En 1948, Henri Dorgères faisait du François Fillon

vendredi 28 juillet 2017.
 

Suppression de 400 000 fonctionnaires et fin du remboursement des « petits risques » par la Sécurité sociale. En 1948, Fillon n’existait pas, et pourtant…

Les idées de François Fillon ne sont pas neuves. L’historienne Annie Lacroix-Riz a exhumé un document édifiant datant de 1948 qui le prouve cruellement. Dans le rapport retrouvé, le commissaire aux renseignements généraux rendait ainsi compte d’une « réunion paysanne » organisée par Henri Dorgères : « L’orateur demande la diminution des fonctionnaires (400 000), la suppression des nationalisations. (…) Il demande également la réorganisation de la Sécurité sociale par la suppression du remboursement des petits risques. » À deux doigts du copier-coller, toute la colonne vertébrale de ce que propose François Fillon pour 2017 y est déclinée, y compris au niveau des arguments. Henri Dorgères déplore même que de « simples rhumes de cerveau coûtent aux contribuables 75 milliards par an », quand Jérôme Chartier, porte-parole du candidat de la droite, a bien eu du mal à expliquer que la prise en charge du rhume, « ça dépend de quel rhume ».

Elu député poujadiste en 1956, aux côtés, entre autres, de Jean-Marie Le Pen

Ironie du sort, la réunion de 1948 a eu lieu à Landivy, en Mayenne, à quelques kilomètres de Sablé-sur-Sarthe, terre d’élection de François Fillon. Reste une question : qui était Henri Dorgères ? Fondateur des « Chemises vertes » et du fascisme agraire, un temps partisan du renversement de la République, il soutient Philippe Pétain sous Vichy, reçoit la francisque en 1941 et est nommé délégué général à l’organisation et à la propagande de la Corporation paysanne tout juste créée. Amnistié en 1946, il est élu député poujadiste en 1956, aux côtés, entre autres, de Jean-Marie Le Pen.

Fillon, qui veut démanteler la sécurité sociale, aurait touché 200 000 euros d’AXA

Évidemment, la question n’est pas de démontrer que François Fillon serait un fasciste, ou bien qu’il aurait été du côté des collaborateurs au siècle dernier. « Ce serait absurde, il n’était pas né, mesure Annie Lacroix-Riz. Mais il est de fait l’héritier du programme économique et social de la droite qui a éreinté les Français avant et pendant la guerre. Il incarne cette droite patronale qui invective sans cesse les fonctionnaires et qui agit bec et ongles depuis le début du XXe siècle contre le salaire indirect et la Sécurité Sociale. » Et l’historienne de rappeler que « le consortium des assurances privées achetait des hommes politiques avant guerre pour damer le pion aux projets d’assurance sociale collective. Dorgères en était ». François Fillon, qui entend démanteler la Sécurité sociale, sauf pour « les maladies graves », afin de développer les assurances privées, aurait touché 200 000 euros entre 2012 et 2014 de la part de l’assureur Axa, via la société 2F Conseil. L’ex-patron d’Axa, Henri de Castries, le soutient officiellement. Mais, à part ça, François Fillon est un homme neuf et innovant.

Aurélien Soucheyre, Journaliste, L’Humanité


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