Projets Macron. L’assurance-chômage : nouvelle cible.

jeudi 1er mars 2018.
 

Les attaques du gouvernement contre les salariés se sont concentrées pour l’instant sur la diminution de leurs droits (ordonnances Macron qui inversent la hiérarchie des normes) et le gel de leurs revenus (pas de coup de pouce au SMIC ou de hausse du point d’indice des fonctionnaires). Emmanuel Macron ouvre un nouveau front, celui de l’assurance-chômage.

La négociation Unédic

Le patronat et les syndicats négocient en effet une nouvelle convention Unédic, à partir de la feuille de route fixée par Macron. Depuis 1958, l’assurance-chômage française est une structure paritaire. Elle récolte les cotisations au titre du chômage, et est gérée par des syndicats représentatifs et un patronat sans représentativité. Leurs représentants s’accordent régulièrement sur une convention, qui fixe l’indemnisation du chômage. L’Etat peut refuser de l’agréer, ce qui impose une renégociation. Aujourd’hui, l’Unédic récolte plus de cotisations qu’elle ne verse d’allocations, car un chômeur sur deux n’est pas indemnisé. Mais en même temps, elle est obligée de cofinancer Pôle emploi… et ce chèque qu’elle lui remet tous les ans suffit à tirer le bilan comptable dans le rouge !

Les négociateurs semblent pour l’instant s’être accordés pour étendre l’assurance-chômage aux indépendants mis en liquidation judiciaire, et pour indemniser les salariés qui démissionneraient avec un projet de reconversion, et avec un nombre de démissions limitées. Mais un point bloque, à l’initiative des syndicats : la lutte contre les contrats précaires. Ce sont aujourd’hui 2 millions d’inscrits à Pôle emploi qui exercent un emploi en CDD ou à temps partiel. Le patronat propose « d’ouvrir des négociations » dans les branches, alors que les syndicats veulent des sanctions tangibles. La CGT souhaite des cotisations plus élevées sur les contrats courts, pour décourager l’embauche en CDD. FO et la CGC défendent un malus pour les entreprises qui ont trop de CDD, et une baisse de cotisations pour celles qui en ont peu. Enfin, la CFDT revendique de diminuer progressivement les cotisations chômage au fur et à mesure de l’ancienneté des salariés. Dans tous les cas, l’argent récolté servirait à mieux protéger les chômeurs.

Lois scélérates…

En l’état, les projets du gouvernement sont irréalistes… ou sournois. Il n’est pas possible d’ouvrir l’assurance-chômage à des centaines de milliers de nouveaux assurés sans financement complémentaire. Or, le patronat et le gouvernement refusent toute hausse des taux de cotisation (de manière générale, ou de manière ciblée sur les emplois précaires). Ils comptent uniquement trouver les fonds nécessaires… chez les chômeurs ! Comment ?

D’abord, en renforçant les contrôles et les sanctions. Les demandeurs d’emploi verront leurs allocations chômage divisée par deux s’ils refusent deux offres « raisonnables ». Pour un chômeur qui touchait le SMIC, après 6 mois d’inscription, une offre est « raisonnable » si elle est payée 970€ par mois, à une heure de transport de chez lui. Heureusement, peu de conseillers appliquent réellement la législation à Pôle emploi !

Cette rengaine d’un manque de volonté supposé des chômeurs est fausse et archaïque. Au début du XXe siècle, le sociologue Max Lazard montrait déjà que le taux de chômage évolue indépendamment de ce que font les personnes. Entre juin 2008 et octobre 2017, le nombre d’inscrits auprès de Pôle emploi a quasiment doublé : 6,7 millions au lieu de 3,5 millions. Qui imagine qu’une épidémie de paresse explique un tel mouvement ? En neuf ans, les chômeurs auraient été frappés par l’oisiveté ? On peut montrer la limite d’une telle explication de manière encore plus claire : chaque année, le chômage atteint un haut niveau au mois de novembre, puis diminue jusqu’à l’été, et repart vers le haut.

Dans la logique de Macron, cela signifie-t-il que les chômeurs ont un pic de motivation l’été (ils trouvent du travail), et redeviennent fainéants l’hiver (ils restent chez eux à ronronner ?). Bien sûr que non : c’est que le marché du travail a ses évolutions et ses cycles. Les salariés du secteur privé les subissent directement, selon le nombre d’offres d’emploi disponibles dans leur secteur. Par ailleurs, les salariés du secteur public le subissent également, de manière moins visible, car leur nombre varie selon les investissements de l’Etat, qui eux-mêmes varient selon les rentrées fiscales en fonction de la conjoncture (surtout dans une période où les impôts sur les plus riches sont supprimés).

Emplois non pourvus : le mensonge

En 2015, il y avait 150.000 offres qui n’ont pas trouvé preneurs, et 24 millions de contrats de travail qui ont été signés (essentiellement des CDD de moins d’un mois). Le calcul est très simple : 99,4% des offres ont trouvé un salarié preneur. Où est le besoin de pressurer les chômeurs, dans une société où seul 0,6% des offres restent sur le côté ? Il y a 1 offre en circulation pour 44 chômeurs ! Les chômeurs ne sont donc pas responsables de leur sort.

…et contre-productives !

Mais de toute façon, la fraude ne représente qu’une centaine de millions d’euros par an… qui sont déjà là ! Alors qu’il faudrait dégager plus de 400 millions d’euros pour indemniser les indépendants et les démissionnaires. Impossible de trouver l’argent dans une cagnotte aussi dérisoire. Seule source budgétaire possible : mettre tellement de pression sur les chômeurs que certains craquent et renoncent à leurs droits. Ainsi, le gouvernement compte remplacer des chômeurs indemnisés aujourd’hui par d’autres chômeurs demain. Et ceux qui auront craqué sortiront des chiffres.

Mais même une politique aussi cynique peut être contre-productive. Les études menées sur les États-Unis, la Suisse, les Pays-Bas ou le Royaume-Uni (plus d’un chômeur sur deux ne réclame même pas ses allocations pour éviter l’inquisition) montrent que l’effet principal des contrôles tatillons est un départ du marché du travail. Les chômeurs préfèreraient être inactifs plutôt que surveillés en permanence. Ils ont donc encore moins de chance de retourner à l’emploi… et de cotiser pour l’Unédic !

Par ailleurs, ce type de contrainte sur les chômeurs est aussi négative pour les petits employeurs. Car les chômeurs obligés d’envoyer de nombreuses candidatures vont répondre à plein d’offres. Ils vont donc submerger certains employeurs qui n’ont pas les moyens de payer une direction des ressources humaines. C’est très problématique, car cela risque d’en détourner certains de Pôle emploi. En conséquence, cela renforcera les difficultés des chômeurs inscrits qui n’ont pas les bonnes relations pour trouver un emploi.

Attaque contre les seniors

Après l’offensive de la CSG contre les retraités, ce sont les seniors actifs qui sont désormais attaqués. Déjà, en 2017, la durée d’indemnisation des chômeurs seniors a été raccourcie. Entre 50 et 54 ans, les chômeurs ont perdu 1 an d’indemnisation (2 au lieu de 3 maximum). Emmanuel Macron entend encore repousser à 59 ans l’âge auquel les assurés bénéficient d’une troisième d’allocation chômage, et donc retirer un an de couverture aux chômeurs entre 55 et 58 ans ! Après l’injustice fiscale, le gouvernement démontre une nouvelle fois son injustice sociale.

Hadrien Toucel


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