Les bases américaines en République Tchèque : une nouvelle confirmation qu’il fallait dire “non” au Traité constitutionnel européen (par Karel Kostal, Solidarité Socialiste Prague)

dimanche 17 juin 2007.
 

Plusieurs informations concernant l’avenir de l’Europe, et soigneusement cachées aux Européens, ont attiré mon attention. Elles concernent la présidence tchèque de l’Union Européenne, en 2009, dont les préparatifs démarrent sur les chapeaux de roues.

Des fusées américaines en Europe !

Le Premier ministre ultralibéral du gouvernement ultralibéral au pouvoir en République tchèque, Mirek Topolanek, chef du Parti civique démocratique (ODS), s’est rendu cette semaine au siège de l’OTAN, à Bruxelles. Il a informé le haut commandement de cette organisation que le gouvernement tchèque répond « favorablement » à la demande du gouvernement Bush d’installer une base de bouclier antimissile sur le territoire de la République tchèque, « première tête de pont américaine » de la future Europe. Il n’est pas superflu de relever que plus de 70% des citoyens tchèques sont contre cette installation, et qu’aucun pays de l’Union Européenne n’a été consulté ni informé. Le Premier ministre tchèque ne s’embarrasse pas de détails. Il nous fait savoir qu’après l’installation de la base militaire américaine en République tchèque, « ’Europe deviendra une oasis de paix ».

Il a également « offert » à la direction de l’OTAN des soldats tchèques pour des « missions » en Afghanistan et au Kosovo. Mirek Topolanek a également informé le président de la Commission européenne José Barroso de la création de la « fraction commune » de l’ODS et du Parti conservateur britannique au Parlement européen. La future coalition ultralibérale et « euroopessimiste » tchéco-britannique prêchera à Strasbourg « la concurrence libre et non faussée » et « la politique étrangère européenne compatible avec l’OTAN ». Ce sera aussi pour cette éminente fraction « eurosceptique » l’occasion d’expliquer au Parlement européen que « l’argent sale, ça n’existe pas » et que « l’écologie est une pseudo-science ». Qui peut encore douter que les récents « élargissements » aient été « globalement positifs », pour la droite ultralibérale européenne ?

Le secrétaire général de l’OTAN Scheffer et le chef de la diplomatie de l’Union Européenne Solana affirment tous les deux que « le problème de la base militaire américaine relève de la République Tchèque et des Etats-Unis exclusivement ». En d’autres termes, l’Union Européenne ne s’opposera pas à l’installation de bases militaires américaines dans les pays de l’Europe récemment « élargie ». Les gouvernements des nouveaux pays membres de l’UE sont désormais « libres » d’établir des « accords bilatéraux » avec les Etats-Unis, par-dessus la tête des peuples d’Europe, libres également d’ouvrir les portes aux fauteurs de guerre et aux lobbies des fabricants d’armes d’outre-Atlantique.

Les 70% des citoyens tchèques, qui considèrent que la nouvelle base militaire américaine présente un danger majeur pour toute l’Europe, sont poliment et fermement invités à se taire et attendre que le ciel leur tombe sur la tête. Car, depuis quelques temps la presse russe avertit que la Russie se sent « menacée » par le futur dispositif militaire américain en République tchèque et en Pologne, et qu’en vertu de la doctrine militaire russe, « les frappes nucléaires préventives » sont d’ores et déjà envisagées et planifiées contre ces deux pays. Que les citoyens français soient jusqu’ici tenus dans l’ignorance complète de ce problème, notamment par les candidats aux élections présidentielles, me laisse rêveur.

Il y a quelque temps encore, les citoyens tchèques, épris de paix et de démocratie, tournaient leurs regards vers l’Europe. A présent, l’Union Européenne les regarde avec un œil morne, l’air absent. D’une manière atone et monocorde, les dirigeants européens leur annoncent que le projet américain ne relève que des « relations bilatérales entre les Etats-Unis et les différents pays sollicités par des installations ». Les chefs européens répondent par des pirouettes : les citoyens tchèques n’ont pas été « sollicités », aucun pays d’Europe n’a été consulté. C’est cela désormais la « construction européenne » : des « accords bilatéraux » entre la droite belliciste de la « nouvelle Europe » et les marchands de canons d’outre-Atlantique.

Un Traité constitutionnel qui a la faveur de la droite ultra libérale

Au sujet de la constitution européenne, le Premier ministre tchèque se veut « rassurant » : « La République tchèque n’a pas l’intention de bloquer le traité constitutionnel ». Exclamation de surprise dans les rangs des chefs de la Commission européenne. Le parti du président Klaus a toujours considéré la Constitution européenne comme un document « inutile », plein de clauses sociales « nuisibles » . Enivrés par leur propre brio, les chefs de l’ODS qualifient parfois le traité constitutionnel de document ... « cryptobolchevique ! » Pour la droite ultralibérale tchèque, l’Union Européenne est « sous le contrôle » des communistes, socialistes et syndicalistes.

Alors, pourquoi ce revirement ? Pourquoi le traité constitutionnel devient aujourd’hui « acceptable » , pourquoi l’Union Européenne devient enfin fréquentable, pourquoi la droite ultralibérale « eurosceptique » est-elle en train de s’accrocher aux wagons des « amis de la constitution » ?

La constitution européenne est certes aux yeux de la droite ultralibérale tchèque et européenne encore « encombrée de clauses sociales inutiles et nuisibles », mais elle est susceptible d’être « améliorée », c’est-à-dire « rendue plus libérale ». Aux yeux du gouvernement Klaus-Topolanek, le document contient aussi quelques valeurs inestimables, par exemple l’article 1-41, qui prévoie que la politique de défense de l’Union Européenne devra être « compatible » avec la politique de défense arrêtée dans le cadre de l’OTAN. Cette possibilité de soumettre la construction européenne à l’OTAN et aux USA, par l’intermédiaire de la constitution européenne, n’a assurément pas échappé au gouvernement ultralibéral de Prague. La ratification de ce traité ferait basculer par voie de conséquence l’Europe dans la dépendance des USA par la voie de l’OTAN. C’est précisément ce que souhaite la droite ultralibérale de la « nouvelle Europe ». Elle se servira avantageusement, d’une manière ou d’une autre, du traité constitutionnel actuel, pour poursuivre et réaliser ses propres visées américanistes et bellicistes en Europe. Les dirigeants européens se gardent bien d’informer les citoyens européens sur ces orientations. Ils couvrent ces activités d’un silence pesant.

Une étape inquiétante : la présidence tchèque de l’Union en 2009

Il est notoire que la droite tchèque au pouvoir souhaite ardemment la présence massive de mercenaires américains en République tchèque d’abord, dans l’Union Européenne ensuite. Elle veut être protégée par les USA et l’OTAN. Le Parti civique démocratique (ODS) est une association de nouveaux riches, de parvenus qui se sont enrichis par des privatisations entachées de fraude, par des prévarications, des vols, des malversations qui n’ont pas de précédent dans l’histoire de ce pays. Avec cette coterie présidentielle au pouvoir, la société tchèque est livrée quotidiennement au pillage et à toutes les horreurs de la corruption généralisée, jamais vus dans le passé. Cette droite, qui continue à s’enrichir en pillant les richesses de la société, ne fait pas confiance à la police ni à la justice de son pays, également corrompues irrémédiablement. Cette nouvelle couche sociale, extrêmement désireuse des biens terrestres, veut se placer sous la protection de l’armée américaine et des forces de l’OTAN. La « menace terroriste » iranienne et nord-coréenne vient à propos.

Le drapeau américain flottant au-dessus de la base antimissile à quelques dizaines de kilomètres de Prague, symboliserait aux yeux de tous les nouveaux possédants en République Tchèque « la victoire finale du capitalisme », » la fin de l’Histoire » . La grande majorité des citoyens tchèque sont contre les bases américaines chez eux. Les manifestants, eux de plus en plus nombreux, exigent que cette question soit soumise à un référendum. Les autorités de Prague nous font savoir « qu’il est trop tard » : le gouvernement et la majorité de droite au parlement ont déjà décidé, seuls. Si le gouvernement Klaus-Topolanek sait mépriser l’avis des citoyens tchèques, il saura mépriser aussi l’opinion des peuples d’Europe en 2009. Les masques tombent. La présidence tchèque de l’Union Européenne en 2009 sera dangereuse pour la démocratie et pour les valeurs européennes. Elle sera dangereuse au-delà de ce qu’on peut imaginer. Nous ne pouvons et ne voulons effacer de tels faits de la conscience européenne.

La droite tchèque, à l’instar de la droite de la « nouvelle Europe », souhaite à présent la désintégration politique du continent européen. Elle souhaite que l’Europe politique vole en éclat et que les pays de l’Union Européenne, les uns après les autres, établissent des accords bilatéraux avec les USA. L’Europe des Lumières, de la paix, de la justice sociale, des libertés démocratiques, est menacée par un nouveau pas en avant dans l’obscurantisme. Donner à la droite tchèque ultralibérale, antidémocratique, antisociale et belliciste la présidence de l’Union en 2009 est un acte politique. Les « élites libérales » européennes font ici un choix politique clair : permettre à la droite tchèque de compromettre gravement la construction d’une Union Européenne à laquelle aspire la grande majorité des peuples.

Avec le bouclier antimissile américain, à deux étapes de course cycliste de Strasbourg, la construction d’une Europe pacifique et démocratique serait sacrément compromise, je n’hésite pas à le dire. Se préparer aux nécessaires affrontements à venir, solidarité avec la résistance du peuple tchèque ! Nous, qui nous sommes prononcés pour une autre Europe, le 29 mai 2005, devons pointer ce choix et expliquer pourquoi nous le contestons. Nous devons dire clairement que nous ne voulons pas une présidence qui menace la paix en Europe et dans le monde. Sur ce point, je crois utile de rappeler que le peuple français est parfaitement légitimé à manifester un tel refus, lui qui a rejeté le projet de constitution qui prévoyait la soumission de l’Europe aux USA et à l’OTAN.

La droite tchèque proposera, durant sa présidence européenne en 2009, d’aider à la domination des USA et à vassaliser l’Europe.

Nous devons empêcher cela. Il faut se préparer lucidement à poser la question de l’illégitimité de la future présidence tchèque, en supposant que l’actuelle coalition de va-t-en guerre sera encore au pouvoir à Prague en 2009. Cette bataille sera obligatoirement une campagne en direction des citoyens français, épris de paix et de démocratie, désemparés aujourd’hui par l’atonie de la gauche du « non ». Agissons plutôt qu’attendons que l’abîme nucléaire s’ouvre à nos frontières. Les citoyens de la République tchèque commencent à réaliser que les « grands de ce monde » ont décidé de se passer définitivement de l’avis des peuples d’Europe. Avec le mouvement « Non aux bases militaires » , nous assistons dans ce pays à un premier véritable réveil citoyen depuis la chute du mur de Berlin. Tout revient à savoir à présent comment relier le « non » massif des peuples français et hollandais au « non » tout aussi massif du peuple tchèque aux fauteurs de guerre en Europe.

Une première rencontre européenne pour une Assemblée Constituante a eu lieu les 23 et 34 février à Paris, à l’initiative de Jean-Luc Mélenchon et de nos amis de PRS. Cette première démarche a posé des jalons d’un durable rapprochement des peuples d’Europe. Notre délégation a été reçue fraternellement.

La bataille contre les bases militaires américaines en République tchèque se présente donc en fait à nous comme une étape vers une prise de conscience authentiquement européenne, en rupture avec la construction européenne antidémocratique actuelle. Les citoyens tchèques doivent s’emparer de cette initiative, mais ils ne peuvent parvenir à leur objectif sans l’appui des autres peuples d’Europe, dans ce qui est finalement l’affaire de tous.

Karel Kostal, Solidarité Socialiste Prague, PRS Isère 38


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