées de dettes sous lesquelles elles devront ployer le dos jusqu’à la tombe, puis la postérité innocente en héritera et en portera le fardeau à son tour. »

On n’a pas dû manquer de dire aux victimes de la crise que c’était la punition de leurs péchés ou de leurs extravagances. Ernest Seyd aurait pu mieux les renseigner.

Nous publions dans le prochain article de ce supplément, sous le titre « Lettres édifiantes », quelques lettres (alors confidentielles) et documents de 1863, 1877, 1893, 1913, 1920 – pour achever de brosser le tableau et montrer la conspiration des banquiers dans le déclenchement des crises modernes, ainsi que leurs efforts pour contrôler la législation des Parlements.

Signalons seulement, en finissant cette multitude d’apparitions de banquiers sur la scène, l’intervention de Paul Warburg, financier international de Londres, dans la préparation de la loi de 1913 pour l’établissement du système américain de banques centrales, afin qu’elle soit bien à la sauce internationale.

Les financiers de la haute ne sommeillent pas. Devant la révolte « grondante » d’un monde qui s’éveille à la réalité, ils mettent tout en œuvre pour défendre leur monopole. Lors de l’assemblée de l’Association des Banquiers Américains à Boston, en octobre 1937, on eut soin d’insister sur l’importance de façonner la jeunesse des écoles par des leçons ou des conférences glissées adroitement par les banquiers locaux, par des concours scolaires présentés et corrigés par eux, etc. ; et pour les adultes la surveillance des journaux, l’insertion d’articles préparés par les banquiers ou leurs publicistes, l’élimination d’articles de nature à blesser le prestige des banques, faisant au besoin jouer le facteur décisif de l’influence par l’entremise des annonceurs.

Au Canada, nous sommes tout à fait à l’unisson de Londres en fait de système financier : monnaie-dette, contrôlé par les banques, débentures gouvernementales, dettes publiques. Nous avons, nous aussi, depuis 1934, notre banque centrale, qui n’a pas augmenté d’un denier le pouvoir d’achat des Canadiens : elle n’est pas faite pour eux, malgré son nom. On eut soin, à cette occasion, d’aller chercher le secrétaire de la Banque d’Angleterre pour la mettre sur pied ; ce n’est pas de la faute de Bennett si M. Osborn n’eut que le titre de sous-gouverneur, c’était bien la première place qui lui était réservée, n’eut été un certain restant de fierté patriotique chez les esclaves d’une exploitation coloniale de la finance internationale.

Avec quelle souplesse et quelle promptitude aussi, le gouvernement de celui qui déclarait si haut, en 1935, que si il arrivait au pouvoir, il verrait à ce que le gouvernement reprenne le contrôle de la monnaie et du crédit, car la démocratie est un vain mot quand ce sont les banquiers et les financiers qui détiennent le contrôle – avec quelle souplesse et quelle promptitude le gouvernement de ce même beau parleur, devenu Premier Ministre du Canada, n’a-t-il pas désavoué des lois qui, après tout, voulaient établir dans une province ce que lui-même avait promis d’établir dans le dominion, mais qu’il ne se pressait guère d’accomplir !

Conclusion

Elle est belle, n’est-ce pas, l’histoire de ce monopole de l’argent que s’obstinent encore à défendre de bons Canadiens en chair et en os — et nous en avons rencontré  ! — Et il est beau le résultat  ! « Ceux qui contrôlent l’argent et le crédit sont devenus les maîtres de nos vies, et sans leur permission nul ne peut plus respirer ! » (Le Pape Pie XI dans son encyclique Quadragesimo anno). Une autre voix citée plus haut, disait, il y a déjà un demi-siècle : « Ils veulent que la terre devienne leur héritage ».

Et la Terre est devenue leur héritage. Quel pays donc n’est pas endetté ? Si toute notre planète est endettée, ce n’est pas envers les habitants de Mars ni de Venus. Elle l’est, et toute entière, envers la clique organisée de malfaiteurs publics dont nous venons d’esquisser quelques empiétements successifs, les fomentateurs de guerres, les affameurs de femmes et d’enfants, les empoisonneurs de nos vies, les « bandits qui remplacent le masque noir par un œillet blanc à la boutonnière et qui, à un pistolet, préfèrent le stylographe empourpré. » (Abbé Coughlin).

C’est devant ce monstre international que nous plions religieusement les genoux, ou que nous courbons docilement l’échine ! L’histoire ne nous offre pas d’autre exemple de cet abaissement idiot de tout un monde, sauf dans l’adoration du démon et des idoles de pierre ou de métal pendant plus de quarante siècles. Alors aussi les savants du jour protégeaient de leur nom et de leur prestige un culte qui nous fait hausser les épaules aujourd’hui. Alors aussi les puissants du jour formaient une haie protectrice autour de pratiques stupides et une sévère législation défendait le trône du dictateur infernal qui se jouait de l’humanité. Nos enfants pourront dire la même chose de notre civilisation actuelle.

Nous admirons le déploiement de protestations énergiques que font des hommes publics contre les menaces du communisme. Mais nous souhaiterions entendre des dénonciations plus violentes encore, et surtout voir prendre des mesures décisives, contre un fléau qui ne se contente pas de nous menacer, mais qui nous écrase sans pitié de plus en plus et qui, après tout, est la plus belle invitation aux activités des communistes. Comme nous le disait un jour le Père L., il y a les bolchevistes d’en-bas, mais il y a aussi ceux d’en-haut. Oui, ceux d’en-bas montrent le poing et les dents et poussent quelques hurlements qui font trembler : des hommes publics s’émeuvent. Mais ceux d’en-haut tiennent la comptabilité publique, inspirent la législation et font pleurer et mourir à petits coups des multitudes innocentes : les hommes publics se taisent  !

Thomas Jefferson, Secrétaire d’État américain qui fut toujours opposé au régime d’argent-dette émis par les banques privées, écrivit en 1816 : « Je crois sincèrement que les établissements bancaires sont plus dangereux que les armées prêtes au combat, et que le principe de dépenser de l’argent devant être remboursé par la postérité sous le nom d’emprunts, n’est qu’une façon d’hypothéquer l’avenir sur une grande échelle. »

Fin de l’article


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