Notre-Dame et les misérables

dimanche 28 avril 2019.
 

Les grands élans collectifs sont toujours révélateurs. L’émotion légitime suscitée par l’incendie de la cathédrale Notre-Dame ne déroge pas à la règle. La réparation de ce trésor du génie humain est un devoir comme l’est celle du patrimoine de l’humanité à Palmyre (Syrie) par exemple.

Mais il y a quelque chose d’indécent à voir ces centaines de millions d’euros promis à grands renforts de communication par les grandes fortunes ou les grandes entreprises. Donner pour Notre-Dame est légitime. Mais encore faut-il que le chantier à venir ne soit pas un paradis fiscal à domicile pour accroc à la « défiscalisation ». Il serait absurde et dangereux que l’argent apporté d’une main pour Notre-Dame soit repris de l’autre et manque ensuite pour le service public et l’entretien du patrimoine en particulier.

Surtout, les associations caritatives ont eu raison de dire que Notre-Dame ne doit pas faire oublier les misérables : 9 millions de pauvres, des millions de mal logés, 500 personnes mortes dans la rue, des gens qui ne peuvent se soigner, parfois se nourrir correctement ! Le malaise est d’autant plus justifié que les dons vers ces associations ont baissé de 22% avec la suppression de l’Impôt sur la fortune et donc de la défiscalisation qu’il permettait aux plus riches.

Au-delà, c’est le débat fondamental entre la République et une forme d’ancien régime, entre l’intérêt général et le « bon vouloir » des puissants, entre l’impôt et la charité, entre le public et le privé. Les ultra-riches voient leurs impôts baisser alors que leur « générosité » pour Notre-Dame montre combien ils pourraient contribuer davantage. Mais leur rêve fiscal, c’est de pouvoir choisir où va leur argent, remettant en cause non seulement la justice fiscale mais la souveraineté qui consiste à décider démocratiquement ce qui mérite l’effort de la nation.

Les libéraux veulent faire croire que l’issue du grand débat serait dans « la baisse des impôt ». L’Union européenne aboie contre les « prélèvements obligatoires ». Arnaque ! L’enjeu est la justice fiscale. Car chaque baisse de l’impôt « public » se payera en hausse d’impôts « privés » : loyers privés faute de logements publics, frais bancaires pour découvert faute de pensions ou prestations sociales suffisantes, fermeture de services publics ou hausse de leurs prix comme dans l’énergie ou les transports, prix des mutuelles pour compenser le recul de la Sécurité sociale au nom de la « baisse des prélèvements obligatoires » parmi lesquelles figurent les cotisations sociales. Cette logique est une folie. L’exemple de la santé le montre : le recul du système public coûte plus cher, est plus inégalitaire et soigne moins bien. Comparer les systèmes français et états-unien suffit pour dresser un constat sans appel. Réduire les dépenses publiques et supprimer des fonctionnaires, c’est ouvrir de nouveaux champs à des « ponctionnaires » privés ! L’égalité républicaine est une voie plus juste et plus sûre que la main invisible du marché !

Matthias TAVEL


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