Pourquoi nous n’avons pas voté Jean-Claude Juncker

lundi 21 juillet 2014.
 

Les politiques libérales et austéritaires ont conduit l’Europe à la crise, à l’impuissance politique et à la défiance des peuples européens. Pourtant, le Parlement Européen s’est aujourd’hui prononcé en faveur de Jean-Claude Juncker, candidat du parti démocrate-chrétien arrivé en tête lors des dernières élections européennes, afin d’assurer la Présidence de la Commission européenne.

Certes, le Parlement européen a réussi à imposer au Conseil le choix du candidat du parti arrivé en tête de l’élection du 25 mai. Cette désignation constitue une avancée démocratique et institutionnelle.

Pour autant, rappelons que le contrat initial, qui a porté nos engagements lors de la campagne européenne, consistait à ce que le Conseil Européen missionne le chef de file du parti arrivé en tête aux élections, afin de trouver une majorité au sein du Parlement Européen. Ni plus, ni moins.

Dès lors, le mandat confié par les électeurs aux députés socialistes n’était en aucun cas une simple ratification.

Monsieur Juncker n’était pas notre candidat, ni celui du groupe socialiste au Parlement européen. S’il évolue depuis longtemps dans les arcanes européennes, ses mérites politiques sont pour le moins ambigus : fédéraliste convaincu et se présentant volontiers comme le démocrate-chrétien à la fibre sociale affirmée, il ne saurait faire oublier qu’il a été durant 8 ans Président de l’Eurogroupe. Cet organe réunissant les ministres des finances de la zone euro a fait office au cours des dernières années de centre névralgique impulsant sur le plan politique les programmes "d’ajustement structurels" orchestrés par la troïka et imposés aux peuples grec, irlandais, portugais.

M. Jean-Claude Juncker a beau jeu aujourd’hui d’exiger la réalisation systématique d’études d’impact social en amont des réformes structurelles préconisées (flexibilisation du marché du travail, coupes drastiques dans les dépenses sociales et de santé, diminution des pensions des salariés) : l’échec économique des programmes de la troïka est patent, et la cohésion sociale au sein des pays sanctionnés a été durement atteinte. N’oublions pas également qu’il fut l’inoxydable défenseur du secret bancaire en protégeant le statut de paradis fiscal du Luxembourg qu’il a dirigé durant 19 ans. Jusqu’en 2013, il aura bloqué la révision de la directive sur la fiscalité de l’épargne et fait obstacle à l’échange automatique d’information entre administrations fiscales des pays membres de l’Union. Cela atténue pour le moins la crédibilité de ses engagements à lutter contre l’évasion et la fraude fiscales en Europe. Mais surtout, son audition devant le groupe socialiste du Parlement européen s’est révélée décevante : au-delà de l’utilisation d’une sémantique d’inspiration social-démocrate (lutte contre la concurrence déloyale et la discrimination entre les femmes et les hommes, lutte contre le chômage érigée en priorité de son mandat), il a pris soin d’entretenir un flou artistique quant aux propositions concrètes qu’il mettrait sur la table une fois élu Président de la Commission, notamment sur la flexibilité du Pacte de Stabilité.

Dans ce contexte, voter pour Monsieur Juncker revenait à avaliser l’indifférenciation entre gauche et droite, et contribuait à faire du nationalisme la seule alternative au conservatisme libéral.

Dans une position commune de la délégation socialiste française, nous avons donc fait le choix de ne pas apporter notre soutien à Jean-Claude Juncker. C’est non seulement l’expression de notre intransigeance vis à vis d’un modèle daté, mais également la preuve que le clivage gauche-droite, au sein de l’Union Européenne, n’est pas qu’une simple promesse de campagne. Nos exigences en termes d’investissements publics, d’ambition vis-à-vis de la transition énergétique, de protection des travailleurs, de lutte contre l’évasion fiscale organisée sont les priorités absolues qui doivent guider notre mandat et permettre la réorientation du projet européen vers une nouvelle forme de développement, seule issue réelle à la crise que vit notre continent.


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