DECRET "TABAC" ET INSPECTION DU TRAVAIL : HALTE AU MELANGE DES GENRES ! (SNUTEF FSU)

jeudi 1er février 2007.
 

DECRET "TABAC" ET INSPECTION DU TRAVAIL :

La France adopte à son tour une réglementation draconienne contre le tabagisme. C’est une cause juste : fumer est néfaste pour la santé, y compris au travail, mais le caractère absolu du dispositif peut être interprété comme une mise à l’index des fumeurs, avec une stigmatisation de ceux-ci comme une nouvelle catégorie de délinquants.

Or est-il justifié, au regard de la santé publique en milieu de travail, de commencer à traiter les cancérogènes par l’impact du tabagisme passif ?

QUELLES PRIORITES contre les cancerogenes ?

Selon le ministère lui-même il y aurait 3000 morts par an de ce fait. A comparer à l’impact des cancérogènes en milieu professionnel, toujours très largement sous estimé du fait de notre système de réparation par maladies professionnelles listées, sous la pression patronale, avec des critères très draconiens. Ainsi :

Le cancer en France c’est quoi ?

280 000 nouveaux cas par an et 150 000 décès par an, dont un tiers concerne des personnes de < 65 ans. On estime le nombre de cancers professionnels (hommes et femmes) en France à près de 20 000 cas par an (rapport activité 2003 du Cetaf au C.A. de la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés), dont environ 1200 seulement sont reconnus en maladie professionnelle, permettant aux employeurs d’échapper à leurs responsabilités dans plus de 90 % des cas !

L’exposition à des produits chimiques cancérogènes : La dernière étude de l’INRS (cahier notes doc. 4e trim. 2006) chiffre à 2,5 millions le nombre de salariés exposés aux 5,8 millions de tonnes de CMR (produits cancérogènes, mutagènes et reprotoxiques) utilisés tous les ans en France.

Et pourtant cette véritable catastrophe sanitaire annuelle ne mobilise pas vraiment au ministère, qui tarde à publier des valeurs limites plus contraignantes, à sortir le décret sur la décision d’arrêt des travaux dangereux pour exposition aux risques chimiques, à doter les services d’inspection d’une politique ferme de substitution des produits dangereux,...

Pire, le Ministère a cédé au lobbying patronal lors de l’actualisation du décret "risques chimiques" de décembre 2003 en introduisant dans la réglementation une nouvelle notion qui fait hurler tous les médecins du travail et préventeurs dignes de ce nom : le "risque faible", estimé par le seul employeur (sic !) qui dispense de la mise en application du décret chimie !

S’agissant de produits dont la nocivité peut apparaître 30 ans après leur utilisation et dont on sait que très peu ont fait l’objet de tests de toxicité avant leur mise sur le marché (cf. la directive REACH) ce laxisme n’a qu’un sens : dédouaner à l’avance les employeurs peu scrupuleux. Il est donc choquant de confronter l’attitude laxiste du ministère sur le risque chimique et la grande fermeté préconisée sur le nouveau décret tabac... qui ménage pourtant les lieux collectifs majeurs de tabagisme passif que sont les Hôtels, Restaurants, Bars en leur donnant un délai d’un an, bien pratique en période de campagne présidentielle...

Le décret du 15/11/06 complète la loi contre le tabagisme existant (art. L 3511-7 du Code de la Santé Publique), en ajoutant une nouvelle infraction : le fait, pour toute personne, de fumer dans un lieu clos et couvert à usage collectif (dont les lieux de travail) et en précisant les autres, qui visent le responsable des lieux où s’applique l’interdiction de fumer.

UN MELANGE DES GENRES INACCEPTABLE

La France a choisi de ne pas créer de nouveau corps de contrôle et charge les corps existants du respect de cette législation. Ce faisant, l’inspection du travail est maintenant chargée de relever des infractions à l’encontre des salariés comme des employeurs.

Cette innovation va à l’encontre de l’ordre public social en niant le lien de subordination entre employeur et salarié, fût-il fumeur ! Car sur les lieux de travail, la responsabilité de la préservation de la santé des salariés victimes du tabagisme des autres incombe à l’employeur et à nul autre. Pour y satisfaire, ce dernier a à sa disposition son pouvoir d’organisation et son pouvoir disciplinaire, comme l’a justement rappelé la Cour de Cassation le 29 Juin 2005. Ce sont les obligations qui découlent de cette responsabilité que l’inspection du travail est chargée de faire respecter, pas autre chose.

L’inspection du travail n’est pas la police des lieux de travail et des travailleurs. Certes, la santé au travail participe de la santé publique, mais sa protection ne relève pas du cadre de droit commun, le lien de subordination contractuel prévaut dans tous les cas et a comme corollaire l’obligation de sécurité de l’employeur. Le montage juridique dont le décret du 15/11/06 est la clé de voûte l’ignore superbement et constitue un recul de plus d’un siècle.

Enfin, notons au passage que cette politique rappelle la tentative de Sarkozy pour que l’inspection verbalise directement les travailleurs étrangers dépourvus de titre de travail, repoussée après mobilisation syndicale.

LES GRANDS MOYENS , QUEL QU’EN SOIT LE PRIX

Sur le tabac, le ministère met en branle les grands moyens : circulaires, carnets à souche pour des amendes forfaitaires, action prioritaire de contrôle dès le 1er jour d’entrée en vigueur du décret, remontées tous les quinze jours des infractions relevées,....

A noter que les tableaux ne donnent pas la possibilité de constater des infractions par simple observation ! Et il ne s’agit pas d’une erreur puisque la circulaire du 24 novembre 2006 fixait la ligne : information avant le 1er février 2007, actions de contrôle et de répression ensuite.

C’est une remise en cause du pouvoir d’appréciation des agents de contrôle prévu par la convention OIT N° 81. Il faut donc la refuser nettement, d’autant que le ministère se garde bien d’afficher la même fermeté sur des infractions pourtant massivement constatées : précarité de l’emploi, fausse sous-traitance, durée du travail,...

Le ministère utilise , enfin, un dispositif d’amendes forfaitaires, mais pas pour des infractions simples du Code du travail comme on le lui demande depuis longtemps (par exemple pour non paiement de salaires, infractions aux règles sur la durée du travail, non remise des attestations ASSEDIC, solde de tout compte, non-tenue du registre unique du personnel, ..., toutes infractions que les agents relèvent peu, vu le rapport temps passé/chance d’obtenir une sanction pénale significative...). Ces amendes sont d’ailleurs peu utilisables en l’occurrence, car le contrevenant doit donner son identité et signer, et l’on peut s’attendre à ce que peu de salariés acceptent de le faire,... s’ils ne se retournent pas contre l’agent de contrôle de surcroît !

Et dans la précipitation on nous demande d’utiliser des formulaires "ministère de l’intérieur" fabriqués pour la répression des infractions au code de la route, et sur lesquelles il faudrait donc rayer la mention "conducteur" pour rajouter "contrevenant", etc... Ubuesque ! mais aussi chronophage, si l’on pense au temps passé à se justifier avec le « contrevenant », à établir le constat, à faire remonter les statistiques,... . Et le Ministre de la santé qui dit, sans rire, qu’il ne s’agit pas d’une charge supplémentaire pour les agents de contrôle !

Le SNU TEF (FSU) invite donc les agents d’inspection du travail :

- à privilégier dans leur action la lutte contre les produits chimiques cancérogènes, contre lesquels trop d’employeurs ne prennent pas de mesures de substitution.

- à ne pas relever d’infractions contre les salariés fumeurs - car ce n’est pas notre travail, la mission de l’inspection du travail devant toujours intégrer le cadre fixé par la relation salariale - mais seulement contre les employeurs qui seraient en infraction.

- à renvoyer collectivement les carnets à souche à la DGT* pour en avoir de nouveaux, destinés aux seules contraventions au code du travail pour des infractions basiques (non paiement du salaire, non remise d’attestations Assedic,...). Paris, le 31 janvier 2007

* Direction générale du travail


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