Arabie Iran : Nimr Baqer al-Nimr, Chiite pacifiste au cœur de la discorde

vendredi 8 janvier 2016.
 

Condamné à mort par l’Arabie saoudite comme « terroriste », le chef religieux chiite Nimr Baqer al-Nimr était un opposant politique à la monarchie. Les câbles diplomatiques américains révélés par Wikileaks le décrivaient comme pacifique, attaché aux valeurs de justice et de liberté. Son neveu, Ali, condamné alors qu’il était mineur, est en attente de son exécution par décapitation.

L’Arabie saoudite espérait pouvoir se débarrasser de lui au milieu de 46 autres exécutés samedi dernier. La monarchie annonçait porter un coup au djihadisme (sunnite), en tuant au sabre ou par balles ces présumés terroristes, mais cet imam chiite tué en même temps n’est pas passé inaperçu. Fin 2014, il avait été condamné à mort par un tribunal pour "terrorisme", "sédition", "désobéissance au souverain" et "port d’armes". Dans les faits, al-Nimr était plutôt un défenseur des droits des chiites, dans une monarchie sunnite qui les opprime. Humble et pacifique, il est devenu très influent auprès de la jeunesse chiite de la région.

Ses prises de positions publiques concernaient la libération d’activistes emprisonnés. Deux déclarations ont toutefois mené à sa condamnation : réclamer l’indépendance ou le rapprochement avec le Bahrein de sa région orientale de l’Arabie saoudite, enclave à majorité chiite, et son soulagement en 2012 exprimé en apprenant la mort du ministre de l’Intérieur, le prince Nayef. Celui-ci avait écrasé dans le sang une mobilisation en 2011 et février 2012, dans la lignée du Printemps Arabe, à laquelle participaient des chiites. Considéré comme un "instigateur de l’insurrection", il a été arrêté et blessé en 2012.

Une exécution purement politique

Pour Philip Luther, directeur d’Amnesty pour le Moyen-Orient, "les autorités saoudiennes disent avoir mené ces exécutions pour préserver la sécurité. Mais l’exécution du cheikh Nimr Baqer al-Nimr suggère qu’elles utilisent les exécutions pour régler des comptes politiques (...) sous couvert de lutte contre le terrorisme". "C’est une tentative de faire taire les critiques contre le régime, en particulier au sein de la communauté des activistes chiites", poursuivit-il, estimant que le procès de Nimr Baqer al-Nimr a été "manifestement inéquitable".

Al-Nimr a également été le sujet d’un câble diplomatique américain à la fin des années 2000, diffusé par Wikileaks. Un analyste américain l’avait même rencontré, notamment pour vérifier si ce dignitaire religieux était aux ordres de l’Iran, ainsi que l’Arabie Saoudite le prétendait. Selon cet analyste, si al-Nimr a fait ses études en Iran, il gardait ses distances avec Téhéran. Son désir était de réclamer l’égalité des droits pour son peuple de la région de Qatif, par des manifestations pacifiques. Pour l’analyste, le religieux parlait avec conviction et passion et non dans le but de manipuler ou par calcul politique. En cas de conflit, prédisait l’agent américain, al-Nimr restera avec les siens et ne rejoindra pas l’Iran. L’analyste concluait son câble en avançant que les chiites saoudiens feraient de meilleurs alliés pour les Etats-Unis que la monarchie sunnite, du fait de leurs valeurs de justice, de tolérance et de liberté.


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