Réflexion sur la réorientation stratégique du Parti de Gauche

dimanche 11 août 2019.
 

La nouvelle voie stratégique du PG.

Cette réorientation me semble résulter de deux facteurs

1) La faiblesse stratégique du FdG.

Le FdG possède un atout qui lui assure une certaine cohérence idéologique : le programme l’Humain d’abord (fait qui est curieusement souvent oublié) mais souffre d’un handicap majeur : une différence de stratégie politique entre deux composantes : l’une défendant, avec une majorité des responsables du PCF, une alliance avec les élus socialistes aux élections, et l’autre, avec le PG, prônant l’indépendance par rapport au PS et faire du FdG une force politique alternative au PS à gauche.

Nous avons, dans un autre article, montré la cohérence politique de l’option du PG sur cette question et nous n’y reviendrons pas ici. Cette divergence stratégique contribue à affaiblir notablement le FdG dans un univers politique déjà très brouillé.

Il y a eu convergence de deux phénomènes : d’une part la position du PCF contribuant à faire passer le FdG comme une force d’appoint du PS et en donnant l’image d’un parti plus intéressé par ses intérêts partisans de conservation de sièges que par l’intérêt général et d’autre part une offensive médiatique effaçant la spécificité du FdG et l’intégrant dans "la gauche" représentée médiatiquement par le PS.

De ce fait, l’affaiblissement du PS n’a pas profité électoralement au FdG. Pour la grande majorité des électeurs, le FdG n’a pas été perçu comme une force autonome possible alternative au PS.

La stratégie défendue par Jean-Luc Mélenchon et le PG considérant que le FdG puisse être une authentique force de gauche pouvant devancer le PS n’a pas du tout été : connue (censure médiatique), comprise (complexité de la situation), crédible (de facto, alliance avec le PS aux municipales).

2) Le discrédit généralisé des électeurs envers les partis et les responsables politiques.

Près de 80% des Français ne font pas confiance aux partis politiques et à leurs représentants.

Les combines d’appareils, la multiplication des affaires politico–financières, carriérisme et affairisme de nombreux élus devenus des apparatchiks n’ayant pour certains jamais eu le moindre contact avec une vie professionnelle réelle, ont discrédité gravement les organisations politiques : Malgré l’absence d’affaires politico-judiciaires concernant le FdG, celui-ci n’a pas échappé à cette tendance générale de rejet.

Quelles voies stratégiques restent-il alors au Parti de Gauche ?

1) Exiger du PCF une non alliance avec le PS aux prochaines élections à défaut de quoi le PG se sépare du PCF conduisant ainsi à une dissolution du FdG..

Dans ce cas, les arguments de lisibilité et de cohérence politique avancés par le PG seront évidemment ignorées des médias et de la direction PCF : le PG sera accusé de diviseur, Mélenchon de sectarisme et d’autoritarisme, etc.

À cela, s’ajouterait le découragement d’un grand nombre de militants quittant ainsi le FdG.

Autre inconvénient : le PG perd une partie de son potentiel militant au sein du FdG qui est constitué de communistes.

2) Conserver la situation actuelle en acceptant la divergence stratégique d’alliance avec le PS.

Il conserve ses capacités militantes mais dans ce cas, le PG perd une partie de son capital symbolique fondé sur une idéologie anticapitaliste et écologiste indépendante du PS et donc ses capacités de convaincre les électeurs pour une transformation sociale radicale. Alors, que faire ?

Quelle voie ? La voix du Peuple !

Il lui faut donc échapper au carcan institutionnel des partis et rompre avec la professionnalisation du travail politique très discréditée, comme rappelé ci-dessus.

Ce n’est donc pas en essayant d’élargir le FdG autour des partis le constituant mais en faisant appel directement au Peuple lui-même. De même un rassemblement avec les frondeurs du PS n’est pas envisagé du fait de leur incohérence politique qui ne peut susciter le moindre sentiment de confiance de la part des électeurs.

Comment alors rassembler le Peuple au-delà des partis politiques sur des enjeux interpellant autant un électorat de gauche qu’un électorat de droite républicaine ? Le PS apparaît comme un consortium d’arrivistes reniant leurs engagements, l’UMP comme un repaire de brigands s’entre déchirant par soif de pouvoir et d’argent et tous deux incapables de résoudre les problèmes économiques et sociaux qui accablent une bonne partie de la population.

L’idée fait alors son chemin de la nécessité de changer de système politique et de personnel politique. Il apparaît alors urgent de définir de nouvelles règles du jeu institutionnel mettant fin à cette situation calamiteuse.

La proposition que le Peuple lui-même fonde une 6ème république pour définir de nouvelles règles du jeu correspond donc à la situation. Et ce ne sont certainement pas les élus, tous attachés à leurs prérogatives et avantages, qui peuvent être en mesure de fonder ces nouvelles institutions

Rappelons alors les propos de Jean-Luc Mélenchon(Mouvement de la sixième république) : "Notre devoir n’est-il pas au contraire de former la force politique indépendante et conquérante qui sera l’appui de tous, demain, quand la bataille éclatera au grand jour ? N’est-ce pas de former et d’encourager les esprits à l’air libre du combat frontal contre la main qui nous frappe ? Bref, l’enjeu ce n’est ni de construire une agence de bons offices ni de croire qu’on va trouver un raccourci en bricolant les bois du naufrage ! C’est pourquoi, dans une formule qui reste encore générale, j’en conviens, nous disons qu’il s’agit de « fédérer le peuple » plutôt que de « rassembler la gauche ». C’est le sens du mot d’ordre de 6ème République. Il met en avant le plus grand dénominateur commun : le pouvoir des citoyens, leurs aspirations à ne plus être des jouets dans les mains des politiciens des médiacrates et des puissants."

Mais il serait erroné de penser que cette stratégie est improvisée puisqu’elle date de la fondation même Parti de gauche. "Pour moi, cette question est le cœur de la stratégie de « révolution citoyenne ». C’est-à-dire d’un changement profond de la règle du jeu social par la voie démocratique. Dans ce projet, le changement de République se fait élisant une Assemblée constituante et en étendant le processus de prise du pouvoir en tous lieux où se joue la vie quotidienne des citoyens. La 6ème République est le premier point du programme présenté au meeting de Saint-Ouen à l’occasion de la fondation du Parti de gauche. Comme les évènements ont confirmé notre analyse d’alors !"

Je ne détaillerai pas ici les pistes proposées par Jean-Luc Mélenchon que l’on peut retrouver en se référant à la vidéo de son discours à la fête de l’Humanité en septembre 2014 (Placer le curseur à 1h15) Source :cliquez ici

Quelle différence entre "front du peuple" et "fédérer le peuple ?"

Indiquons qu’une telle stratégie diffère de celle avancée en juin 2014 concernant le "front du peuple". André Chasaigne l’avait décrite ainsi sur son blog :

"Mais cette construction commune, ne doit surtout pas se limiter au Parlement ou aux responsables nationaux des partis et organisations de gauche. Un dialogue doit être initié aussi au plan local, entre militants des différentes organisations et avec le peuple de gauche. Que cette démarche irrigue les territoires ! En étant la force d’animation du travail de rassemblement et un espace d’investissement citoyen, le Front de gauche doit recouvrer son ambition initiale, servir de moteur à la constitution d’un véritable front du peuple. "

Dans la démarche du Parti de gauche, il ne s’agit pas d’élargir, par cercles concentriques successifs, le rassemblement autour du Front de gauche ou de l’un de ses quelconques partis ou encore d’en faire le chef d’orchestre du rassemblement, mais de faire intervenir le plus rapidement possible le peuple dans toute sa diversité : cette diversité contient des citoyens affiliés à aucune organisation autant que des citoyens encartés à un syndicat, un parti, une association. Le peuple est constitué de gens ayant des expériences professionnelles très variées, ayant des cultures diverses, des conditions de travail et de vie pouvant être très différentes.

Mais au-delà de cette diversité, tous ces gens partagent une communauté de destin  : ils sont dirigés par des responsables politiques et un système institutionnel qui ne sont pas au service de l’intérêt général du peuple et de son écosystème, mais qui servent essentiellement les intérêts privés de la couche sociale la plus fortunée. Le peuple a perdu progressivement sa souveraineté démocratique au profit de différentes institutions technicho administratives dont certaines sont au service des multinationales.

Certes les militants du Front de Gauche peuvent jouer un rôle non négligeable dans l’animation de ce mouvement mais l’objectif à atteindre est que ce mouvement soit pris en charge par le maximum de citoyens.

Toutes les contributions et échanges horizontaux sont considérés comme bienvenues.

Dans un tel processus, le programme du FdG "l’Humain d’abord" qui avait été porté par Jean-Luc Mélenchon aux présidentielles de 2012 n’est évidemment pas à jeter à la poubelle mais devient un apport parmi d’autres dans la réflexion collective.

Néanmoins, l’un des travaux du FdG sera d’examiner en quoi les institutions proposées permettront ou non la réalisation des objectifs socio-économiques et de démocratie sociale contenus dans le programme "l’Humain d’abord."

Il s’agit donc en réalité d’une véritable révolution copernicienne : le Parti n’est plus le centre du monde autour duquel gravitent quelques satellites mais un astre parmi d’autres et dont la position n’est pas déterminée si sa trajectoire est à géométrie variable.

Le mouvement pour la 6ème République.

Le coup d’envoi du processus est la mise en ligne de la pétition "je signe pour la 6ème République" On peut cliquer ici pour y accéder

Rappelons sur ce point les propos de Jean-Luc Mélenchon : "Deux étapes cruciales devront être franchies. La première consistera à constituer un comité d’initiatives qui prendra en charge l’impulsion des étapes suivantes de la vie du « mouvement ».

La seconde, ce sera la mise en place d’un site interactif pour accueillir une vie aussi horizontale et coopérative que possible. Ce sont deux moments délicats et je ne dis pas que je suis certain de les voir franchis d’un bond.

Comme j’ai déjà eu l’occasion de l’exposer ici même, une autre difficulté vient du fait que je suis à la fois l’initiateur de la démarche et celui qui doit en transmettre le contrôle aussi vite que possible.

Pour moi, l’idée essentielle est que le « mouvement pour la sixième République » n’est pas un parti ni quelque chose qui y ressemble. Il s’agit d’un courant d’opinion aussi large que possible puisant sa motivation aux sources les plus diverses.

Une autre difficulté vient de là, d’ailleurs. On ne peut imaginer de proposer une Constitution clé en main au moment où l’on propose sa rédaction par le peuple lui-même. Cependant, j’ai bien compris que si l’on en reste au simple énoncé de l’objectif, c’est-à-dire la convocation d’une assemblée constituante pour écrire une nouvelle Constitution, beaucoup de personnes pourraient comprendre qu’il s’agit seulement d’une construction institutionnelle.

Le contenu démocratique, social, écologique ne se voit pas dans le seul mot « sixième République ». J’ai donc pensé que je pouvais aider à encourager et à rassurer sur ce point en faisant de ce thème l’objet de mon discours à la Fête de l’Humanité samedi dernier. J’admets qu’il est un peu long, mais je n’ai su faire mieux. Ceux qui donc s’inquièteraient en pensant que le changement de Constitution est « un thème abstrait » seront peut-être rassurés en m’écoutant. Je n’ai pas parlé pour autre chose et c’est en faisant comme si tous mes auditeurs ce jour-là étaient de ce point de vue que j’ai argumenté. C’est pourquoi je renvoie à mon propos plutôt que d’en faire aujourd’hui un résumé."

Source : Cliquez ici

Le travail est déjà commencé.  

Un certain nombre de citoyens n’ont pas attendu le Front de Gauche pour réfléchir de manière détaillée à ce que pourrait être une assemblée constituante, une nouvelle constitution ou une nouvelle république.

Pour s’en convaincre, il suffit d’aller visiter les sites des "Gentils Virus" qui œuvrent par eux-mêmes avec et en parallèle à Etienne Chouard. Leur travail s’effectue de manière horizontale et non verticale

Voici les liens :

http://gentilsvirus.org/ ou http://gentilsvirus.fr/

Le wiki des Gentils Virus (mine d’informations et de propositions suite au travail déjà effectué : http://wiki.gentilsvirus.org/

Le groupe FB des Gentils Virus : https://www.facebook.com/groups/gen...

Pour connaître toutes les analyses déjà effectuées concernant la cause des causes voir : http://wiki.gentilsvirus.org/index....

Pour vous exercer aux ateliers constituants voir : http://wiki.gentilsvirus.org/index.... 

Qui connaît déjà ce travail réalisé ? Les médias en ont-ils fait une large publicité ?

Évidemment non.

L’un des enjeux de la réussite de ce type de démarche est la mise au point d’une stratégie médiatique de communication tous azimuts permettant de neutraliser la conspiration du silence.

La neutralisation médiatique.

Alors évidemment, nous allons voir comment le processus va évoluer mais une chose est déjà prévisible : des contre-feux seront mis en place dans la presse libérale et les grands médias.

La stratégie la plus simple, comme on vient de le dire, est évidemment le silence consistant à gommer de l’espace médiatique "le mouvement pour la 6ème République".

La technique la plus élémentaire sera évidemment, comme d’habitude, de s’attaquer à la personne de Jean-Luc Mélenchon et de le présenter comme un personnage ayant plus de sympathie pour des régimes autoritaires que pour des régimes démocratiques.

Ce travail de démolition en règle est déjà bien commencé avant même la promotion de cette sixième république. Mélenchon serait Chaveziste, voudrait transférer mécaniquement les expériences d’Amérique du Sud où le mouvement Podemos espagnol en France.

Pourtant Mélenchon a déjà expliqué qu’ il ne partageait pas, loin de là, toutes les options politiques du Venezuela ou de l’Équateur par exemple, mais qu’il extrayait de ces expériences un certain nombre d’informations pouvant être utiles pour réussir ce qu’il appelle la révolution citoyenne.

Par exemple, il a retenu l’idée d’un référendum révocatoire comme l’a indiqué récemment un magazine.

D’autre part, Mélenchon connaît suffisamment bien l’histoire de l’Espagne, et le déroulement des événements de ces dernières années, pour savoir que l’expérience de Podemos n’est pas transposable mécaniquement à notre pays. Là encore, il extrait un certain nombre d’enseignements, dont l’usage des réseaux sociaux par exemple, pour enrichir sa réflexion politique.

Autre attaque : on va l’accuser de bonapartisme et de vouloir contourner les mouvements sociaux dont le mouvement ouvrier . Quand on connaît la multitude des références au mouvement ouvrier lors de ses meetings ou tout simplement sa présence physique lors de multiples manifestations ouvrières, on ne peut que sourire en entendant ce genre d’accusation.

Contre-attaque encore : Mélenchon n’est-il pas lui-même un professionnel de la politique ? Comment imaginer qu’un tel homme puisse promouvoir une une république en rupture avec la professionnalisation de la politique ? Mélenchon n’est-il pas aussi un homme du système ? (comme l’avait d’ailleurs rappelé un jour Mme Le Pen). Remarquons que la citation ci-dessus de Mélenchon montre que celui-ci est parfaitement conscient de cette légitime interrogation.

Mais il faut se garder de penser que ce genre de propagande diffusée par la presse bourgeoise et les médias au service de l’oligarchie financière n’ont d’impact que sur un électorat de droite ou social libéral.. Par exemple, cette propagande peut avoir un impact maximal sur l’esprit de militants se prétendant révolutionnaires ou anti capitalistes .

En voici un exemple : à la lecture de l’article de François Sabado "Mélenchon prend de la distance pour en appeler directement au peuple, le Front de Gauche reste éclaté" article que l’on trouve sur lesite d’Agora Vox, du NPA 34et du rézo citoyen, on peut lire un condensé de toutes ces inepties.

Consternant. En outre, un mode de fonctionnement mental complètement binaire du tout ou rien sous-tend ces attaques.

Mais je me garderais bien de généraliser : par exemple, sur le site national du NPA, j’ai trouvé un lien menant à la revue trotskiste Imprécor qui a reproduit un article tout à fait intéressant intitulé : "Podemos face au défi de la démocratie interne". À la lecture de cet article, J’ai encore ici une confirmation que les militants de l’Autre gauche (En l’occurrence espagnole) devraient améliorer leur niveau de formation concernant la théorie des organisations. Nous avons eu l’occasion de consacrer un article complet sur cette questionen utilisant les travaux du Canadien Vincent Lemieux, l’un des meilleurs spécialistes mondiaux sur cette question

Pour que le mouvement "Pour la 6ème République" puisse aboutir, il ne suffira pas de solliciter et de capitaliser les bonnes idées, mais il sera nécessaire de développer une stratégie d’investissement de tous les médias numériques (forum de journaux articles dans les webzines), interventions auprès des rédactions, multiplier massivement le nombre de sites promouvant la 6ème République, organiser des assemblées citoyennes, des ateliers citoyens, utiliser les techniques classiques du porte-à-porte, etc.

Hervé Debonrivage


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