« Le peuple palestinien tient sur ses faibles épaules l’avenir de l’humanité, entre barbarie et libération »

mercredi 23 juillet 2014.
 

par Michael Warschawski, journaliste et militant pacifiste israélien, cofondateur et président du Centre d’information alternative de Jérusalem

La Palestine - Le Cœur du monde

L’équipe d’Algérie de football vient d’annoncer qu’elle donnerait l’ensemble de sa prime aux Palestiniens de Gaza. Combative et au jeu attractif, elle n’a malheureusement pas réussi à vaincre les États-Unis et dépasser ainsi les huitièmes de finale, mais ce geste envers la population martyre de Gaza la met sur le podium du championnat de la solidarité internationale.

Aux Fennecs, il faut ajouter un autre Algérien (ou plutôt franco-algérien), le prestigieux buteur de l’équipe de France Karim Benzema, qui, a plusieurs occasions, a exprimé lui-aussi sa solidarité avec le peuple palestinien.

Qu’est-ce qui fait que, même dans ce sport de compétition où les acteurs sont plus préoccupés par les sommes astronomiques qu’ils engrangent que par les valeurs morales, il y ait un tel engouement pour la Palestine et son peuple ? La réponse que nous donnent les inconditionnels de l’Etat juif ne peut nous surprendre : derrière ce soutien à la Palestine se cache, ou plutôt ne se cache même pas l’antisémitisme, surtout s’il s’agit d’Arabes, d’où qu’ils soient. Ayant intériorisé la théorie du Choc des Civilisations, les inconditionnels d’Israël, voient dans la solidarité avec la Palestine l’expression de la haine éternelle (sic) du monde musulman envers ce qu’ils appellent la civilisation judéo-chrétienne. L’histoire du monde se résumerait à cette guerre éternelle, inscrite dans le code génétique de la civilisation musulmane : c’est ce qu’on nous rabâche depuis maintenant plus d’un quart de siècle, faisant fi à la fois de deux millénaires d’antisémitisme chrétien et de nombreux siècles de coexistence judéo-musulmane plus ou moins harmonieuse. A moins de me tromper gravement, Treblinka n’était pas au Maghreb, et Sobibor une banlieue de Damas…

A première vue plus sophistiqué est l’argument de la solidarité communautaire : si on est Arabe ou musulman on soutient les Palestiniens qui sont Arabes, de même que si on est Juif on est aux côtés de l’Etat juif. Ce serait ainsi que va le monde.

Mais cette réduction de la sympathie envers le combat des Palestiniens à une question de solidarité communautaire se heurte aux faits : les dizaines de millions de personne qui sont mobilisées pour les droits du peuple palestinien sont loin d’être toutes des Arabes ou des Musulmans, et le positionnement critique envers Israël de la majorité des instances syndicales internationales, et des mouvements sociaux des cinq continents est le fait d’hommes et de femmes qui appartiennent aussi à des cultures non arabes et non musulmanes. Si l’on revient au football, l’équipe d’Italie qui donne symboliquement la coupe du monde qu’elle a gagne en 1982 à l’ambassade de Palestine à Rome, n’était pas composée de Musulmans ou d’Arabes. Et Messi qui pose devant les caméras du monde entier avec un keffieh où l’on peut voir le portrait de Yasser Arafat, n’est pas un Arabe non plus.

D’où la pertinence de notre question de départ : d’où vient cet engouement particulier – et unique depuis celui pour le Vietnam dans les années soixante et soixante-dix – pour la cause palestinienne ?

C’est que la Palestine est, depuis un demi-siècle, à la fois la tranchée avancée de la guerre globale entre le désordre impérialiste et les peuples et le symbole de la résistance à l’injustice structurelle que les grands de ce monde veulent nous imposer par la force. Il n’est pas exagéré de dire que le peuple palestinien tient sur ses faibles épaules l’avenir de l’humanité, entre barbarie et libération.

Michael Warschawski


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