Notre république démocratique, sociale, écologique et laïque pour le 21ème siècle

samedi 6 mai 2023.
 

Le bandeau supérieur de notre page d’accueil met en exergue le concept de république. Quel sens donnons- nous à ce concept ?

République et républicanisme paraissent faire partie du fond idéologique commun de notre pays. En fait, deux grandes conceptions de la République dominent la pensée politique française :

- une vision élitaire socialement, autoritaire politiquement et libérale économiquement illustrée par la définition de wikipedia La République est l’ensemble des biens, des droits, des prérogatives de la puissance publique et des services propres à un État. Elle a parfaitement convenu à Nicolas Sarkozy et à Manuel Valls. Macron en fait son beurre. Elle convient même au Front national ; il avait prévu son slogan en cas de victoire de Marine Le Pen au 2ème tour de la présidentielle 2017 "Protéger la République" avec pour philosophie une priorité impérative : maintenir la paix civile contre les opposants et refuser à tout étranger les droits sociaux de la république.

- une vision démocratique, sociale et émancipatrice qui se réfère à la citoyenneté et à la souveraineté populaire réelle. Elle se revendique de la démocratie directe athénienne plutôt que de Jean Bodin, des tribuns de la plèbe romains plutôt que de Cicéron, de la Révolution française et des Montagnards plutôt que de Cavaignac, du projet de République sociale porté par le mouvement républicain du 19ème plutôt que d’Adophe Thiers, du programme du CNR, des constitutions de 1793 et 1946. Elle ne met pas au cachot l’objectif d’égalité de la devise nationale. Elle conçoit l’intérêt général humain, pierre de touche du républicanisme comme intégrant l’écologie et le refus de la domination du capital financier (par exemple sur les médias). Elle articule égalité des droits et moyens pour favoriser l’émancipation (par exemple parité en politique), patriotisme et universalisme, mouvement social et sécurité des citoyens...

Notre site participe de cette seconde conception de la république. Je vais proposer, ci-dessous au lecteur :

- une première partie : Quelle république voulons-nous ? Pourquoi la République ?

- une seconde partie : Pour un républicanisme anticapitaliste

- une troisième partie rappelant par des extraits de textes programmatiques le type de matrice républicaine que nous portons.

Première partie : Quelle république voulons-nous ? Pourquoi la République ?

- 11) Quelle république voulons-nous ?
- 12) Qu’est ce que la république ?
- 13) Pourquoi se réclamer de la République ?
- 14) Remarques sur les lieux communs habituels concernant la république

11) Quelle république voulons-nous ?

Nous ne devons surtout pas louvoyer devant cette question. Des réactionnaires farouches se réclament aujourd’hui de la république. Des républicains conservateurs peuvent vous citer Cicéron et Jacques Bodin, Montesquieu et Jules Ferry comme références.

Nous, nous nous réclamons de la république combattante qui a renversé la royauté de 1792 à 1870, de la république combattante qui a stoppé net la poussée du fascisme entre 1934 et 1937 puis l’a combattu dans la Résistance.

Nous, nous nous réclamons de la république sociale, laïque et démocratique qui a instauré les communes et départements, le droit du travail, la Séparation de l’Eglise et de l’Etat, la Sécurité Sociale, les services publics...

112) Vive la république avec Victor Hugo

Nous, nous nous réclamons de la république de Victor Hugo, humaniste et universaliste, qui porte fièrement son projet pour demain et même après-demain :

Que vous l’appeliez république ou que vous l’appeliez monarchie, le peuple souffre, ceci est un fait. Le peuple a faim ; le peuple a froid...

Tout le monde a droit de vie ici-bas, et la mort de faim est un crime social.

Certains hommes, législateurs, juges, philosophes, honnêtes gens, disent : nous marchons dans la justice. / - Oui, comme les voleurs dans le grand chemin.

Dans ce siècle qui a pour loi d’achever la révolution française et de commencer la révolution humaine, l’égalité des sexes faisant partie de l’égalité des hommes, une grande femme était nécessaire.

Serrons-nous tous autour de la république...

113) Quelle république voulons-nous ? Un débat fort ancien

Cette question n’était pas nouvelle pour les Anciens de mon village qui avaient vu les pires royalistes favorables au fascisme s’intituler "républicains" comme moyen de gagner des élections tout en restant farouchement royalistes et fascistes.

Je me suis trouvé personnellement confronté à ce problème du contenu politico-philosophique de la République à plusieurs reprises en 1967 au sein du groupe Le Pavé où plusieurs autres animateurs (surtout pour des proches du maoïsme mais aussi pour certaines proches des JCR ou de LO) ne comprenaient pas mon attachement viscéral et intellectuel à ce mot.

C’est surtout durant le mouvement jeune puis la grève générale de 1968 que j’ai dû participer à une réflexion collective sur la signification pour nous de ce concept de REPUBLIQUE.

12) Qu’est ce que la république ?

121) En 1968, nous lui avions donné dix sens principaux et complémentaires :

- une histoire que nous revendiquons, que nous défendons, que nous voulons prolonger

- des acquis démocratiques, sociaux et politiques dont nous nous réclamons et que nous souhaitons améliorer encore

- le paradigme essentiel de l’intérêt public et du meilleur vivre-ensemble sur tous les sujets, ce qui implique en particulier un rôle central de la laîcité

- la primat de la souveraineté populaire comme fondement du pouvoir politique

- la meilleure autodétermination possible de la loi par les citoyens et leurs représentants de façon à lui donner le maximum de qualité et de légitimité

- la primauté de la citoyenneté, du pouvoir législatif sur le pouvoir exécutif, de la loi sur le décret.

- une cohérence de valeurs dans laquelle dominent liberté, égalité, fraternité, laïcité, citoyenneté, universalité, sécurité, connaissance, éducation, raison, progrès, émancipation.

- l’existence de moyens institutionnels pour concrétiser la souveraineté populaire, le rôle des citoyens et le paradigme de l’intérêt public

- tel est le cas en particulier de l’école qui a pour but d’éduquer des individus-citoyens, de contribuer au maximum d’égalité des chances et de promotion sociale

- le refus de tout pouvoir transcendant, de toute fonction politique ou pouvoir personnel n’émanant pas de la souveraineté populaire

Nous y avions ajouté quelques fondements au titre de l’objectif de République sociale, sur laquelle je reviendrai dans un autre texte.

122) Quelques débats

En voici seulement quelques-uns :

- Vu que la 5ème république donne la primauté à l’exécutif sur le législatif et le judiciaire, peut-on la considérer comme une république ? La réponse est difficile. Ses défenseurs font valoir que le peuple est aussi souverain en élisant le président que les députés, même plus puisque la participation est supérieure. D’ailleurs, les citoyens français prendraient la fin de l’élection présidentielle par eux comme un recul démocratique. En fait, notre réponse ne peut être que la perspective d’une 6ème république démocratique, laïque et sociale pour laquelle l’ensemble des équilibres de pouvoir sera revu en privilégiant celui des citoyens, aujourd’hui réduit à une peau de chagrin.

- Les républicains doivent-ils se revendiquer d’une "idée républicaine" portée par de grands penseurs depuis l’Antiquité ou d’une histoire du "progrès républicain" dans lequel les luttes de classe ont plus apporté que les penseurs ? Je participe du deuxième point de vue.

- Quels sont les acquis démocratiques, sociaux et politiques que nous mettons le plus en avant dans la France actuelle comme illustration des avancées républicaines ? au moins suffrage universel, Sécurité Sociale, services publics, laïcité de l’Etat et Ecole publique, Code du travail, collectivités territoriales au pouvoir réel...

123) La république démocratique, laïque et sociale reste inachevée. Elle représente un objectif historique dont nous nous éloignons fort en ce début de 21ème siècle

- un Etat dont l’essentiel de la législation émane d’un pouvoir non élu (décrets de la Commission européenne en particulier) peut-il être caractérisé comme une république ?

- un Etat dans lequel les grands groupes économiques recherchent l’intérêt de leurs actionnaires contre l’intérêt public

- un Etat qui protège, en fait, l’évasion fiscale et le rôle des paradis fiscaux peut-il être caractérisé comme une république ?

Notre groupe a proposé des objectifs intermédiaires correspondant aux besoins des populations sous les concepts de République Sociale puis de 6ème république.

124) République et réalité sociale, politique, économique

En cinquante ans de militantisme, j’ai vu éclater plus de désaccords sur des questions plus concrètes que sur le fond du contenu républicain :

- quelle peut être la place des écoles privées dans ce type de république ?

- comment promouvoir l’enseignement public tout en dénonçant le rôle de l’Education Nationale comme appareil d’Etat répondant aux besoins du capitalisme

- telle loi antisociale ou sécuritaire votée au Parlement peut-elle être considérée comme illégitime à partir du moment où les institutions de la 5ème république ne représentent absolument pas "la meilleure autodétermination possible de la loi par les citoyens et leurs représentants" en raison du mode d’élection, du poids politique des lobbies, de la propagande assurée par les médias...

- république et prise en compte des cultures minoritaires...

13) Pourquoi se réclamer de la République ?

131) La République, référence identitaire progressiste de notre pays

Comme chacun le sait, la fête annuelle, la devise, le drapeau et l’hymne de notre nation datent de la Révolution française et touchent profondément aux références républicaines.

Comme chacun le sait, même les initiateurs de la Constitution de 1958 ont été obligés d’y intégrer des références théoriques progressistes, par exemple son article 2 : « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion (…). Son principe est : « gouvernement du peuple, par le peuple, et pour le peuple ».

Depuis la Révolution française de 1789 - 1794, le courant construit sur le projet de République et même de République sociale a porté tellement de combats progressistes, avec un tel enthousiasme et de nombreux succès par rapport à la réalité internationale du moment que le peuple de gauche en est encore imbibé de même qu’une partie importante du peuple dans son ensemble.

132) En France, la République a partie liée avec le socialisme

- en 1793 1794.

- dans les années 1830 1833

- en 1848 1851

- sous la Commune

- avec Jaurès

- face aux ligues fascistes

- durant le Front populaire, la Résistance puis la Libération

133) Qu’apporte de plus encore de se réclamer de la République ?

L’histoire de notre pays a institué la république comme fondement de sa culture politique : souveraineté populaire, intérêt général, droits de l’homme et du citoyen (civiques, économiques, sociaux), laïcité, préambule de la constitution, rôle économique de l’Etat, citoyenneté, droit social, services publics, sécurité sociale, retraites par répartition...

Une majorité de citoyens est attachée à ce socle du vivre ensemble. Aussi, toutes les majorités politiques ont préféré casser lentement cet acquis plutôt que l’attaquer frontalement. Pour avoir voulu bousculer à la fois les retraites et la sécurité sociale, Alain Juppé a vu sa carrière politique stoppée.

Or, le capitalisme financier transnational dominant ce début de troisième millénaire se développe en opposition totale aux acquis culturels et institutionnels républicains.

Pour avoir participé activement aux luttes pour la défense des services publics dans les années 2000- 2010, je sais pertinemment que le discours républicain permet d’obtenir une écoute maximale, un soutien maximal, même un progrès de conscience maximal.

Aujourd’hui, Hollande et Ayrault se soumettent sans cesse aux diktats du monde de la finance. Cela les place en position délicate vis à vis des convictions républicaines, particulièrement vivaces en milieu rural. Nous devons utiliser au maximum cette contradiction.

Aborder la question écologique sous l’angle de la culture politique républicaine constitue une démarche simple et enrichissante

Ecosocialisme  : le républicanisme du XXIe siècle  ?

14) Remarques sur les lieux communs habituels concernant la république

141) République et chose publique

République vient du latin res publica (chose publique) ; cependant une étymologie ne vaut pas définition.

Définir la république seulement par l’absence de roi ou de pouvoir transcendantal ne tient pas debout ; le nazisme ne constituait évidemment pas une république ni le régime de Vichy pour la France. Définir la république par le respect des lois votées par un parlement est également largement insuffisant ; Hitler, Mussolini, Pétain et bien d’autres sont arrivés légalement au pouvoir ; heureusement que des rebelles ont pris les armes face à cette légalité.

142) République et pouvoir politique porteur d’intérêt général

Blandine Kriegel explique doctement que la république répond à la question Quoi ? Qu’est-ce que le but du pouvoir ? Le bien commun, l’intérêt général de tous les habitants.

Définir la république seulement par l’intérêt public assumé par le pouvoir politique n’est pas suffisant non plus : en effet, tout régime prétend agir au nom de l’intérêt général, du roi Louis XVI à Staline et à la CIA lors des coups d’état génocidaires qu’elle a initiés ; les pires libéraux de la mondialisation financière soutiennent la réduction du rôle des états au profit des multinationales et des actionnaires en avançant des raisons d’intérêt général. Si l’on définit la république seulement par par son but d’intérêt public en opposition à l’intérêt de quelques uns, même la 3ème république française ne répond pas à ce critère vu le poids qu’avait le patronat en son sein.

143) Grèce antique et république

L’idéologie républicaniste place toujours la naissance de l’idée républicaine et de la république comme forme de pouvoir dans la Grèce antique. Quiconque se réclame vraiment de la république doit être plus prudent.

- d’une part, une grande majorité de la population d’Athènes était tenue en esclavage (21 000 citoyens pour 400 000 esclaves lors du recensement par Démétrios de Phalère) ;

- d’autre part, le souci pratique et la philosophie politique de responsables chinois, de Confucius à Wang Mang, apparaissent plus intéressants en matière de prise en compte de l’intérêt public.

Ecrire cela n’invalide pas l’intérêt d’Aristote en particulier en matière de philosophie politique progressiste.

144) Rome et la république

L’article le plus lu du web (http://www.culturegenerale.free.fr/...) concernant la république défend le point de vue suivant « Rome est une respublica car l’existence d’une chose commune y est consacrée. Cette chose commune appartient au citoyen et non à l’empereur. Ce dernier est là pour la garantir mais elle ne lui appartient pas. Elle le transcende. » Blablabla...

Si l’on considère que la forme de pouvoir républicaine dépend du seul critère de la "chose commune", il est logique de compter l’empire romain dans l’expérience républicaine. Il est vrai, de plus, que des empereurs comme Auguste, Hadrien, Marc Aurèle, Julien, Trajan, Septime Sévère, Vespasien, Antonin, Probus... ont au moins autant pris en compte l’intérêt public que de nombreux consuls de la république romaine liés à l’oligarchie patricienne. Il est vrai aussi que l’idée de Droit a autant avancé sous les empereurs qu’auparavant. Cependant, je ne suis pas d’accord pour intégrer l’empire romain dans la généalogie républicaine parce que cette forme de pouvoir ne pouvait que donner aussi des fous furieux comme Caligula (celui qui dépensa l’argent public pour édifier de magnifiques palais pour son cheval...), Commode, Héliogabale, Caracalla... Surtout, comme je le défendrai ci-dessous en D6, il ne peut exister de république sans démocratie citoyenne.

145) Renaissance et république

Je cite encore le site "Culture générale" À l’époque de la Renaissance, la république est considérée comme une forme de gouvernement stable à condition qu’elle soit basée sur la force. Ainsi Jean Bodin considère que tout gouvernement légitime est une république et que celle-ci doit s’accommoder d’un État fort, quasi monarchique. Pour Bodin une monarchie peut tout à fait être républicaine si elle tend au bien commun et si elle respecte les droits fondamentaux des « francs sujets ». Ces droits seront d’autant mieux assurés que l’État conserve le monopole de la force et de la violence, le merum imperium, et que le souverain crée et applique la loi sans délibérations préalables. La république n’est donc pas synonyme de liberté...

Cette caractérisation de la république par la légitimité du pouvoir (y compris du roi), par la force de l’Etat nécessairement "fort", "conservant le monopole de la force et de la violence" ne me convient absolument pas.

Heureusement, le site "Culture générale" en vient à la définition actuelle « ... Depuis la révolution française, la république renvoie à la forme du régime, mais également à un ensemble de valeurs qui la légitiment. La république a partie liée à la démocratie dans la mesure où le principe essentiel sur lequel elle est basée est la souveraineté du peuple, de la nation. » Là, nous sommes globalement d’accord.

146) République et démocratie

Quel doit être le paradigme essentiel des progressistes : la république ou la démocratie ? Je partage le point de vue de Robespierre comme de Jaurès qui posaient les deux comme complémentaires et même sur le fond synonymes. En effet, qu’est ce que la république sans le suffrage universel et la souveraineté populaire ? Rien.

Ce qui change tout, c’est la réalité du pouvoir démocratique des citoyens dans la définition de la loi et dans la définition des fondements de l’intérêt général à un moment donné. La définition de la démocratie donnée par le président des Etats Unis ABRAHAM LINCOLN nous convient parfaitement :

- > « La démocratie est le gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple. »

Pourquoi l’expérience grecque antique, en particulier d’Athènes, est-elle passionnante ? essentiellement pour la démocratie participative qui s’y pratique.

L’empereur romain Dioclétien a fait son possible pour prendre en compte l’intérêt général. Il n’est cependant pas possible de le compter parmi les grands noms de l’histoire républicaine parce qu’il a fait supplicier d’innombrables chrétiens, ce qui n’a rien de démocratique.

Deuxième partie : Pour un républicanisme anticapitaliste

- 21) Défendre une culture républicaine progressiste 19 février 2007
- 22) QUI EST LA SOURCE DU POUVOIR ? le peuple
- 23) Les républiques, émanation de l’activité politique du peuple
- 31) QUELS SONT LES OBJECTIFS ESSENTIELS DU POUVOIR POLITIQUE ?
- 32) La république et l’Etat

A) Nous devons défendre une culture républicaine progressiste

A1) Tous les républicains ne sont pas frères

La culture républicaine française a toujours été diverse. S’en sont réclamés :

- des politiciens membres de partis de droite, assez souvent "libéraux" sur les questions économiques, pouvant même être cléricaux et fascistes comme Xavier Vallat

- des politiciens "opportunistes" classés au centre de l’échiquier politique dont le républicanisme s’inscrivait dans la tradition issue de la Révolution française et reposait sur le rôle de l’Etat comme porteur de l’intérêt général.

- des socialistes comme Jean Jaurès, des communistes et autres tenants d’une République démocratique, laïque et sociale.

A2) Notre républicanisme : la République sociale

Cette troisième grande orientation assumait l’héritage de la Révolution française (y compris et particulièrement la Convention montagnarde), de la Commune, des acquis de 1905, 1936, 1945.

Elle ne séparait pas république, démocratie, socialisme et émancipation.

Elle a très tôt compris que la logique de développement du capitalisme (profit, concurrence, impérialisme guerrier, citoyenneté réduite au dépôt rare d’un bulletin de vote dans l’urne, exploitation des salariés et de la nature, mépris des couches populaires, réduction du droit à un rôle de protection des intérêts privés dominants...) était contradictoire avec les fondements du républicanisme.

A3) La fumisterie du républicanisme dominant d’aujourd’hui

Le républicanisme est devenu en ce début de 21ème siècle le cache-sexe :

- de tous les libéraux sécuritaires ayant besoin de tromper leurs électeurs

- de tous les politiciens, prétendus de gauche, qui partagent avec les précédents une définition de la république limitée à la légitimité du pouvoir politique et à l’application stricte de la loi

- de nombreuses personnes qui ont "réussi" dans les préfectures, l’administration, la Justice, le Conseil d’Etat et utilisent le républicanisme comme supplément d’âme alors que leur action s’intègre sans problème dans l’évolution du capitalisme mondialisé.

A4) Pourtant, la culture républicaine française s’inscrit nécessairement dans un combat anticapitaliste

A5) Sur le contenu idéologique et politique du concept de République

La tradition "libérale étatique" a généralement limité la République à deux contenus : un pouvoir non monarchique et l’intérêt général.

La tradition politique de la république démocratique et sociale apporte un contenu beaucoup plus riche avec des expériences concrètes :

- la démocratie : Pour Jean Jaurès, république et démocratie se confondent pour l’essentiel. C’est vrai historiquement dans l’exemple fondateur des cités grecques.

B) La République répond à la question QUI ? QUI EST LA SOURCE DU POUVOIR ? le peuple

B1) La République et le peuple

Une république est un régime politique dans lequel le peuple des citoyens est source du pouvoir.

Sur le fond, plusieurs dictionnaires et encyclopédies donnent la même définition. Ainsi, pour l’Encyclopédie Larousse "La notion de respublica fait du peuple la source du pouvoir politique et implique son intervention dans les affaires publiques, de façon directe ou indirecte."

De nombreuses définitions, trop floues, présentes dans des dictionnaires et sites web, ne contredisent pas le lien entre république et action politique du peuple mais paraissent noyer cette question centrale pour protéger les régimes actuels qui se prétendent des républiques.

Le concept actuel de République à laquelle nous nous référons vient de l’expérience politique des cités de la Grèce antique. C’est effet là que les Romains sont allés étudier des expériences concrètes, en particulier pour rédiger les XII tables fondatrices de leur droit écrit. C’est en effet là que les premiers philosophes politiques ont théorisé un type de société où les citoyens sont sources du pouvoir politique et y participent activement.

Le mot de république vient de res publica.

B2) L’étymologie de res publica confirme le lien entre peuple et république

Le mot « république » vient de l’expression latine res publica.

Je veux démontrer, pour commencer, que ces deux mots latins res et publica sont liés à l’action citoyenne du peuple, l’intérêt du peuple, le bien du peuple

Je vais commencer par l’adjectif publica dont l’origine et le sens sont évidents puisqu’il s’agit d’une évolution linguistique de populica (= du peuple)

- publica

L’adjectif latin publicus vient du nom commun populus signifiant peuple.

La même évolution linguistique explique l’espagnol pueblo au sens identique au people anglais, l’occitan poble au sens identique au popolo italien...

La première définition de publicus donnée par le Gaffiot (dictionnaire latin de référence), c’est "Qui concerne le peuple".

Je note des occurrences de cet adjectif avec le sens de "collectif", "commun", par exemple dans lux publica mundi (Ovide) qui se traduit par "la lumière est un bien collectif". De même l’ager publicus, si important lors des luttes entre la plèbe et les patriciens désignait à l’origine des terres collectives, biens de tous.

- Res

Res, en langage juridique latin, désigne la cause plaidée. Historiquement il s’agit de la cause de la plèbe (milieux populaires), plaidée par le tribun - représentant des « tribus » - devant le Sénat romain composé des patriarches des familles connues de Rome. (Wikipedia)

Même si le sens du mot a évolué, il n’est pas évident de le traduire par "chose" comme c’est souvent le cas, surtout lorsque l’on prend Cicéron comme référence. Le Gaffiot traduit logiquement Non re, sed nomine (Cicéron) par "Non pas de fait mais de nom". De même le Gaffiot traduit Non re, non verbo (Cicéron) par "Ni par des actes, ni par des paroles". Quant à res communis, cela a longtemps signifié bien commun.

Wikipedia propose de traduire la locution res publica par "bien public" plutôt que chose publique ; j’en suis d’accord. D’ailleurs, à cette époque n’existaient que des propriétés privées et des propriétés collectives.

Pour s’en tenir à l’essentiel, l’étymologie de respublica renvoie nécessairement au peuple et ne peut se comprendre hors de l’importance des assemblées générales du peuple romain, particulièrement par les comices curiates (tributes), mais même par les conciles plébéiens et les comices centuriates.

B3) République, mouvements populaires et révolutions

Une révolution, c’est toujours un moment d’implication politique forte du peuple.

Historiquement, République est le nom choisi par plusieurs régimes produits par des mouvements et révolutions populaires. L’importance de l’implication populaire citoyenne dans l’histoire romaine antique valide le lien étymologique.

Par la suite, le terme de république hantera toutes les révolutions :

- du Moyen Age (par exemple dans l’épitaphe : « L’an 1424, le jeudi, veille de la Saint-Gal, mourut Jean Ziska du Calice, chef des républiques qui souffrent pour le nom de Dieu. »)

Hussites et taborites tchèques : révolution médiévale flamboyante

- des Temps modernes (pendant la révolution des Provinces-Unies, pendant la révolution anglaise, Genève...)

Angleterre La révolution anti-absolutiste bourgeoise de 1640 à 1660

8 avril 1782 Les révolutions de Genève, levain de la Révolution française

- depuis la Révolution française, par exemple en Hongrie (1848), en Italie ( de Garibaldi à 1944)...

Les arts ont donné la même dimension évocatrice au terme de république. Me vient à l’esprit un souvenir d’enfance. Dans le film d’Abel Gance "Napoléon", Bonaparte est mis en scène devant la Convention peuplée de fantômes (Saint Just, Robespierre...) et il entend ces revenants lui murmurer République universelle.

Comme nous venons de le voir, la puissance évocatrice du mot vient du fait que les premières républiques de l’Antiquité, du Moyen Age, des Temps modernes comme plus récemment (France, Italie, Amérique du Sud, Espagne...) sont le produit de révolutions populaires émancipatrices. Je considère cette tradition politique relayée, par exemple en France, par les Montagnards, 1848, la Commune, Jean Jaurès et d’autres socialistes, les courants progressistes du mouvement républicain, la Résistance antifasciste, le mouvement Pour la République Sociale de 2003 à 2008... comme la vraie tradition politique républicaine.

B4) La République contre la privatisation du pouvoir

D’après les sources antiques, la république naît en 509 avant notre ère de la résistance de patriciens et du peuple face à la privatisation du pouvoir que pratique Tarquin le superbe, dernier roi de Rome.

Après diverses expériences, les Romains envoient une délégation en Grèce pour profiter de l’expérience institutionnelle et juridique des cités qu’ils considèrent comme des modèles de république. Elles sont nées du combat face à la privatisation du pouvoir par les oligarchies.

Grèce antique : révolutions, tyrannie et progrès de civilisation

Les républiques du Moyen Age apparaissent ensuite comme refus de la privatisation du pouvoir par un féodal.

Pour prendre un dernier exemple, les dépenses somptuaires de la reine Marie Antoinette sur le budget de l’Etat ont lourdement pesé dans les consciences populaires, faisant mûrir le désir d’un Etat non privatisé.

Lorsque se développe un mouvement ouvrier organisé politiquement (en particulier le SPD allemand), il met en avant le projet de république contre la privatisation des richesses et du pouvoir par l’oligarchie féodalo-capitaliste qui entoure le Kaiser.

B5) Philosophie politique et définition de la république comme émanation du peuple sur ses aspirations

« Dans Politique III, 7, Aristote énonce, à demi, que tout gouvernement légitime de la république est démocratique parce que le peuple est mieux à même d’instituer la république, c’est-à-dire d’instituer l’intérêt général, le bien commun que les aristocrates ou le monarque. » (Blandine Kriegel)

Le philosophe Montesquieu donne une définition de république liée à la souveraineté populaire (peuple disposant du pouvoir politique décisif). Pour lui, les institutions républicaines sont celles "où le peuple en corps, ou seulement une partie du peuple, a la puissance souveraine" (De l’esprit des lois)

La République serait un mensonge, si elle ne devait être que la substitution d’une forme de gouvernement à une autre. Il ne suffit pas de changer les mots, il faut changer les choses... Le principe de la souveraineté du peuple rallie tous les hommes d’avenir, les hommes qui, fatigués d’être exploités, cherchent à briser les cadres dans lesquels ils se sentent étouffer (Louis-Auguste Blanqui)

C) Les républiques dans l’histoire comme émanation de l’activité politique du peuple

Pour donner un avis sur ce point, j’ai travaillé un point précis : est-ce que les républiques réellement existantes durant 24 siècles (en gros de 500 avant notre ère à 1871 après) correspondaient à des régimes politiques, à des expériences historiques particulièrement marquées par l’action citoyenne du peuple sur ses aspirations et revendications.

- > C1) la république romaine qui nous a donné le mot de république (respublica).

L’action citoyenne du peuple y est évidente. Tite Live rend compte de l’importance des assemblées du peuple (comices tributes), y compris pour l’élection des rois. Les premières décennies de la république romaine constituent en fait une sorte de crise révolutionnaire permanente durant laquelle la plèbe (milieux populaires, non patriciens) obtient peu à peu une égalité juridico-politique. Assemblées du peuple comme assemblées de la plèbe et actions des inviolables tribuns de la plèbe (dont nous avons vu qu’ils sont à l’origine du mot respublica) jouent un rôle très important dans la vie politique romaine.

République romaine archaïque : une révolution permanente institutionnalisée

- > C2) Les cités grecques

Rome les considérait comme ses modèles de république. Ainsi, lorsque la plèbe réussit à imposer la nécessité d’un droit écrit (y compris de type constitutionnel), le Sénat envoya une délégation dans plusieurs cités grecques avant de commencer la rédaction des célèbres XII tables romaines qui réglaient la vie commune dans la république. L’action citoyenne du peuple s’avère tout aussi évidente en Grèce qu’à Rome.

Retour sur les origines de la démocratie, Athènes

Sparte : un communisme, de Lycurgue à Agis ?

- > C3) Les républiques italiennes du Moyen Age

Elles sont un bon exemple de la foisonnante implication populaire dans la vie politique de nombreuses Communes médiévales, même si les marchands y jouent le rôle principal.

Parmi les institutions populaires typiques de ces républiques, je note :

- le podestat élu par la principale assemblée de la commune pour une durée de 6 mois à un an. Il exerçait les pouvoirs exécutifs, administratifs, judiciaires et de police, devenant de fait l’instrument le plus important de l’application des lois. Plusieurs cités ont fait appel à cette fonction comme Padoue, Bonifacio, Pise, Gênes, Volterra, Florence, Modène, et même Arles, Avignon et Marseille.

- le capitaine du peuple, élu par celui-ci pour contrecarrer la puissance économique des grandes familles nobles. Leur statut rappelle le double pouvoir des tribuns de la plèbe dans la république romaine antique mais leur rôle est plus important.

C’est le cas de la République de Pise, république maritime pionnière, cas intéressant par la révolution de 1254 qui donne une fonction décisive au Conseil du Popolo aux dépens des conseils aristocratiques.

C’est le cas aussi de la République de Lucques dans laquelle le pouvoir législatif appartient (14ème siècle) au Conseil général constitué à l’origine par l’ensemble des citoyens, et réduit ensuite à 180 membres élus (60 par quartier). Le pouvoir exécutif est assuré par le « Consiglio dei Anziani » - le conseil des Anciens- composé de 9 personnes (trois élus pour chacun des quartiers).

C’est le cas de la république de Florence dans laquelle nous retrouvons le popolo (surtout les marchands), une assemblée délibérative qui portera divers noms et jouera un rôle en permanente évolution, l’institution exécutive fréquente des consuls, le podestat.

Florence au 14ème siècle : république bourgeoise et révolte des ciompi

C’est le cas de la République de Gênes qui a connu trois institutions principales et successives au Moyen Age : les Consuls, les podestats, les capitaines du peuple...

C4) Les républiques des 16è, 17è et 18è siècles : Genève, Provinces Unies, Angleterre...

- > Le cas de Genève est symbolique d’une Cité Etat où le pouvoir s’autonomise vis à vis de la féodalité et de la papauté, se démocratise peu à peu au fil des mouvements et révolutions populaires.

8 février 1526 La Commune de Genève s’émancipe complètement de la féodalité

12 décembre 1602 République Protestantisme et révolutions à Genève

- > la République des Provinces-Unies fut générée par la puissante Révolution des Pays Bas (1566 - 1609) qui n’aurait pu survivre face aux armées du roi d’Espagne sans une forte implication citoyenne, du premier incident aux dernières batailles.

http://wikirouge.net/R%C3%A9publiqu...

- > la république fut également proclamée en pleine révolution anglaise (16 mai 1649). Notons :

- l’explosion populaire de l’été 1642, du même type que la "grande peur" future de l’été 1789 en France

- le double pouvoir insurrectionnel de villes ouvrières comme Birmingham et Manchester.

- les comités de comtés élus en pleine guerre civile contre les royalistes, assumant des fonctions administratives, fiscales et militaires.

- la vitalité démocratique des forces armées de cette révolution (élections des officiers, discussions idéologiques, assemblées...)

C5) Philosophie politique et république avant la Révolution française

Pour ne pas être trop long, je m’en tiens ici au philosophe Montesquieu donnait une définition de république liée à l’action politique du peuple. Pour lui, les institutions républicaines sont celles "où le peuple en corps, ou seulement une partie du peuple, a la puissance souveraine" (De l’esprit des lois)

D) Remarques complémentaires

D1) La République répondrait à la question QUOI ? QUELS SONT LES OBJECTIFS ESSENTIELS DU POUVOIR POLITIQUE ?

La réponse d’Aristote

Sur ce point, je vais partir de l’argumentation de Blandine Kriegel, philosophe et universitaire dont les écrits présentent un intérêt significatif pour notre sujet. Il ne s’agit pas d’une gauchiste puisqu’elle a soutenu Jacques Chirac lors de l’élection présidentielle de 1995. Dans son texte de 1994 intitulé La république, elle dégage quatre objectifs essentiels du pouvoir

« L’idée républicaine se trouve d’abord et avant tout chez Aristote. C’est donc du grand maître qu’il faut partir pour en dégager l’essence même. »

-> La société politique fondée sur le bien commun

Pour Aristote la république, c’est « la société qui a en vue l’intérêt général et où l’autorité s’exerce par la loi sur des hommes libres et égaux. »

-> Le bien-vivre

« Revenons donc à la définition de Politique, I, 2. : La république est la société qui a pour objet le bien-vivre (eu zen), Politique 1, 8. Non pas vivre, dit Aristote, mais bien-vivre. »

-> Le bien commun (intérêt général et non intérêt privé)

« Soulignons l’extraordinaire audace et la radicalité du grand penseur de l’Antiquité. Selon lui, il n’existe que deux types et deux types seulement de société ; les sociétés despotiques et les sociétés républicaines. Les sociétés despotiques sont les sociétés qui sont organisées en vue de l’intérêt privé, de l’intérêt de quelques-uns, les sociétés républicaines sont les sociétés qui sont organisées en vue de l’intérêt général, du bien commun. »

Je pointe une seule remarque sur ce point : je ne connais pas un seul régime politique dans l’histoire qui est pratiqué une politique d’intérêt général sans forte implication du peuple. En conséquence, la république répond aux questions qui et quoi à condition que les institutions permettent une vie politique démocratique permanente des citoyens.

D2) La république et l’Etat

Je suis de plus en plus effaré par l’évolution des définitions de la république données par des universitaires, dictionnaires et sites web.

Elles s’articulent de plus en plus autour de la forme des institutions, de l’Etat. En voici deux exemples :

- Le Dictionnaire le “Petit Robert”, nouvelle édition, 2015, définit la République comme suit : « forme du gouvernement où le pouvoir et la puissance ne sont pas détenus par un seul, et dans lequel la charge de Chef de l’Etat (président) n’est pas héréditaire. » p.2209

- "Une république est un gouvernement non monarchique dont le fonctionnement est réglé par une constitution... Le dirigeant d’une république peut être choisi parmi un grand nombre de personnes. Le plus souvent, la durée du mandat est bornée dans le temps." (Source la République http://his.nicolas.free.fr/Institut...)

En gros, la République répondrait à la question Qui ? l’Etat, à la question Quoi ? l’intérêt général défini par l’Etat et à la question Comment ? par l’Etat et ses administrations.

D3) République, républicanisme : des mots voyageurs ?

Les termes République et républicanisme sont effectivement des "mots voyageurs" selon la définition donnée par Claude Nicolet. Aussi, pour nous limiter à la France, reconnaissons que ces deux concepts sont ouverts ; ils laissent place à des orientations fort diverses.

Des philosophes, des acteurs politiques, des livres, des sites webs, des tartuffes... ont inventé des centaines de définitions de la république.

Sur le fond, nous pouvons surtout distinguer :

- d’une part le courant de la république démocratique et sociale issu de ces expériences, dans lequel l’action et l’intérêt du peuple des citoyens joue un rôle central et dans lequel prend place ce texte

- d’autre part un courant "libéral étatique" se réclamant de l’intérêt général et de l’autorité supérieure des lois pour lequel c’est l’Etat qui joue un rôle central dans la république et pour lequel valeurs et fondements politiques républicains sont, pour l’essentiel des tromperies masquant l’injustice sociale. J’ai trouvé sur deux sites web une définition caractéristique commençant par "La république est un régime politique, c’est à dire une méthode d’organisation du gouvernement de l’Etat..."

Je défends dans ce texte l’opinion que la république n’est pas séparable de l’intérêt du peuple (synonyme étymologiquement et sémantiquement de l’intérêt public). C’est la république dans sa réalité liée aux mobilisations du peuple, par exemple en Espagne (février 1873 1ère république ; avril 1931, 2ème république), en Hongrie, en Italie... C’est la République dans son lien à l’auto-organisation du peuple (par exemple durant la Révolution française). C’est la république dans son lien aux valeurs émancipatrices, aux conquêtes sociales et démocratiques. C’est la République.

D4) Tradition républicaine nationale, laïcité et universalisme

Il est important de distinguer dans la tradition républicaine française, ce qui relève du projet et ce qui a dépendu du rapport de force national à un moment donné.

Concernant le projet, il reste à le préciser et à débattre ce qui mérite d’être universel et ce qui ne peut l’être ; j’y reviendrai dans un prochain article.

Concernant les lois des cinq républiques françaises, elles présentent des caractéristiques nationales évidentes.

Prenons un exemple : la laïcité occupe une place centrale dans la tradition républicaine française. L’Eglise catholique ayant constitué la force principale des courants politiques royalistes absolutistes, réactionnaires, pré-fascistes puis fasciste pétainiste, la république n’a pu survivre qu’en construisant des institutions publiques non soumises à la pression du religieux.

Parmi les lois qui ont marqué ce processus, prenons seulement la séparation de l’Eglise et de l’Etat. Elle a été préparée par plusieurs lois durant la Révolution française puis la Commune.

Elle s’est imposée à partir de la loi de 1905 qui distingue une sphère publique nécessitée par le bien commun (hôpitaux, éducation nationale, institution judiciaire...) et une sphère privée du religieux, légale mais relevant des seuls croyants en la religion concernée. Quel est le rôle de l’Etat ? « La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes, sous les seules restrictions édictées ci-après dans l’intérêt de l’ordre public ». Il s’agit là, sans aucun doute d’un principe à valeur universelle comme de nombreux évènements nous le rappellent chaque jour sur les cinq continents.

Cependant, un principe d’action politique demande une concrétisation juridique partiellement empirique. Celle-ci dépend inévitablement du contexte et du rapport de forces. Dans la loi de 1905, l’article 2 stipulait : « La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte. En conséquence, à partir du 1er janvier qui suivra la promulgation de la présente loi, seront supprimées des budgets de l’Etat, des départements et des communes, toutes dépenses relatives à l’exercice des cultes. » Cependant, en déclarant les collectivités publiques (de la commune pour les églises paroissiales à l’Etat pour les cathédrales) propriétaires du patrimoine immobilier existant des Églises, les parlementaires laissaient place à des financements publics au profit d’édifices religieux. En effet, la responsabilité de l’état des églises et de leurs meubles, de leur réparation et de leur entretien induisait des dépenses publiques plus que significatives.

En quoi la France a-t-elle un rapport si singulier avec la laïcité  ?

Christophe Charle La France est très décalée par rapport aux autres pays, même voisins. Construit au cours du XIXe et au début du XXe siècle, ce modèle laïque reste très spécifique. Il n’a pas été universalisé complètement ailleurs ou de façon partielle. En 1905, avec la loi de séparation des Églises et de l’État, a été posée la dernière brique à l’édifice de la laïcité. Celle-ci stipule que la République française ne reconnaît ni ne salarie aucun culte. Cela dit, même cet article ne peut être toujours rigoureusement appliqué. Dimanche, François Hollande était présent en tant que président de la République dans une synagogue, en hommage aux victimes juives. Je pense que, pour les rédacteurs de la loi de 1905, cela aurait représenté une atteinte à leur conception de neutralité religieuse de l’État.

D5 : La matrice républicaine du courant politique animé par Jean-Luc Mélenchon

Le courant politique animé par Jean-Luc Mélenchon depuis le milieu des années 1980 a conservé globalement les mêmes grands axes programmatiques autour d’un slogan matriciel : une 6ème république pour un changement démocratique, social et écologique.

Ayant fait partie de ses principaux animateurs durant une vingtaine d’années, je sais à quel point la mise en avant d’une 6ème république se nourrit de références anciennes (républiques antiques, humanisme, philosophie des Lumières, Révolution française, mouvement républicain sous la Troisième république...) tout en s’ancrant dans le monde d’aujourd’hui et dans les perspectives émancipatrices pour demain.

Dans les années 1988 à 1994, nous portions déjà la bataille sur "Une sixième république pour le changement social", titre de notre texte de référence en 1991. De 1994 à 2008, notre mouvement, comme nos groupes locaux et départementaux portaient le nom Pour la République Sociale. Depuis 2008, dans le Front de Gauche comme le Mouvement pour la 6ème république puis France Insoumise, la matrice républicaine pèse lourdement dans notre conception du monde mais sans constituer un paradigme exclusif. Elle s’est toujours articulée avec nos références socialistes, écologistes, internationalistes, féministes...

Parmi les premiers textes de la Gauche Socialiste (courant gauche du PS), je vais extraire quelques passages de celui présenté au Congrès de l’Arche en décembre 1991 (il a obtenu 6,33% des suffrages d’adhérents). Il analyse bien les conséquences néfastes de l’éducation politique de nombreux cadres du PS définissant essentiellement "la république" par le rôle de l’Etat et ainsi prisonniers du moule "libéral" de la 5ème république

A) 1991 : Une 6ème république pour le changement social

Nous sommes revenus des années béates où, dans la dynamique de conquête du pouvoir, de l’euphorie de la victoire de 1981 et du premier train de grandes réformes, nous pensions qu’une fois la Gauche au pouvoir, les militants pouvaient prendre un repos bien mérité tandis que le gouvernement socialiste continuerait de changer la vie. C’est dans cette attente que s’est petit à petit imposée la culture de gouvernement, réduite à la gestion et au maintien des grands équilibres. Elle s’est progressivement imposée à tous, sans que personne n’ose s’ériger contre cette rationalité économique qui n’avait d’autre finalité que de maintenir l’ordre des choses, en faisant fi de ce qui nous importe : s’attaquer aux injustices, promouvoir l’égalité et les libertés, améliorer la qualité de la vie et de l’environnement.

Il n’y a pas de seuil maximal à l’expansion de l’extrême droite... Les premiers moyens de la reconquête sont la démocratie et le courage d’être soi-même... Trente ans passés dans le moule de la 5ème république ont diffusé partout une culture qui attend tout de ceux qui occupent les institutions et rien de l’action des citoyens... Pour faire face aux défis qui nous sont lancés, nous proposons de libérer le pas de sa camisole... Faisons la 6ème république pour rendre le pouvoir à la société. C’est par cette audace que nous voulons commencer à redonner à la France le levain socialiste qui lui manque pour le troisième millénaire.

Trente ans de 5ème république ont corseté la société et momifié l’Etat. Il est ainsi devenu dans son principe même une cible vulnérable pour les remises en cause les plus radicales des libéraux... Changeons la constitution, réformons nos institutions pour permettre aux citoyens de contrôler à nouveau leur exécutif.

La volonté de contrôle et de participation des citoyens ne s’arrête pas à la sortie de l’isoloir. Nul besoin d’être grand clerc pour déceler à travers les coordinations ou les explosions urbaines, la volonté d’accéder à la décision. A la question souvent posée de savoir qui dirige, les gens pourront répondre : "Ne vous inquiétez pas, on s’en occupe nous-mêmes !"... Le pari sur l’épanouissement des individus qui est au coeur de la démarche socialiste implique tous les domaines d’activité. L’autogestion est sortie dans les faits du domaine de l’utopie.

Jacques Serieys le 19 février 2007, complété ensuite


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