1987-2007 : vingt ans après : la révolution au Burkina Faso conduite par Thomas Sankara

jeudi 1er février 2007.
 

1987-2007 : vingt ans après : la révolution au Burkina Faso conduite par Thomas Sankara

Thomas Sankara a été un leader très charismatique pour toute l’Afrique Occidentale subsaharienne. Il changea le nom de Haute Volta en Burkina Faso (pays des hommes intègres) et s’engagea beaucoup en faveur de réformes radicales pour éliminer la pauvreté. Il est considéré comme le Che Guevara africain.

Né dans une famille catholique en 1949, dans sa jeunesse sa famille le dirigea vers l’Eglise catholique, avec l’intention de le faire devenir prêtre. Selon plusieurs sources, il ne perdit jamais sa foi catholique malgré ses convictions marxistes. Il commença sa carrière militaire à 19 ans, en 1966, et fut formé comme officier de l’armée à Madagascar, où il assista à quelques révoltes en 1971 et en 1972. Dans sa jeunesse il devint très populaire à Ouagadougou, la capitale de son pays, grâce aussi à ses activités de guitariste dans un groupe musical. Pendant la présidence du colonel Save Zerbo il forma avec d’autres jeunes officiers une organisation secrète appelée Regroupement des Officiers Communistes (ROC).

Sankara devint Secrétaire d’Etat en 1981, en arrivant à sa première réunion de cabinet à vélo, mais le 21 avril 1982, en opposition à la dérive anti-labour du régime, il démissionna. Après un autre coup d’Etat (novembre 1982) qui amena au pouvoir Jean-Baptiste Ouedraogo, Sankara devint Premier Ministre, mais il fut destitué de sa charge et mis aux arrêts domiciliaires après une visite de Jean-Christophe Mitterrand, le fils du président français de l’époque. L’arrestation de Sankara et d’autres de ses camarades provoqua une révolte populaire : en 1983, un autre coup d’Etat amena Sankara à la présidence du pays, qui s’appelait à l’époque Haute Volta. Thomas Sankara avait 33 ans.

Son pays était dans un piteux état. Dans les statistiques de la Banque Mondiale il se trouvait en 124ème position sur 170 pays par rapport au PIB et en 161ème position si l’on considère le revenu par habitant. Les terres cultivables étaient pour la plupart arides, peu fertiles et difficiles à cultiver. En plus de cela, 25% seulement des terres cultivables étaient exploitées. Le bilan du commerce extérieur était constamment déficitaire. Il y avait, sur environ 9 millions d’habitants, 38 000 fonctionnaires - héritage colonial de la France - qui représentaient une dépense énorme pour le pays. Sankara opta pour une série de réformes radicales, bien que risquées.

Sa politique révolutionnaire s’inspira des exemples de Cuba et du Ghana. En tant que Président, il promut la « Révolution Démocratique et Populaire ». Dans son Discours d’Orientation Politique, prononcé le 2 octobre 1983, il définit l’idéologie de la révolution comme une idéologie anti-impérialiste. Il s’occupa de la lutte contre la corruption, promut la reforestation, l’accès à l’eau potable pour tous et fit de l’éducation et de la santé les priorités de son gouvernement. Il supprima nombre de privilèges détenus par les notables, aussi bien par les chefs tribaux que politiques (par exemple l’impôt de captation) et appliqua avec une grande cohérence ses idées par des déclarations et des gestes très clairs. Par exemple :

• Son gouvernement inclut un grand nombre de femmes, il condamna l’infibulation et la polygamie, il promut la contraception ; son gouvernement fut le premier gouvernement africain à déclarer que le SIDA était la plus grande menace pour l’Afrique ;

• Sankara et ses collaborateurs voyageaient toujours en classe économique et en rangs réduits dans leurs visites diplomatiques ;

• Il vendit la plupart des Mercedes en possession du gouvernement et proclama voiture officielle des ministres l’économique Renault 5 ; • Il nationalisa les terres cultivables, les redistribua selon les nécessités des familles et constitua un cadastre ;

• Il décentralisa les fonctionnaires dans les différentes provinces du pays et pour réduire les risques d’antagonismes ethniques il achemina de grands travaux à l’échelle nationale, dont le chemin de fer Ouagadougou Tambao, qui possédait une forte charge symbolique pour l’unité du pays.

Le résultat de ces réformes fut spectaculaire ! En quatre ans, la production agricole avait augmenté de façon considérable, tandis que la diminution des dépenses de l’Etat avait libéré les capitaux, réinvestis ensuite avec une priorité absolue dans la construction de routes, de digues pour l’irrigation, dans la formation agricole et dans l’artisanat local. En quelques années, l’autosuffisance alimentaire devint une réalité (l’objectif de deux repas par jour pour tout Burkinabé fut atteint) et le Burkina Faso se transforma en une société plus démocratique et plus juste.

Cet exemple donna un immense espoir de dignité, de justice et de fierté aux pays limitrophes, pourris et très pauvres. Toute l’Afrique occidentale et centrale, de la Côte d’Ivoire au Gabon et au Togo fut électrisée par l’exemple du Burkina Faso. Mais certains milieux français, tuteurs et complices de ces régimes corrompus, ne pouvaient pas le tolérer. Il fallait tuer le prophète Thomas Sankara. On le fit assassiner le 15 octobre 1987 avec douze officiers par son ami Blaise Compaoré. Thomas Sankara est mort comme Salvador Allende : assassiné par des militaires autochtones téléguidés par l’étranger.

Avec Sankara, c’est l’espoir qui est mort pour l’Afrique. Aujourd’hui le Burkina Faso, sous Compaoré, s’est normalisé : la corruption est revenue et avec elle la dépendance extrême de l’étranger, l’humiliation, la sous-alimentation chronique dans le Nord, la honte néocoloniale, les dépenses princières, le parasitisme de la bureaucratie et le désespoir des paysans. L’exemple de Thomas Sankara et du Burkina Faso a clairement démontré que pour atteindre l’autosuffisance alimentaire il est indispensable d’obtenir la justice sociale. Mais pour faire tout cela l’ordre meurtrier du monde doit être changé. Et pour changer l’ordre meurtrier du monde il faut que de plus en plus de personnes en prennent conscience, en se réveillant de leur léthargie, si adroitement induite par les conditionnements de masse auxquels nous sommes soumis d’une façon pressante et constante. Tant que nous serons résignés au fait que tout continue de la même manière, rien ne pourra changer. Un autre monde est possible. Et cela dépend de chacun de nous.


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