SYRIE : CHOIX IMPOSSIBLE, PRUDENCE NÉCESSAIRE !

dimanche 11 mars 2018.
 

Antoine Hasday est journaliste sur le site slate.fr. Il y a commis un très long article relatif à la guerre en Syrie, le 1er mars 2018. http://m.slate.fr/story/158272/desi...

Cet article a pour objet de river son clou à Claude El Khal, et, à travers lui à tous ceux qui ne suivent pas les va-t-en-guerre occidentaux contre le régime syrien, après son commentaire très équilibré sur la guerre en Syrie, diffusé dans le journal de Le Média, le 23 février dernier. https://www.youtube.com/watch?v=XzU...

Le problème, pour El Khal, n’étant pas de dédouaner Bachar el-Assad de ses crimes contre son peuple, mais de considérer que dans cette région, il n’y a pas les rebelles, comme disent les médias dominants, biens sous tous rapports, d’un côté, et l’affreux Bachar, de l’autre. Si ce dernier est bien un affreux, les « bons » rebelles, de leur côté, sont dominés par des factions d’islamistes fanatiques, issus d’Al Qaïda. Ce n’est pas mieux, voire pire.

Avant de commenter le pensum du sieur Antoine Hasday, il me paraît indispensable de dire quelques mots sur Slate.fr, le site où Antoine Hasday est journaliste.

Slate se dit : « Entreprise indépendante fondée par Jacques Attali, Jean-Marie Colombani, Johan Hufnagel, Eric Le Boucher, Eric Leser et Slate Group » Ouf ! Nous avons échappé de peu aux Alain Minc, BHL, Frantz-Olivier Giesbert,…. ces omniscients donneurs de leçons de morale et d’objectivité.

Quant à sa profession de foi, Slate l’exprime ainsi : « Face à la complexité et aux défis du monde contemporain, il est impossible de s’abriter derrière des grilles de lecture préconçues. L’analyse de faits avérés, la prise de distance, la confrontation d’idées, l’argumentation sont pour nous préférables aux réflexes partisans ou militants. »

Je suis très heureux d’apprendre que les fondateurs du site ne sont pas du tout des partisans. Il m’aura fallu atteindre mon grand âge pour avoir cette révélation. Je me confonds en prosternation à leurs pieds. Jusque-là, je n’étais que médisance à leur propos.

Mais là où ma félicité atteint son comble, c’est à l’annonce des financeurs : « Slate.fr est détenu par : -ses fondateurs et ses cadres (26,67%) et -Cattlyea Finance et Lampsane Investissement, groupe familial de Benjamin et Ariane de Rotschild (69.77%). »

Indépendance garantie !

DES PREUVES INSUFFISAMMENT ÉTAYÉES

J’en viens maintenant au texte d’Antoine Hasday, en gardant toujours à l’esprit le lieu d’où celui-ci parle.

Je vais commencer par exprimer mon accord avec l’auteur. Comme lui, je pense que la plupart du temps les médias dominants vérifient les informations qu’ils publient. Mais avant, ils les trient selon le message qu’ils veulent faire passer. Dans la même veine, les propriétaires/dirigeants de ces médias ne font aucune pression sur leurs salariés journalistes. Ils n’en ont pas besoin. Ils ont opéré la sélection au moment de leur recrutement. C’est plus sûr.

À partir de maintenant, nous allons faire une plongée dans les abîmes de l’approximation.

Après avoir affirmé que Claude dit des inexactitudes, Antoine donne raison à Claude El Khal, à plume retenue. Pour ce faire, il use d’une hyperbole : « peu de journalistes sont actuellement dans la Ghouta orientale ». En fait, il n’y en a pas.

Arrivent ensuite, les autres approximations. Celles relatives aux autres sources : les civils, les secouristes, les humanitaires. Mais il y a aussi des témoignages d’habitants recueillis par des journalistes non présents sur les lieux, via le téléphone et Skype.

Bref, tout cela est très fragile. Mais à la limite, c’est acceptable. El Khal ne dit d’ailleurs pas autre chose. Sauf qu’il relativise ces témoignages, comme n’étant pas assez fiables et vérifiables. Mais surtout, il ajoute, en s’étonnant que ses confrères n’en disent rien, que les mêmes atrocités ont lieu à Damas, dans l’autre camp. Mais, là encore, selon El Khal, faute d’observateurs sur le terrain, les sources ne sont pas assez fiables.

Pas à court de sources, Hasday érige en parangon de vérité objective le desk photo de l’AFP et le Décodex du journal Le Monde, via, si nécessaire, un logiciel. Au nom de quoi ?

Cela dit, je suis persuadé que la population civile de la Goutha subit des atrocités de la part du régime de Bachar. Là n’est donc pas le problème. Mais la guerre est aussi vécue par la population civile de Damas, dans le silence quasi-total des médias dominants.

Je suis aussi persuadé que Bachar est un bourreau pour ceux de son peuple qui ont l’heur de ne pas le soutenir. Mais dans cette région, il n’y a que des bourreaux. Que ce soit en en Arabie Saoudite, en Égypte, en Irak, en Iran, en Israël, en Lybie, au Qatar,……. Et tous ces bourreaux ne sont là que par la volonté ou la faute des États-Unis et/ou de ses alliés occidentaux, hormis en Iran.

CONSIDÉRER LE CONTEXTE RÉGIONAL

Cette donnée propre à la situation de tout le Moyen-Orient m’amène à mettre le doigt sur la grande faille du raisonnement d’Hasday.

Hasday concentre toute son analyse sur la Syrie, principalement. Il fait comme si la situation dans ce pays n’avait aucun lien avec tout ce qui se passe au Moyen-Orient, depuis des décennies. Il n’inscrit pas son raisonnement dans un contexte général, mais selon une vision cloisonnée des situations de chacun des pays de la région. Rien n’est plus superficiel.

Ce qu’il se passe en Syrie ne peut être détaché de ce qu’il s’est passé et se passe dans toute cette région. Deux événements, principalement, structurent l’évolution politique des pays qui la constituent.

Le premier événement, c’est la création de l’État d’Israël, et surtout, la manière dont ses dirigeants ont de plus en plus manifesté leur volonté expansionniste, avec l’assentiment des États-Unis et contre les résolutions de l’ONU.

Le second événement, c’est la guerre menée par les États-Unis en Irak, en 2003, pour renverser Saddam Hussein, à partir d’un mensonge absolument crapuleux de leur propagande. La fameuse fiole blanche.

Deux autres événements, moins structurants, expliquent aussi ce qu’est le Moyen-Orient aujourd’hui. C’est, dans l’ordre chronologique la constitution d’Al Qaïda, avec l’aide des États-Unis, pour bouter les Soviétiques hors de l’Afghanistan, et le renversement par la France et la Grande Bretagne de Khadafi en Lybie.

Tous ces événements ont gravement déstabilisé toute la région. Mais la manière d’Hasday de raconter ce qu’il se passe dans cette région, lui permet de focaliser sur la Syrie et d’éviter surtout de mettre en cause ses États-Unis chéris. Et, dès lors, de donner des leçons de morale à tous ceux qui ont l’impudence de rappeler la responsabilité des États-Unis. Nous voilà donc habillés en anti-impérialistes de mauvaise foi. Anti-impérialistes, oui, de mauvaise foi, non. Nous nous appuyons sur des faits.

Et pour que notre coupe soit bien pleine, il faut absolument que nous soyons proches des Russes. Et, injure suprême, nous minorons les crimes de masse. Sur ce point, je vais, je l’espère, faire plaisir à Hasday et à ses admirateurs. Je vais rappeler quelques faits de guerre s’étant traduits par d’innombrables morts de civils. Le bombardement de Dresde en 1945. Les bombes atomiques jetées par les Américains au Japon, sur les villes d’Hiroshima et de Nagasaki. Toujours par les Américains, le napalm jeté sur tout la population vietnamienne, dans les années 70.

Si bien que, de tous les pays constituant notre planète, les États-Unis sont les moins bien placés pour donner des leçons de morale à la Terre entière. Ne le dites surtout pas à Hasday, il serait capable de faire une crise de négationnisme ou, au moins, de relativisme.

La meilleure preuve de ce que je vous dis, c’est que, à propos des crimes de guerre commis par la coalition anti-État islamique, notamment durant la bataille de Mossoul, Hasday trouve le moyen de dire que ladite coalition « n’a pas délibérément ciblé les civils », alors que, dit-il, le régime syrien le fait. À Alep, comme à Mossoul, les civils n’ont pas été épargnés. Mais les Occidentaux et leurs médias ont choisi de ne s’indigner que des bombardements à Alep et, aujourd’hui à Ghouta. À Mossoul, les Occidentaux n’ont envoyé que des bombes à tête chercheuse et ayant un flair de chien policier, pour ne pas tuer de civils. Mais ça n’a pas bien réussi.

Évidemment, nous ne faisons pas l’impasse sur les crimes de masse commis par les nazis, contre les Juifs en particulier, par les dirigeants soviétiques, au Goulag, par les dirigeants chinois, pendant la révolution culturelle.

MARABOUTÉS PAR L’IMPÉRIALISME AMÉRICAIN

Parce que nous minorerions les crimes de masse (je viens de démontrer qu’il n’en est rien), nous faisons du « whataboutisme ». J’apprends l’existence de ce mot. Merci Antoine.

Souffrez que, de mon côté, je dise de Hasday, après l’avoir lu, qu’il est marabouté par les États-Unis. Au point que l’extase dans laquelle il est l’amène à considérer qu’ « une partie des armes livrées par les États-Unis aux rebelles a fini accidentellement aux mains de l’État islamique ». Avouez que c’est ballot !

Dans son entreprise de relativisation des actes des pays occidentaux en Syrie, notre peu scrupuleux Antoine en vient à dire « qu’aujourd’hui, leur priorité va essentiellement à la lutte contre les djihadistes. » Sous-entendu, hier, le renversement de Bachar était leur priorité.

Très fâché avec la géopolitique, on l’a vu plus avant, quand j’ai regretté que Hasday ne parle que de la situation en Syrie, sans l’inscrire dans le contexte régional, notre homme en rajoute une couche à propos des enjeux énergétiques dans tout le Moyen-Orient. Il réfute la thèse de Mélenchon selon laquelle : « Si on veut comprendre quoi que ce soit à ce qui se passe au Moyen-Orient, il ne faut pas regarder les guerres de religions : il faut suivre les pipelines. »

Sa réfutation est d’une faiblesse indigente, qui confine presque à l’ingénuité. Il reconnaît la réalité du projet de gazoduc devant relier le Qatar à la Turquie, mais refusé par la Syrie. D’où le projet des Occidentaux de renverser Bachar. Mais, « quand bien même Assad aurait été renversé, le projet n’aurait pas pu se faire. », dit Hasday. L’Arabie Saoudite y est opposé aussi. Donc, la thèse de Mélenchon ne tient pas la route. Dixit Hasday.

Bien sûr, l’Arabie Saoudite fera ce que veulent les États-Unis. Grand naïf, cet Antoine.

Au terme de ma réplique, je veux mettre en relief ce qui court tout au long de l’article de Hasday. À savoir une violente charge contre les anti-impérialistes, qui plus est antiaméricains. Nous avons des raisons, non ?

De cette philippique contre les anti-impérialistes, je retiens donc que Hasday et tous ceux qui tombent en pamoison devant son article se rangent eux-mêmes dans le camp des impérialistes. Bel aveu ! Un rappel de ce qu’est l’impérialisme s’impose donc. Pour cela, quoi de mieux que de consulter le dictionnaire Larousse ? En voilà la définition : « Phénomène ou doctrine d’expansion et de domination collective ou individuelle. »

Il est ainsi bien clair que l’impérialisme est une doctrine guerrière.

Subir l’opprobre de gens aux mœurs aussi belliqueuses a le don de me remplir d’aise. C’est un peu comme si je recevais une médaille. Un hommage du vice à la vertu.

On comprend mieux, maintenant, pourquoi tous ces dévots proaméricains, si prompts à vouloir traduire devant le tribunal international des petits roitelets africains, par exemple, ou si pointilleux sur les agissements de Chavez, de son successeur, Maduro, de Castro, n’ont jamais réclamé que les présidents américains, responsables de crimes contre l’humanité au Vietnam, au Chili, en Irak,…… soient eux-aussi traduits devant le tribunal international. Les exactions commises par les alliés des États-Unis, tels les responsables de l’Arabie Saoudite ne les émeuvent pas davantage. Pas une de leur voix ne s’élève pour les amener devant ce même tribunal international.

Il faudra que Hasday et tous ses fans s’y fassent, nous ne nous laisserons jamais impressionner par l’énorme rouleau compresseur de la propagande proaméricaine par l’unanimité des médias français dominants. Nous lutterons pied à pied contre leurs intentions guerrières.


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