Thomas Sankara : Hommage au Che Guevara le 8 octobre 1987

mardi 4 septembre 2007.
 

Ce discours a été prononcé le 8 octobre 1987 à Ouagadougou, dans le cadre d’une cérémonie honorant la vie de Che Guevara tué 20 ans plus tôt. Une délégation cubaine comprenant Camilo Guevara March, le fils du Che, y assistait. A noter que Sankara sera assassiné une semaine plus tard et c’est sans doute une de ses dernières apparitions publiques, un de ses derniers discours. Les crochets indiquent des passages peu audibles dans l’enregistrement qui a servi à la transcription de ce discours.. Nous l’avons repris dans le le recueil de discours intitulé "Nous sommes les héritiers des révolutions du monde" présenté à l’adresse

http://www.thomassankara.net/articl...

Hommage à Che Guevara

Thomas Sankara et le Ché

Ce matin de façon modeste, nous sommes venus ouvrir cette exposition qui tente de retracer la vie et l’œuvre du Che. En même temps aujourd’hui nous voulons dire au monde entier que Che Guevara pour nous n’est pas mort. Car partout dans le monde existent des foyers où les hommes luttent pour plus de liberté, plus de dignité, plus de justice, plus de bonheur. Partout dans le monde les hommes luttent contre l’oppression, la domination, contre le colonialisme, contre le néocolonialisme et l’impérialisme, contre l’exploitation de classe.

Chers amis, en joignant nos voix à celles de tous ceux qui dans le monde se souviennent qu’un jour un homme appelé le Che Guevara a […] avec toute la foi de son cœur, s’était engagé aux côté d’autres hommes et avait ainsi réussi à créer cette étincelle qui a tant troublé les forces d’occupation dans le monde, nous voulons simplement dire qu’un ère nouvelle a sonné au Burkina Faso, qu’un réalité [nouvelle] est en marche dans notre pays ? On peut voir ainsi l’appel de Che Guevara, celui-là même qui voulait allumer partout dans le monde des foyers en lutte.

Che Guevara a été fauché par des balles, des balles impérialistes sous les cieux de Bolivie. Et nous disons que Che Guevara pour nous n’est pas mort.

Une des belles phrases dont se souviennent les révolutionnaires, les grands révolutionnaires cubains, est celle-là même que son ami, son compagnon de lutte, son camarade son frère, Fidel Castro, lui-même répétait. Une phrase qu’il avait captée un jour de lutte de la bouche d’un homme du peuple, un officier de Batista qui, malgré son appartenance à cette armée réactionnaire et répressive, savait faire alliance avec les forces en lutte pour le bonheur du peuple cubain. Lorsque ceux qui avaient tenté l’assaut contre la caserne de la Moncada venaient déchouer et qu’ils devaient subir des supplices par les armées de Batista, ils devaient être fusillés, l’officier avait simplement dit : " Ne tirez pas, on en tue pas les idées."

C’est vrai, on ne tue pas les idées. Les idées ne meurent pas. C’est pourquoi Che Guevara, qui était un concentré d’idées révolutionnaires et de don de soi, n’est pas mort parce qu’aujourd’hui vous êtes venus [de Cuba] et nous nous inspirons de vous.

Che Guevara, argentin de par son, passeport, est devenu cubain d’adoption par la sang et la sueur qu’il a versés pour le peuple cubain. Et surtout il est devenu citoyen du monde libre, le monde libre qui est ce monde qu’ensemble nous sommes en train de bâtir. C’est pourquoi nous disons que Che Guevara est aussi africain et burkinabè.

Che Guevara appelait son béret la "boïna". Un peu partout en Afrique, il a fait connaître ce béret et cette étoile. Du nord au sud, l’Afrique se souvient de Che Guevara.

Une jeunesse intrépide, une jeunesse assoiffée de dignité, assoiffée de courage, assoiffée d’idées, de cette vitalité qu’il symbolisait en Afrique, recherchait Che Guevara pour boire à la source, la source vivifiante que représentait dans le monde ce capitaine révolutionnaire. Et du peu d’entre eux qui ont eu la chance, qui ont eu l’honneur d’approcher le Che et qui encore vivants, certains sont ici parmi nous.

Le Che est burkinabè. Il est burkinabè parce qu’il participe à notre lutte. Il est burkinabè parce que ses idées nous inspirent et sont inscrites dans notre Discours d’Orientation Politique. Il est burkinabè parce que son étoile est frappée de notre emblème. Il est burkinabè parce qu’une partie de ses idées vit en chacun de nous dans la lutte quotidienne que nous menons.

Le Che est un homme, mais un homme qui a su montrer et nous éduquer dans l’idée que nous pouvons oser avoir confiance en nous et avoir confiance en nos capacités. Le Che est parmi nous, ensemble [avec nous].

Je voudrais dire : qu’est-ce que le Che ? Le Che pour nous, c’est d’abord la force de conviction, la conviction révolutionnaire, la foi révolutionnaire dans ce que tu fais, la conviction que la victoire nous appartient, que la lutte est notre recours.

Le Che c’est aussi l’humanisme. L’humanisme : cette générosité qui s’exprime, ce don de soi qui a fait du Che non seulement un combattant argentin, cubain, internationaliste, mais aussi un homme, avec toute la chaleur.

Le Che c’est aussi l’exigence. Exigence de celui-là qui a eu la chance de naître dans une famille aisée... mais qui a su dire non à ses tentations, qui a su tourner le dos aux facilités, pour au contraire s’affirmer comme un homme qui fait cause commune avec la misère des autres. L’exigence du Che : voilà ce qui doit nous inspirer le plus.

C’est pourquoi conviction, humanisme, exigence font de lui le Che. Et ceux qui savent rassembler en eux ces verts, ceux qui savent rassembler en eux ces qualités, cette conviction, cet humanisme et cette exigence peuvent dire qu’ils sont comme le Che : des hommes parmi les hommes, mais surtout des révolutionnaires parmi les révolutionnaires.

Nous venons de regarder ces images qui retracent autant qu’elles peuvent tenter de le faire une partie de la vie du Che. Malgré leur force d’expression, ces images restent muettes sur cette partie la plus déterminante de l’homme, celle-là même que l’impérialisme visait. .C’est beaucoup l’esprit du Che, que les balles ont visé, que son image. Sa photo est partout dans les esprits et sa silhouette est l’une des plus familières. Faisons donc en sorte que nous puissions mieux connaître le Che.

Approchons donc le Che. Approchons-le non pas comme nous le ferions d’un dieu, non pas comme nous le ferions de cette idée, de cette image au-dessus des hommes, mais faisons-le avec le sentiment que nous allons vers un frère qui nous parle et à qui nous pouvons également parler. Faisons en sorte que les révolutionnaires s’inspirent de l’esprit du Che, pour être eux aussi internationalistes, pour savoir eux aussi bâtir avec les autres hommes de la foi, la foi dans la lutte pour la transformation (des choses, contre l’impérialisme, contre la capitalisme.

Quant à vous, camarade Camilo Guevara, il ne nous est certainement pas permis de dire que vous êtes un fils orphelin. Le Che appartient à nous tous. Il nous appartient comme un patrimoine de tous les révolutionnaires. Vous ne pouvez donc pas vous sentir seul et abandonné, car vous trouvez en chacun de nous, nous l’espérons, des frères, des soeurs, des amis, des camarades. Vous êtes avec nous citoyen du Burkina, parce que vous êtes résolument engagés sur les traces du Che, notre Che à nous tous, notre père à nous [tous]

Enfin souvenons-nous du Che simplement comme ce romantisme éternel, cette jeunesse si fraîche et si vivifiante, et en même temps cette lucidité, cette sagesse, ce dévouement que seuls les hommes profonds, les hommes de coeur peuvent avoir. Le Che c’était la jeunesse des 17 ans. Mais le Che, c’était également la sagesse des 77 ans. Cette alliance judicieuse est celle-là que nous devons avoir en permanence. Le Che, c’était le cœur qui parlait, c’était aussi le bras vigoureux et intrépide qui agissait.

Camarades, je remercie nos amis et camarades cubains, pour l’effort qu’ils ont fait en venant s’associer à nous. Je remercie tous ceux qui ont franchi des milliers de kilomètres, qui ont traversé les mers pour se retrouver ici au Burkina Faso pour se souvenir du Che.

Je remercie également toux ceux qui, de par leurs contributions personnelles, feront en sorte que cette journée ne soit point simplement une date du calendrier, mais surtout des jours, plusieurs jours de l’année, plusieurs jours dans les années et les siècles pour que vive éternellement l’esprit du Che.

Mais chaque fois que nous penserons au Che, tentons de lui ressembler, et de faire revivre l’home, le combattant. Et surtout chaque fois que nous aurons l’idée d’agir comme lui dans l’abnégation, dans le refus des biens bourgeois qui tentent de nous aliéner, dans le refus aussi des facilités mais dans l’éducation et la discipline rigoureuse, de l’éthique révolutionnaire, chaque fois que nous aurons tenté d’agir ainsi, nous aurons mieux servi les idées du Che, nous les aurons mieux répandues.

La Patrie ou la mort nous vaincrons !


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