Burkina : incertitude au sommet de l’Etat après la chute de Compaoré

mardi 11 novembre 2014.
 

Qui dirige le Burkina Faso ? Quelques heures après la chute du président Blaise Compaoré et la prise du pouvoir par le chef de l’armée, un groupe d’officiers a annoncé vendredi la mise en place d’un "nouvel organe de transition".

"Révolution" populaire ou "coup d’Etat" militaire ? La démission de M. Compaoré plonge ce petit pays du Sahel dans une période d’incertitudes. Elle est aussi un coup de semonce pour les présidents africains qui seraient tentés, comme lui, de retoucher la Constitution pour rester indéfiniment dans leur palais.

Arrivé en 1987 au pouvoir par un putsch marqué par l’assassinat de Thomas Sankara, icône du panafricanisme, M. Compaoré, qui fut longtemps l’un des hommes forts d’Afrique de l’Ouest, a dû tirer piteusement sa révérence face à une mobilisation populaire sans précédent.

"Dans le souci de préserver les acquis démocratiques, ainsi que la paix sociale (...), je déclare la vacance du pouvoir en vue de permettre la mise en place d’une transition", a déclaré M. Compaoré dans un communiqué lu à la mi-journée par une journaliste sur une télévision privée.

Cris, embrassades, éclats de rire : cette annonce a déclenché une explosion de joie à Ouagadougou.

"Le grand baobab est tombé, terrassé par la population", exultait Jacques Zongo, jeune fonctionnaire coiffé d’un chapeau aux couleurs du pays.

Rapidement, le quartier des ministères a été le théâtre d’importants pillages. Bobo Dioulasso (sud-ouest), la deuxième ville du pays, a été aussi la proie des pillards, avec plusieurs bâtiments publics saccagés et incendiés.

Place de la Révolution

Selon la diplomatie française, le président déchu du "pays des hommes intègres" est parti "vers le sud" du Burkina, en direction de Pô, une ville proche de la frontière avec le Ghana. Cette information n’a pas été confirmée et on restait sans nouvelles de lui vendredi soir.

Dans la foulée de la démission de M. Compaoré, le chef d’état-major de l’armée, le général Nabéré Honoré Traoré, a annoncé qu’il assumerait les "responsabilités de chef de l’Etat", tout en asssurant "agir conformément" à la Constitution.

Mais au fil de la journée les dissensions au sein de l’armée sont devenues de plus en plus palpables, jusqu’à ce qu’une partie de la haute hiérarchie se démarque clairement.

Un groupe de jeunes officiers, dirigé par le colonel Isaac Zida, porte-parole de l’armée et n°2 de la garde présidentielle, a annoncé ainsi la prochaine mise en place d’un nouvel "organe de transition", "en accord avec toutes les forces vives de la Nation". Objectif : organiser la transition pour un "retour rapide" à l’ordre constitutionnel.

Ces militaires ont réclamé pour cela "l’accompagnement de la communauté internationale".

Ils ont annoncé une suspension de la Constitution et une fermeture des frontières terrestres et aériennes, confirmée vendredi soir par une source française.

Selon un site d’information burkinabè, cette déclaration a été lue Place de la Nation, épicentre de la contestation et rebaptisée "Place de la Révolution" par les manifestants. Le texte a été lu conjointement par un militaire et un responsable de "Balai citoyen", organisation de la société civile en pointe dans la mobilisation anti-Compaoré.

La prise du pouvoir par le général Traoré allait à l’encontre de la volonté de nombreux manifestants, qui le jugent trop proche de l’ancien président.

Un peu plus tôt dans la journée, l’opposition avait fait savoir que, pour elle, "toute transition politique à venir doit être conçue, organisée (...) autour des forces de la société civile, et intégrer toutes les composantes de la Nation (...), y compris l’armée".

Quant aux partenaires du Burkina - France, Etats-Unis, Union européenne -, ils ont exprimé leur attachement à une transition conforme à la légalité constitutionnelle.

La France, ex-puissance coloniale, a salué la démission de M. Compaoré et réclamé "la tenue rapide d’élections démocratiques".

Cependant, selon une source diplomatique française, si l’annonce du général Traoré devait être entérinée, il s’agirait d’un "coup d’Etat" qui entraînerait une "mécanique de sanctions".

La médiation tripartite ONU-Union africaine-Cédéao (Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest) est arrivée à Ouagadougou pour rencontrer les acteurs de la crise et confirmer une transition constitutionnelle et pacifique du pouvoir, c’est-à-dire via le président de l’Assemblée.

Or, le Parlement a été dissous jeudi après avoir été incendié par les émeutiers.

Printemps burkinabè

C’est l’annonce d’un projet de révision constitutionnelle, qui aurait permis à M. Compaoré - élu pour deux septennats puis deux quinquennats - de se représenter à la présidentielle en 2015, qui a jeté jeudi dans les rues des centaines de milliers de personnes, refusant un "président à vie".

Assemblée nationale incendiée, télévision publique prise d’assaut, violences en province, appels à la démission du président : le Burkina s’est littéralement enflammé, forçant le président Compaoré à capituler vendredi.

Les opposants se prenaient ces derniers jours à rêver d’un renversement du régime, longtemps considéré comme l’un des plus stables dans la région sahélienne, secouée par les menées de groupes jihadistes liés à Al-Qaïda.

Un "printemps noir au Burkina Faso, à l’image du printemps arabe", promettait mercredi un opposant.


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