La recherche scientifique sauvagement amputée.

mardi 31 mai 2016.
 

Un gouvernement qui favorise les rentiers et se détourne de l’innovation scientifique et technologique.

Coupes budgétaires dans la recherche : huit grands chercheurs dénoncent « un suicide scientifique et industriel »

Source : Le Monde le 23/05/2016

http://www.lemonde.fr/idees/article...

Un projet de décret a été présenté en commission des finances de l’Assemblée nationale, mercredi 18 mai, annulant 256 millions d’euros de crédits sur la mission « recherche et enseignement supérieur ». La commission doit se prononcer sur ce texte mardi. Dans une tribune, publiée par « Le Monde », sept Prix Nobel et une médaille Fields (une récompense équivalente pour les mathématiques), dénoncent « un coup de massue » et décrivent des mesures qui « s’apparentent à un suicide scientifique et industriel ».

Hasards de l’actualité : nous avons appris le même jour que les dépenses de recherche et développement (R&D) de l’Etat fédéral allemand ont augmenté de 75 % en dix ans, et que le gouvernement français annulait 256 millions d’euros des crédits 2016 de la Mission recherche enseignement supérieur (Mires), représentant un quart des économies nécessaires pour financer les dépenses nouvelles annoncées depuis janvier.

Au sein de ces mesures, on note que les principaux organismes de recherche sont particulièrement touchés, le CEA, le CNRS, l’INRA et Inria, pour une annulation globale de 134 millions d’euros.

Nous savons combien les budgets de ces organismes sont tendus depuis de longues années. Ce coup de massue vient confirmer les craintes régulièrement exprimées : la recherche scientifique française, dont le gouvernement ne cesse par ailleurs de louer la grande qualité et son apport à la R&D, est menacée de décrochage vis-à-vis de ses principaux concurrents dans l’espace mondialisé et hautement compétitif de la recherche scientifique. Exemple parmi d’autres, le gouvernement américain vient de décider de doubler son effort dans le domaine des recherches sur l’énergie.

Ce coup d’arrêt laissera des traces, et pour de longues années

Ce que l’on détruit brutalement, d’un simple trait de plume budgétaire, ne se reconstruit pas en un jour. Les organismes nationaux de recherche vont devoir arrêter des opérations en cours et notamment limiter les embauches de chercheurs et de personnels techniques. Ce coup d’arrêt laissera des traces, et pour de longues années.

Le message envoyé par le gouvernement n’incitera pas non plus la jeunesse à se tourner vers les métiers de la recherche scientifique et de la R&D en général.

Une analyse récente de la société Thomson Reuters plaçait trois organismes français, le CEA, le CNRS et l’Inserm, parmi les dix organismes publics les plus innovants au monde, illustrant ainsi le fait que notre pays dispose bien de la recherche de base et d’une R&D de qualité, conditions nécessaires pour mener à bien le redressement économique du pays.

Nous sommes encore loin des 3 % du PIB fixés comme objectif pour les dépenses de R&D par la stratégie Europe 2020, et nous n’y parviendrons pas en fragilisant à ce point les principaux organismes de recherche. Les mesures qui viennent d’être prises s’apparentent à un suicide scientifique et industriel.

Dans ce monde incertain, la qualité de notre recherche est un atout considérable. La recherche française est un des pôles reconnus de la science mondiale multipolaire et nous devons maintenir et consolider cette position enviable. Car il n’y a pas de nation prospère sans une recherche scientifique de qualité. Puisse le gouvernement français entendre cet appel.

Françoise Barré-Sinoussi (Prix Nobel de physiologie ou médecine) Claude Cohen-Tannoudji (Prix Nobel de physique) Albert Fert (Prix Nobel de physique) Serge Haroche (Prix Nobel de physique) Jules Hoffmann (Prix Nobel de physiologie ou médecine) Jean Jouzel (vice-président du groupe scientifique du GIEC, au moment où celui-ci reçoit le prix Nobel de la paix) Jean-Marie Lehn (Prix Nobel de chimie) Cédric Villani (médaille Fields)

Réactions syndicales des chercheurs.

1er communiqué.

Etat d’urgence dans la recherche

Source : SNCS

http://sncs.fr/Etat-d-urgence-dans-...

Communiqué des conseils scientifiques du CNRS, de l’INRA, de l’INSERM, de l’IRD et de l’INED . Le 24/05/2016

Les conseils scientifiques du CNRS, de l’INRA, de l’INSERM et de l’INED s’indignent de l’annonce brutale du projet de suppression par décret de 256 millions d’euros de crédit 2016 pour la "Mission interministérielle Recherche et Enseignement supérieur", qui porterait pour 134 millions sur les organismes de recherche (CNRS, INRA, INSERM, INED, CEA, INRIA, etc.). Cette décision contredit radicalement les engagements pris en début d’année par le secrétariat d’Etat à l’Enseignement supérieur et à la Recherche, et réaffirmés le 14 mars par le président de la République. Elle provoque stupeur et consternation dans l’ensemble du monde scientifique, comme en témoigne la prise de position commune de personnalités scientifiques de premier plan dans une tribune parue dans Le Monde du 24 mai 2016. Cette coupe claire, qui arrive très tardivement en cours d’année, va complètement déstabiliser les projets en cours et la structuration des équipes et des laboratoires, dans un contexte où l’emploi scientifique (chercheur.se.s, ingénieur.e.s, technicien.ne.s) a déjà été durement touché ces dernières années. Des décisions prises en conséquence dans l’urgence risquent de coûter à terme très cher à la collectivité et de détourner les jeunes générations de la recherche. Les conseils scientifiques demandent au gouvernement de surseoir à ce projet contre-productif, et de considérer réellement la recherche et l’enseignement supérieur comme un investissement d’avenir.

Bruno Chaudret Président du Conseil Scientifique du CNRS Alain Tedgui Président du Conseil Scientifique de l’INSERM Frédéric Dardel Président du Conseil Scientifique de l’INRA Gustavo de Santis Président du Conseil Scientifique de l’INED Giles Pison Président du Conseil Scientifique de l’IRD

Au nom de leurs Conseils Scientifiques respectifs

2ème communiqué

Budget de la recherche : Les tours de passe-passe de la ministre et de son secrétaire d’Etat. mardi 24 mai 2016

http://sncs.fr/Budget-de-la-recherc...

Communiqué du presse du SNCS-FSU et du SNESUP-FSU du 24 mai 2016

Suite à notre communiqué du 20 mai, suite à la tribune de sept Prix Nobel et une médaille Fields dans le Monde daté du 24 mai, suite à l’émoi suscité dans la communauté scientifique (motion du CNESER, des conseils scientifiques du CNRS …), Najat Vallaud-Belkacem et Thierry Mandon répondent dans un communiqué du lundi 23 mai par des arguments techniques, en expliquant que les 134 M€ de crédits annulés aux CEA, CNRS, INRA et INRIA seront prélevés sur les fonds de roulement des organismes.

Une fois de plus on veut nous faire croire, par des tours de passe-passe, que les annulations de crédits n’en seraient pas ! Le SNCS-FSU et le SNESUP-FSU rappellent qu’en 2015, 45 M€ ont déjà été supprimés en crédits de paiement (CP) au CNRS.

Le ministère avait alors déjà expliqué qu’il n’y avait pas de problème, car il n’y avait pas de suppression en autorisations d’engagement (AE). Il suffisait d’emprunter les CP nécessaires au fond de roulement …. mais les crédits en question n’ont jamais été restitués. Jusqu’à quand les organismes de recherche pourront-ils donc mobiliser leur fond de roulement ? Le fond de roulement n’est pas une espèce de source miraculeuse de budget supplémentaire ! C’est une marge indispensable qui permet aux établissements de payer en temps et en heure leurs factures et leurs personnels.

C’est aussi ce qui garantit leur capacité à financer sans accident leurs dépenses d’investissements (opérations immobilières, grands équipements scientifiques …). Vouloir faire croire que 134 M€ de crédits annulés sur les organismes de recherche peuvent être compensés par une réduction des fonds de roulement, en prétendant ainsi qu’il s’agirait de crédits non utilisés, est un leurre. Dans le cas du CNRS, les 50 M€ supprimés aujourd’hui - coupure sèche - se rajoutent aux 45 M€ « reportés » de 2015 à 2016.

Après avoir poussé le CNRS à la cavalerie, le ministère lui propose un tour de magie supplémentaire … Assez de ces billevesées : une annulation de crédits reste une annulation de crédits ! Si ces 134 M€ étaient des crédits inutiles, ils n’auraient jamais été inscrits dans la loi de finance pour 2016 … Le SNCS-FSU et le SNESUP-FSU dénoncent la mise en danger des capacités de recherche de notre pays.

Les conséquences de ces annulations brutales de crédits seront, dès 2016, une réduction de crédits dans les laboratoires, avec de très graves conséquences, étant donnés les engagements pris, sur le déroulement des programmes de recherche. Le coup risque d’être fatal non seulement pour les organismes publics eux-mêmes, mais aussi pour leurs fournisseurs, car c’est tout un tissu de petites et moyennes entreprises de haute technologie qui est irrigué, normalement, par les commandes des laboratoires de recherche.

Les retards de paiement sont parfois mortels pour les PME. Même si l’on suppose un instant qu’on ne ponctionne en l’occurrence – provisoirement - que des fonds de roulement, c’est déjà, en poussant à accentuer encore la dérive des paiements, un risque mortel qu’on fait courir à l’industrie de pointe et à la compétitivité industrielle du pays.

Au-delà, comme on le voit déjà dans les universités - dont les fonds de roulement ont été si bien ponctionnés qu’elles en sont réduites à ne pas republier leurs emplois pour rester dans les limites de leurs budgets - le risque est grand que la compensation des crédits perdus se traduise par le non-recrutement des ingénieurs et des techniciens dont les campagnes de recrutement ne sont pas encore ouvertes. Nous avions déjà déploré, avant les annulations de crédits d’aujourd’hui, la stagnation du budget 2016.

Le pire à venir est le budget 2017, en préparation. Quelle crédibilité la communauté scientifique, en particulier les jeunes qui voudraient s’engager aujourd’hui dans les métiers de la recherche, pourra-t-elle accorder à ce budget ? Pour quels projets ? Le SNCS-FSU et le SNESUP-FSU exigent que la recherche soit une réelle priorité, non pas dans les discours des présidents ou des présidentiables, mais sous forme d’un réel investissement.

Le SNCS-FSU et le SNESUP-FSU appellent la communauté scientifique à se mobiliser dans le cadre des actions qu’ils lanceront avec l’intersyndicale de l’ESR pour exiger que le budget 2016 de la recherche ne subisse pas de coupure, et pour une loi de programmation de l’enseignement supérieur et de la recherche (ESR), avec un financement en augmentation de 3,5 milliards d’euros par année pendant dix ans. C’est seulement si cette condition est satisfaite que pourra être atteint l’objectif de 1% du PIB pour la recherche publique et 2% de PIB pour l’enseignement supérieur. Ces taux ne sont pas des rêves, mais ceux que pratiquent les pays qui comptent, aujourd’hui, dans le paysage mondial de l’enseignement supérieur, de la recherche et du développement technologique. C’est l’avenir économique, social, culturel, scientifique et environnemental de la France qui est en jeu.

3ème communiqué.

Depuis quatre années le budget de l’ESR voté par la représentation nationale n’est pas exécuté !

http://sncs.fr/Depuis-quatre-annees...

Communiqué de presse : Depuis quatre années le budget de l’ESR voté par la représentation nationale n’est pas exécuté . Le 25/05/2016

Le SNCS-FSU, le SNESUP-FSU et le SNASUB-FSU dénoncent le discours de la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, qui veut faire croire qu’une suppression de crédits n’aurait aucune conséquence parce que ne portant que sur de la trésorerie, des fonds de roulements et des fonds de réserve.

Aucune conséquence ? Mais d’une part, cela obère la capacité d’investissement et d’autre part il faudra bien payer - dans les délais légaux - ce qui serait seulement –si l’on en croit ces propos “rassurants” - reporté sur l’année suivante.

Concernant la ponction sur les fonds de réserve, rappelons que le budget 2016 de l’enseignement supérieur et de la recherche est en baisse de 5 millions d’euros par rapport à 2015, qu’il est déjà très insuffisant pour faire face à hausse du nombre d’étudiants accueillis et que celle-ci justifierai à elle seule une hausse du budget de plus d’un milliard d’euros.

C’est ainsi que les universités, poussées à la cavalerie budgétaire, se sont retrouvées dans de telles difficultés qu’il leur a fallu transformer de la masse salariale en budget de fonctionnement, au grand dam de leurs ressources humaines et de la situation faite aux agents . Après avoir asséché le budget des universités en diminuant leur fond de roulement, le gouvernement s’attaque maintenant à la capacité financière des organismes de recherche.

La ministre essaye de rassurer l’opinion en annonçant que l’ANR sera augmentée de 64 M€. Mais par quel tour de magie 64 M€, dirigés de surcroît vers un système de financement opaque, pourront-ils compenser la perte directe, par les organismes de recherche, d’une somme double ? Et de quel budget sont censés sortir ces 64 M€ ? Celui de 2017, dont on ne connaît même pas encore l’ébauche ?

Le SNCS-FSU, le SNESUP-FSU et le SNASUB-FSU appellent la communauté scientifique à réagir à cette nouvelle conséquence de la politique d’austérité.

Fin des communiqués.

Hervé Debonrivage


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