Alain Duhamel et la résistible ascension de Jean-Luc Mélenchon

jeudi 6 juin 2013.
 

La résistible ascension du journalisme microcosmique

par Pierre Marcelle

C’est entendu : si François Hollande annonce ce jeudi, lors de sa « rituelle » conférence de presse, un changement de politique, promis juré, la semaine prochaine, je bouffe mon chapeau. Las ! Entre la loi de liquidation du droit du travail que préparent l’Accord national interprofessionnel et l’effarante réforme du système des retraites annoncée lundi, craignons que le chef de l’Etat fasse plutôt écho au dogme que répétait encore l’autre lundi son chouchou et ministre de l’Intérieur, Manuel Valls : « On ne peut pas changer de cap » - son There is no alternative à lui…

Entendre cela, c’est entendre que les deux années de « répit », de « délai » ou de « sursis » octroyées par Bruxelles pour ramener les déficits publics du pays à 3% constituent le calendrier fixé pour en finir, via des « réformes structurelles », avec ce qui fut son modèle social. La crise continentale alimentant la crise et la récession la récession, de ce qu’il en sera alors des déficits réels que nul n’est en mesure de prévoir, tout le monde se fout. Les « réformes structurelles » d’abord ! Ce n’est qu’après que l’on parlera de la dette impayable, de sa mutualisation radicale ou - qui sait ? - de son moratoire.

De cette perspective rugueuse, et il est vrai pas très sexy, il ne saurait être question, ne fût-ce qu’au titre d’hypothèse, dans notre ordinaire masse médiatique. L’incantation proeuro et proeuropéenne, à peine mâtinée du vœu très pieux d’un peu de cohérence économique et de légitimité élective, occupe tout l’espace, et sa moindre contestation s’évapore dans des fumerolles de sulfureuses fragrances. D’où cette propension de la parole éditoriale autorisée à s’égarer dans la psychologisation de la chose publique. Tiens, que voulait-il signifier, notre équanime président, dans Paris Match, en évoquant un « remaniement » qui viendra « en son temps » ? Où le candide lecteur aura retenu le sous-titre, en une, de l’auguste interview (« Je suis convaincu de tenir le bon cap »), le journaliste microcosmique, qu’une telle généralité n’abuse pas, va longuement fouailler dans le non-dit pour en augurer le subliminal message. Pour Sarkozy, pareil. Reviendra ou pas dans la course à la présidentielle (on parle là d’une échéance à quatre ans), et surtout, surtout, en passant, ou pas, par la case primaire de l’UMP ? (Parce que, franchement, quand on connaît le bonhomme…)

De ces émollientes supputations, l’ancien et le nouveau chef de l’Etat se consoleront en voyant leur propos respectueusement rapporté. Mais quid d’une parole systématiquement censurée au prétexte de la rhétorique (« tribunicienne ») qui la porte ?

Ainsi en va-t-il sans fin de celle de Jean-Luc Mélenchon, auquel le Monde s’avisait le 4 mai de consacrer en son magazine glacé 7 pages, dont 4 de photos (ou plutôt de clichés, tant la noirceur des portraits hurleurs du sujet en dévoreur de petits nenfants correspondait aux prototypes du genre, lorsqu’il est question du coprésident du Parti de gauche), plus la couverture. A l’avant-veille de la manifestation du Front de gauche pour une VIe République (1), l’initiative faisait sens. Crut-on. A tort. Passons sur le ressassement de banalités empruntant tantôt à la théorie des climats de Montesquieu (Ah ! le tempérament méditerranéen…), tantôt à un Dr Freud pour les nuls (Oh ! l’hypersensibilité de l’enfant rapatrié du Maroc et qui en veut au monde entier…) ; rien de neuf et rien à relever sinon, peut-être, derrière une citation du sujet interpellant « les riches » lors d’un meeting vieux de plus d’un an, cette notation fielleuse : « Et peu importe qu’il [Mélenchon] soit lui-même propriétaire d’un appartement à Paris et d’une maison dans le Loiret, et qu’il déclare 500 000 euros de patrimoine. » Dans le Monde ? Oui, dans le Monde… Tout fout le camp, hein !

Mais de quoi se plaint-on ? La presse est libre, non ? Et libre aussi Alain Duhammel de titrer (et moi de m’en offusquer) dans ces pages sa pénultième chronique « La résistible ascension de Jean-Luc Mélenchon », en une pesante allusion à la pièce de Bertold Brecht, la Résistible ascension d’Arturo Ui, où Arturo Ui est Adolf Hiltler.

Bien la peine de fustiger tous les jours les « excès » de langage de l’adversaire, de grimper au mur pour un « capitaine de pédalo » et d’invoquer sans cesse le vocabulaire des années 30 pour se vautrer de la sorte, dans une impeccable démonstration de « faites ce que je dis, pas ce que je fais ».

(1) Belle manif. J’y étais aussi pour en apprécier par avance le comptage au doigt mouillé idéologique du ministre Valls himself, après que la préfecture de police eut rappelé sur son officiel compte Twitter qu’elle « ne communique aucun chiffre de participation lors de manifestations organisées par des partis politiques ». Avant de se raviser, officieusement et très confusément, avec une efficacité qui semble n’avoir d’égal que sa « gestion » de la célébration, lundi soir au Trocadéro, du titre de champion de France de football acquis la veille par le Paris-Saint-Germai


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