Dette publique : à qui profite-t-elle ?

lundi 19 mars 2007.
 

Depuis la remise en décembre du rapport dit "Pébereau", le gouvernement comme François B ayrou entretiennent une importante agitation autour de la dette publique, qui placerait subitement le pays dans "une situation financière très préoccupante". Dramatisation de la remise du rapport Pébereau au ministre des finances, surenchère désormais habituelle de Sarkozy contre la dépense publique, convocation par Villepin d’un Conseil d’orientation des finances publiques, tout est fait par la droite pour dramatiser une situation qu’elle a elle-même créée.

Jusqu’à Chirac qui avait choisi de faire de la dette le thème central de ses voeux aux fonctionnaires, histoire de bien montrer au pays qu’à travers la polémique sur la dette, c’est en fait la fonction publique et le service public qui sont toujours en ligne de mire du gouvernement. Au-delà du démontage systématique de cette imposture, la gauche a aussi intérêt à construire un discours solide sur la dette car c’est en partie sur cette question que va se jouer notre analyse des marges de manoeuvre du programme pour 2007.

Quand la droite découvre la dette

Le gouvernement semble avoir eu besoin de confier une mission à Michel Pébereau, PDG de BNP-Paribas et membre des conseils d’administration d’un grand nombre d’entreprises du CAC 40, pour découvrir que la dette des administrations publiques (Etat, collectivités locales et sécurité sociale) atteint le niveau de 1 100 milliards d’euros, soit 66% du PIB du pays.

Le gouvernement le savait pourtant parfaitement puisque tous les budgets qu’il a exécutés depuis 2002 sont présenté des déficits de plus de 3% du PIB, qui, en se cumulant ont fait bondir la dette de 58% du PIB en 2002 à 66% aujourd’hui.

On peut d’ailleurs constater au passage l’inutilité de la limite des 3% de déficit fixée par les traités européens, puisque la monnaie unique ne s’est pas effondrée et que la stabilité financière du continent n’a pas été menacée alors que ces fameux critères de stabilité étaient censés en être la principale garantie.

Mais la droite préfère agiter le spectre des années Mitterrand pour tenter de justifier sa dette. Ainsi Thierry Breton affirme dans la plus grande confusion que la dette s’est emballée depuis les nationalisations de 81 qui ont coûté "des dizaines ou des centaines de milliards" (on appréciera le flou), ou encore à cause de l’Impôt se Solidarité sur la Fortune qui aurait fait fuir des "dizaines de milliers de contribuables", ce qui est contredit par toutes les études fiscales et économiques sur la question.

On comprend l’embarras du ministre des finances au vu du vrai bilan de la droite en matière de dette. Depuis 25 ans, la dette a augmenté de 16 points de PIB sous les 15 ans de gouvernement de gauche (soit + 1,1 point par an) et de 28 points de PIB sous les 10 ans de droite (soit + 2,8 points par an).

Depuis 25 ans, la dette augmente donc deux fois et demi plus vite chaque année quand la droite gouverne. Le record historique est d’ailleurs détenu par Nicolas Sarkozy qui comme ministre délégué au Budget de 1993 à 1995 a fait passer la dette de 41% à 51% du PIB en deux ans.

L’Etat s’endette parce qu’il s’appauvrit La droite prétend globalement que l’Etat s’endette car il dépense trop et mal. POurtant, depuis 20 ans, le poids de la dépense publique dans le PIB n’a que peu bougé (entre 50 et 54%) alors que celui de la dette s’est accru de 40 points de BIB.

La dette augmente en fait car l’Etat et la Sécurité sociale s’appauvrissent structurellement depuis des années. La multiplication des plans de baisses d’impôts et la prolifération des niches fiscales et autres exonérations a progressivement décroché les rendements fiscaux du reste de l’économie. Les économistes parlent alors de "perte d’élasticité du système fiscal" par rapport à la croissance et aux revenus.

La droite porte une très lourde responsabilité dans cet appauvrissement avec ses politiques massives de baisses des charges sociales (près de 25 milliards d’euros non compensés à la Sécu au total) et ses baisses d’impôt depuis 2002 qui s’élèvent aussi à près de 25 milliards, essentiellement en perte d’impôts sur le revenu et d’ISF. L’appauvrissement de l’Etat s’aggrave aussi quand la droite vend systématique les actifs de l’Etat les plus rentables (comme EDF, France Télécom, les autoroutes) c’est à dire ceux dont les revenus permettraient de réduire le déficit chaque année.

Au final, le rapport Pébereau avoue lui-même que "pour revenir à l’équilibre, il ne faut plus diminuer le niveau global des prélèvements", ce qui sonne comme un sévère démenti aux baisses d’impôts décidées par la droite.

Pourquoi et comment réduire la dette

Il convient d’abord de ne pas céder aux fantasmes libéraux selon lesquels la dette publique française serait devenue subitement insoutenable et que "l’Etat finirait par perdre la confiance des marchés" (Pébereau). Plusieurs grands pays européens ont depuis de nombreuses années des niveaux de dette beaucoup plus élevés, notamment l’Italie et la Belgique où la dette frôle les 100% du PIB, sans avoir pour autant connu la banqueroute.

Le principal inconvénient d’un recours accru à la dette est en fait social : l’Etat emprunte aux riches et leur paie des intérêts importants sur le dos de l’ensemble du budget, qui est essentiellement financé par la TVA, c’est à dire par les plus modestes. L’endettement est donc souvent une manière injuste de financer des priorités budgétaires. Surtout quand le service de la dette (c’est à dire les remboursements et les intérêts payés) représente désormais la deuxième plus grosse dépense du budget de chaque année (plus de 40 milliards), juste derrière le budget de l’enseignement scolaire (56 milliards).

Si pour la droite la question de la dette est avant tout un moyen idéologique pour s’attaquer aux dépenses publiques et à la fonction publique, elle doit au contraire pour la gauche être l’occasion de renouer avec une politique ambitieuse de prélèvements obligatoires, sans renoncer à financer le développement des services publics. C’ n’est d’ailleurs par un hasard si le modèle européen en matière de désendettement, la Suède, dont la dette est passée de 80% à 50% du PIB en dix ans, détient aussi le taux record de prélèvements obligatoires (51% du PIB contre environ 45% en France).

Laurent Maffeïs


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message